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Ibid.

me de cœur & de conduite, d'attaquer un Convoi qui venoit au camp des François.Il le fit, & fort brufquement ; & quoi qu'il n'eut qu'un trèspetit nombre de Soldats la plufpart Cavalerie, il défit l'efcorte du Convoi, & enleva une grande quantité de Chariots. Il pourfuivit les François jufqu'au Pont, où ils avoient dreffé la Tour de bois dont j'ai parlé, pour la garde du paffage ; & profitant de leur défordre, il fit mettre le feu à un des Chariots chargez de foin qu'il avoit pris, le fit pouffer contre la Tour de bois, où le feu s'eftant mis, les François furent obligez de l'abandonner, & de fe retirer au-delà du Pont. Les Imperiaux continuant de les poursuivre, fe rendirent maiftres du Pont & du paffage.

Ce pofte eftoit de la derniere conféquence pour la fùreté de l'armée Françoife, pour la commodité des fourages & le tranfport des vivres. Sa perte caufa une grande alarme dans le Camp, & fit réfoudre Bucelin à donner bataille dès ce jour-là-même. Il y avoit quelques Allemans qui s'y oppofoient fur les mauvais pronoftiques de leurs devins ; mais ils ne furent point écoutez.

Narfez ayant appris les mouvemens & le deffein des François, fortit de fon Camp à la tefte de fon armée. Comme il mettoit fes Troupes en bataille, on lui vint dire qu'un Officier confiderable des Erules, dont il avoit un affez grand corps dans fon armée, venoit de commettre une action trèsbrutale en tuant de fa main un de fes domeftiques pour un fujet fort leger. Ce General qui faifoit obferver une difcipline très-exacte à fes Soldats, & qui s'eftoit mis en poffeflion de tenir ces Barbares dans l'ordre aufli-bien que tous les autres, dit tout haut qu'il n'en falloit pas davantage pour attirer la colere de Dieu fur fon armée, &

Tome L.

qu'il vouloit avant toutes chofes faire juftice de ce crime. Il fe fit amener le coupable, qui au lieu de lui témoigner du regret de fon emportement & demander grace, lui parla infolemment, difant qu'il eftoit maître de fes gens, & qu'il lui eftoit libre de les traiter comme il le jugeroit à propos. Narfez fans délibérer le fit tuer fur le champ.

Ce châtiment irrita les Erules qui firent mine de vouloir quitter l'armée, & fe retirerent au camp. Narfez fans paroiftre s'en mettre en peine acheva de difpofer tout pour la bataille, & marcha pour s'approcher de l'ennemi. Cependant le General des Erules faifant reflexion fur la démarche qu'il avoit faite, & fur les conféquences qu'elle pourroit avoir reprefenta à fes gens que leur défertion dans la conjoncture prefente avoit quelque chofe de honteux, & qu'on ne manqueroit pas de dire qu'ils avoient pris ce prétexte pour éviter de fe trouver à la bataille. De forte qu'il les fit revenir, & envoya prier Narfez de l'attendre. Narfez lui répondit qu'il ne l'attendroit point; mais que s'il venoit, on lui donneroit fon poste comme aux autres.

Ibid.

Il range fo armée en bais párazya.

taille.

Ce General rangca fon armée en Phalange, c'eft le terme dont fe fert l'Hiftorien Grec, & qui veut dirc-là, ainfi qu'il l'explique lui-même, qu'il mit toute fon Infanterie dans le milieu & toute fa Cavalerie aux deux afles. A la tefte de toute l'Infanterie eftoit un très-gros bataillon de gens armez de pied en cap, couverts de groffes cuiraffes & de cafques trèsforts qui faifoient la tortue, ainfi qu'on parloit alors ; c'est-à-dire, comme je l'ai déja expliqué en une dem. autre occafion, qu'eftant fort ferrez & joignant leurs boucliers les uns aux autres, ceux du premier rang & des coftez s'en couvroient tout le corps,

R

* Συνασπισ pov, Tefa

Agathias.

Ibid.

Bucelin

Pange

& ceux de l'interieur du bataillon les mettoient fur leur tefte quand il en eftoit befoin pour recevoir les fléches ils fervoient ainfi à toute l'armée comme d'une muraille très-difficile à renverfer. Derriere ce gros eftoit rangé le refte de l'Infanterie fur deux lignes jufqu'à une vafte campagne qu'elle avoit à dos : un autre petit corps d'Infanterie armée feulement de l'arc & de la fronde eftoit encore au-delà, destiné à attacher l'efcarmouche, & à commencer le combat; & devoit, felon l'ordinaire, venir à la débandade par les intervalles des bataillons à la tefte de toute l'armée, faire quelques décharges de fléches & de pierres. Dans le milieu de toute l'Infanterie on avoit laiffé une place vuide pour les Erules au cas qu'ils jugeaflent à propos de venir. Narfez fe mit à la tefte de la Cavalerie de l'aîle droite avec fes gardes & toute fa maifon, & pofta derriere deux petits bois affez épais qui flanquoient fes deux aîles, deux gros de Cavalerie que l'ennemi ne pouvoit pas voir, commandez l'un par Artabane, & l'autre par Valerien deux Officiers également braves & experimentez. Telle eftoit la difpofition de l'armée de Narfez.

Les François que la prife du pont dont j'ai parlé, avoit déja fait réfoudre à la bataille, furent confirmez dans leur réfolution par l'arrivée de deux Erules qui avoient deferté dans le moment que leurs compatriotes fe féparoient de l'armée de Narfez, & qui eftant venus à Bucelin General de l'armée Françoife lui apprirent. cette mefintelligence, & exaggererent extrémement le trouble qu'elle caufoit dans l'armée Imperiale, affûrant que tout y eftoit dans la confternation.

Cette nouvelle augmenta l'ardeur auffi la fienne des François jufqu'à la précipitation.

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Leur General cependant qui eftoit fage & habile fe donna le temps de les ranger. Ayant obfervé la difpofition de l'armée Imperiale, il partagea en trois corps la fienne qui n'eftoit que d'Infanterie, Leutharis ayant emmené avec lui prefque toute la Cavalerie. Le corps du milieu que Bucelin oppofa à la tortuë de Narfez, eftoit compofé de plufieurs bataillons qui faifoient un triangle, dont les coftez eftoient égaux; maniere dont les anciens Romains, & ceux-même de ce temps-là fe fervoient quelquefois. Ils donnoient à ce triangle le nom de tefte de Porc; parce qu'il approchoit de cette figure, ou le nom de Coin*, *Cuneus. parce que fa pointe cftant tournée du cofté de l'ennemi, fon ufage eftoit de le fendre pour ainfi dire & de le rompre.

Ce corps de bataille des François eftoit comme flanqué de deux autres, qui fembloient d'abord deux colomnes prefque paralleles à fes deux côtez ; mais qui s'en éloignoient infenfiblement & fe trouvoient à la fin fort courbées à droite & à gauche : de maniere qu'elles occupoient une trèsgrande largeur de terrein,& laiffoient par derriere de chaque cofté un efpace vuide entre elles & la bataille.

Ibid.

Après que les François eurent ef- Bataille entre les Imperianx fuyé une grefle de flèches & de pier-les Fran res, par où commença le combat, ils fois. s'avancerent avec furie en jettant des cris & des hurlemens épouventables. Quand ils furent tout proche de la tortue des Imperiaux, ils lancerent, felon leur coûtume, leurs haches. contre les boucliers du premier rang pour les caffer; & mettant à l'inftant l'épée à la main, l'enfoncerent, & culbutant tout ce qui fe prefenta devant eux arriverent jufqu'à la premiere ligne, à l'endroit qu'on avoit laiffé vuide pour poster les Erules,qui n'eftoient pas encore arrivez. De-là

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ils pafferent jufqu'à la feconde ligne qu'ils rompirent en quelques endroits. De forte qu'une partie des François, fans s'embaraffer de ce qu'ils laiffoient derriere, marcherent droit vers le camp des Imperiaux pour le piller.

Cette furie avec laquelle les François commençoient un combat, & à quoi rien ne fe trouvoit capable de réfifter, eftoit ce qui les rendoit invincibles, à moins que la prudence du General ne fuppléaft au defordre que caufoit ce premier affaut par la la terreur qu'il répandoit par tout.

Narfez qui connoiffoit l'ennemi qu'il avoit à combattre, s'eftoit attendu à cette brufque attaque: fes troupes qui cftoient très-aguerries, n'en furent point ébranlées, & toutes, hormis celles qui furent rompues d'abord, demeurerent fermes dans leurs poftes. Il fit cependant étendre fa Cavalerie à droite & à gauche, & courber infenfiblement les deux aifles de fon armée. Artabane & Valerien ayant fait chacun de leur cofté le tour du bois, fe trouverent derriere les ennemis,qui ne fongcoient qu'à avancer, & qui, lorsqu'ils y penfoient le moins, eurent en flanc & à dos la plus grande partie de la Cavalerie Imperiale. Parmi cette Cavalerie il y avoit des efcadrons armez de diverfes manieres, les uns de flêches & d'autres de javelots: il y en avoit même qui avoient de longues piques, & tout cela par rapport à l'ennemi qu'ils attaquoient, lequel ne combattant que de près, perdoit tout fon avantage contre ces armes qui l'atteignoient de

loin.

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avancez dans les intervales que j'ai dit qui fe trouvoient par derriere entre le corps de bataille & les deux aifles repliées des François, les tiroient à coup fûr: car les François Ibid. p.49 n'avoient alors pour toutes armes deffenfives que leurs boucliers, qui ne les couvroient que par devant. Ils n'avoient ni cuiraffe ni cafque pour la plufpart; la coûtume n'eftant point parmi eux de fe charger de cette forte d'armûre.

ment défaits.

Cependant ceux des François qui Les François s'eftoient d'abord ouvert un paffage font entièreau travers de l'armée ennemie, & qui couroient au camp Imperial pour le piller, furent rencontrez par Sindual General des Erules. Ce General venoit en bataille prendre la place qu'on lui avoit deftinée dans l'armée de Narfez, & tombant fur cette troupe qui marchoit en tumulte, & qui croyoit même fur la foy des deux de ferteurs dont j'ai parlé, que les Erules fe joindroient à eux contre les Imperiaux, la tailla toute en pieces; de-là il vint joindre Narfez & achever la déroute des François. Il en fut fait un fi horrible carnage, que de toute leur armée compofée de près de trente mille hommes effectifs, il ne fe fauva que cinq Soldats : tout le refte fut pris ou tué. Ce qui eft de plus furprenant, c'eft qu'il n'y cut du cofté des Romains que quatrevingts hommes de tuez, & prefque tous à la premiere charge: le refte de l'action n'ayant pas efté tant un combat, qu'un maffacre de gens entourez & comme pris dans des filets fans fe pouvoir débaraffer.

Cette Victoire fut pour le moins autant l'effet de la prudence du General & de fes Licutenans, que du courage de fes Soldats. Le brave Got Aligerne, dont j'ai déja parlé, s'y fignala entre tous les autres. Les Érules qui avoient eu tant de part à la dé

An. 555

Ibida

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