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eft encore bien plus liberal envers lui; car il foûmet à fon Empire une partie de ce que nous appellons aujourd'hui la Hollande, & toutes les belles & fertiles Provinces qui s'étendent depuis là jufqu'à la riviere de Loire, dont il lui donne les bords pour limites de fon Royaume. † La plûpart de nos Hiftoriens modernes, par impatience de voir un Monarque François regner en-deçà du Rhin, ont donné, les uns plus, les autres moins dans ces contes, & n'ont pas hefité à reconnoiftre Clodion pour le Fondateur de la Monarchie Françoise dans les Gaules; on voit avec quel fondement. Pasfons à Mérovée.

Je dis encore que Mérovée n'a point regné en-deçà du Rhin, Nul Auteur n'a parlé de fon entrée dans les Gaules pour s'y établir: & tout ce que nos Hiftoriens François ont dit de lui à cet égard, fuppofe leur faux fyftême de l'établissement de Clodion.

Hiftor. By

Si Mérovée avoit regné en-deçà du Rhin, & que fon Royaume euft eu pour bornes ou la Loire, ou la Seine, ou la Somme, Gre goire de Tours n'auroit-il pas efté mieux inftruit sur son chapitre qu'il ne l'eftoit? Car parlant de lui, il ne dit que ce feul mot. Quelques-uns difent qu'il eftoit de la Famille de Clodion : De hujus ftirpe quidam Meroveum Regem fuiffe adferunt. La plupart prétendent qu'il eftoit à la tefte des François dans l'Armée d'Aëtius, à la fameufe & fanglante bataille que ce General Romain,alors confédéré avec les Gots & les autres. Barbares,gagna fur Attila. Il y avoit fans doute à ce combat un Roy François.Gregoire de Tours le dit expreffément. *Prifcus, furnommé le Rhéteur, raconte qu'une des rai- .... fons qui déterminerent Attila à tourner fes Armes du cofté de l'Oc- fantin. cident, fut la mort du Roy des François, dont deux fils fe difputoient l'un à l'autre la poffeffion du Royaume de leur pere; que l'aîné avoit appellé Attila à fon fecours, & que le cadet s'eftoit mis fous la protection des Romains; que lui-même l'avoit vû à Rome, d'où l'Empereur avoit renvoyé ce jeune Prince comblé de prefens & d'honneurs, & qu'Aëtius l'avoit même adopté. Cette relation ne nommant ni l'un ni l'autre de ces deux Princes, doit nous empêcher de décider, comme font prefque tous nos Hiftoriens, ce qu'on ne peut pas fçavoir d'ailleurs, fi c'eftoit Mérovée qui eftoit dans l'Armée d'Aëtins, ou fon frere qui lui difputoit le Royaume; ou fi peut-eftre Mérovée ne fut pas un troifiéme concurrent qui enleva

Cela fe voit dans Mariarus imprimé; mais M. de Valois, dans les Additions au troiĥiéme Tome de Hiftoire de France, dit qu'Ifaac Vollus avoit un ancien manuferit de cet Auteur, où il n'eft nullement parlé des Victoires de Clodion,

In Panegy tico Aviti.

* Al. Vicer.

la Couronne aux deux fils de Clodion: car plufieurs anciens ont écrit que Mérovée n'cftoit pas fils de Clodion. Il paroist assez v raifemblable qu'il fut la fouche de cette nouvelle Lignée de Rois, que nous appellons les Rois de la premiere Race, & que ce fut pour cela même qu'elle fut appellée la Race Mérovingienne.

Quoiqu'il en foit (car de quelque maniere que ce point fe décide, le fujet que je traite en eft fort indépendant) Sidoine Apollinaire ne fait point venir de delà la Loire, ou de delà la Seine, ou de delà la Somme, ni de Cambray, ni de la Gaule Belgique, les François qui fe trouverent à la bataille d'Aëtius & d'Attila; mais il les fait venir de delà le Rhin, Ce n'eft point dans la Foreft d'Ardennes, où les François abattent des arbres pour faire des bâteaux à paffer l'Efcaut, ou la Meufe, ou la Somme, c'eft dans la Forest Hercynie qu'on les coupe, & au-delà du Rhin qu'on fait les Vais-feaux, afin de paffer ce Fleuve..

Bructerus, Uluofa, quem vel ✶ Nicer abluit unda,
Prorumpit Francus: cecidit cito fecta Bipenni
Hercynia in Lintres, & Rhenum texuit alno..

Je demande ce que cela veut dire, & fi ce que dit ici Apollinaire, fuppofe que les François eftoient établis dans les Gaules?

Le même Auteur, dans le même Panegyrique de l'Empereur Avitus, parle des courfes que les François & les Allemans, fous l'Empire de Maxime, & après la mort d'Aëtius, faifoient dans la premiere Germanie, c'est-à-dire, vers Mayence, Spire, Wormes, Strasbourg; & dans la feconde Belgique, c'eft-à-dire, vers Arras, Cambray, Tournay : & par cela même il nous fait entendre clairement que les François n'eftoient encore maiftres ni de l'une ni de l'autre, & qu'ils paffoient le Rhin pour faire leurs excurfions dans. ces frontieres de l'Empire Romain. Voici comme il s'exprime.

Francus Germanum primum, Belgamque fecundum.
Sternebat; Rhenumque ferox Alemanne bibebas.
Romanis ripis.

Enfuite il décrit, comme Avitus ayant le commandement de l'Armée de l'Empire, les repouffa au-delà du Rhin, jusqu'à la riviere d'Elbe, & les obligea d'envoyer des Ambaffadeurs pour demander la Paix.

Legas

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Par ce mot de Chattum, il fignifie les François dont les Cattes faifoient partie.

Selon cet Auteur qui nous fournit le plus de lumieres en cette matiere, le Vahal qui eft un bras du Rhin, & qui féparoit du Païs des Belges, l'Ifle des Bataves nommée aujourd'hui l'Ile de Bétau, eftoit alors la frontiere de l'Empire & des Sicambres, c'est-à-dire, des François qui s'y eftoient poftez. C'eft ce qu'il exprime dans une Requefte en vers qu'il prefenta à l'Empereur Majorien.

Sic ripe duplicis tumore fracto
Detonfus Vahalim bibat Sicamber.

que

Et dans une autre Piece de vers écrite à un de fes amis, qu'il loüe
entre autres choses, de fçavoir beaucoup de langues,& de l'estime
les Barbares mêmes avoient pour lui; de forte, lui dit-il, que par le
refpect qu'ils ont pour voftre vertu, vous pourriez aller impuné-
ment & fans crainte, très-avant dans leur Païs; dans cet endroit,
dis-je, il nous marque où eftoient encore alors placez les François,
& fur quels Fleuves ils demeuroient.

Tu Tuncrum * & Vahalim, Visurgin, Albim,
Francorum & penitiffimas paludes
Intrares venerantibus Sicambris

Solis moribus inter arma tutus.

* In çarmi. ne ad Confentium Narbonenfem.

* Al. Vicrum, le Vect, le Va hal, le Vefer, I'Elle.

T. 1. L. 8,

Je ne rapporte point d'autres endroits de Sidoine Apollinaire contemporain de Childéric & de Clovis, où cet Autcur témoin le plus irréprochable que l'on puiffe citer fur ces matieres, fuppofe toûjours les François au-delà du Rhin dans le temps qu'il écrivoit : Et fon témoignage eft fi fort là-deffus, qu'Hadrien de Valois dans Valefius. fa fçavante Critique fur noftre ancienne Hiftoire dit, qu'il ne peut affez s'étonner de ce que cet Auteur met toûjours les François dans l'ancienne France entre le Rhin & l'Elbe, & non point autre part, comme fi de fon temps ils n'euffent pas déja efté établis dans les Gaules. Non poffum non mirari, dit-il, quod Francos quos nunc Sicambros nunc Caftos appellat, in Francia veteri inter Rhenum & Albim tan

Tome I.

tum, nec ufquam alibi ponat Sidonius, quafi Franci atate ejus nondum in Gallia fedem cæpiffent. C'est la reflexion d'Hadrien de Valois,

voici les miennes.

La premiere eft que par cet aveu j'ai pour moi Sidoine Apollinaire un des plus beaux efprits & des plus fçavans hommes de fon temps, le mieux inftruit de la fituation des affaires des Gaules & de la Germanic, tous fes Ouvrages en font foi : qui parle, en quantité d'endroits, des François, & fur tout dans les Panegyriques qu'il fit pour trois Empereurs, de l'un defquels il avoit époufé la fille; en un mot témoin oculaire de ce qu'il dit de cette Nation, & avec qui nul Ecrivain ne peut entrer en concurrence fur la matiere dont il s'agit.

La feconde réfléxion eft qu'Hadrien de Valois devoit conclure comme moi des paffages d'Apollinaire, que les François en ce tempslà n'eftoient point encore établis dans les Gaules; & qu'il l'auroit certainement conclu fans le commun & faux préjugé où il eftoit, fçavoir que Clodion s'eftoit déja établi fur la riviere de Somme avec les François préjugé dont il fe feroit défait, s'il avoit pris pour guide, comme il devoit, Sidoine Apollinaire, dont l'autorité doit l'emporter fur tout autre, & par fon caractere & par fa qualité d'Auteur contemporain.

Tout cela regarde le temps de Mérovée. Il ne me refte plus qu'à parler de Childeric.

tures,

Suppofé que ce qu'on nous raconte de Childéric fils de Mérovée, & pere de Clovis foit veritable, ce fut un homme à grandes avens'il en fut jamais. Etant encore enfant il fut enlevé par les Huns, & fauvé par un brave François nommé Viomade, des mains de ceux qui l'emmenoient en captivité. A peine fut-il monté fur le Trône après la mort de fon pere, qu'il en fut renverfé par ceux que fes grandes qualitez d'efprit & de corps lui avoient le plus étroitement attachez. Infiniment bien fait de fa Perfonne, & d'un cœur un peu trop tendre, il prenoit de l'amour auffi aifément qu'il en donnoit. Les principaux de la Nation autant fenfibles à l'outrage, que leurs femmes l'avoient efté à fes attraits & à fes pourfuites, confpiGreg. Turon. rerent contre lui; & il fallut ceder à leur fureur. Il fe retira chez Bafin Roy de Turinge, où il ne devint bien-toft que trop agreable à la Reine Bafine. Les François éleverent fur le Trône à la place le Comte Giles Gouverneur des Gaules & General des Armées de l'Empire. Ce choix bizarre fut un effet de l'adresse & de la politiquede Viomade toûjours fidele à Childéric, quoique pour n'eftre

B. 2.

pas fufpect, il blâmast hautement ses excès. Il prévoyoit ce qui arriva, que les François ne pourroient pas s'accommoder long-temps d'un Maistre Romain: & il fçuft fi bien profiter du credit qu'il s'eto it acquis fur l'efprit de ce nouveau Roy, qu'il l'engagea fans qu'il s'en apperçuft, à fe rendre infupportable aux François, par les tributs dont il les chargeoit, & par les mauvais traitemens qu'il leur faifoit; de maniere qu'ils commencerent à fouhaiter leur ancien Prince & à le redemander.

Viomade ayant ainfi difpofé toutes chofes, envoya à Childéric la moitié d'une piece d'or qu'ils avoient rompue en deux, & dont ils avoient garde chacun une moitié. C'eftoit le fignal dont ils é toient convenus, & qui faifoit connoiftre au Prince exilé qu'il eft oit temps de paroiftre, & de fe montrer à fes Sujets. Si-toft qu'on le fçuft fur les frontieres, on alla en foule au-devant de lui; & en moins de rien il fe trouva à la tefte d'une Armée nombreuse qu'il mena contre le Comte Giles, qui s'avançoit pour diffiper ce commencement de fédition. Childéric le chargea fi à propos & avec tant de vigueur, qu'il le défit entierement, & fe remit par cette feule Victoire en poffeffion du Royaume, d'où il avoit efté chaffé huit ans auparavant.

La Reine de Turinge n'euft pas pluftoft appris l'heureux fuccès de fes affaires, que con me une nouvelle Helene, elle quitta fon mari pour fuivre la fortune de fon Amant, & le vint trouver en France. Childéric à qui des foins plus importans avoient fait oublier fes anciens attachemens, fut fort furpris de la voir arriver, & lui demanda ce qui l'amenoit. Elle ne lui répondit point autre chofe, finon que fi clie connoiffoit un plus grand Héros & un plus galand homme que lui, elle l'iroit chercher au bout du monde. Il n'en fallut pas davantage pour réveiller fes premiers feux, & pour le déterminer à l'époufer, comme il fit, apparemment fans trop confulter le Roy de Turinge, dont l'Hiftoire ne marque pas le reffentiment: & ce fut de ce mariage que nâquit le grand Clovis.

Cependant Childéric, pour tenir toûjours les François en halei→ ne, pour se venger du Comte Giles, & pour lui ofter toute efperance de remonter fur le Trône, qu'il avoit fi long-temps poffedé, pénétra bien avant dans les Gaules avec de nombreufes Troupes, & pouffa, en les ravageant, jufqu'à la riviere de Loire. Il défic d'autres Barbares auprès d'Orleans, d'où il partit auffi-toft pour venir attaquer Angers, qu'il prit & pilla. Enfuite s'eftant joint avec Odoacre, qui commandoit une Armée de Saxons, ils firent la guer

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