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des exemples de fon temps, il continuë ainfi. » Il y a, dit-il, » des differences délicates entre des qualitez qui femblent les mêmes, que nous découvrons mal-aifément. Le courage du Maréchal de Chastillon eftoit une intrépidité lente & » paresseuse. Celui du Maréchal de la Meilleraye avoit une » ardeur fort propre à preffer un Siege, & un emportement qui le troubloit dans les Combats de campagne. La va"leur du Maréchal de Rantzau eftoit admirable pour les » grandes actions..... mais on eût dit qu'elle tenoit au-deffous d'elle les périls communs, à la voir fi non-chalante, Celle du Maréchal de Gaffion plus vive & plus agiffante, pouvoit eftre utile à tous momens. Il n'y avoit point de » jour qu'elle ne donnât à nos Troupes quelques avantages fur nos ennemis...... Ce Maréchal fi avanturier pour les Partis,fi brusque à charger les Arriere-Gardes, craignoit " un engagement entier, occupé de la pensée des évenemens, lorfqu'il falloit agir plûtôt que penfer. La rêverie de M.de » Turenne, fon efprit retiré en lui-même, plein de ses projets & de fa conduite, l'eût fait paffer pour timide, irréfo» lu,incertain, quoiqu'il donnât une Bataille avec autant de facilité que M.de Gaffion alloit à une escarmouche. Le naturel ardent de M.le Prince l'a fait croire impétueux dans les combats,lui qui fe poffedoit mieux qu'homme du monde dans la chaleur de l'action.

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Je ne sçai fi l'Histoire ancienne ou la moderne pourroient nous fournir un seul endroit qui égalât la beauté de celuici; mais je trouve cette idée impraticable au regard des ficcles paffez.Un caractere auffi exact & auffi marqué que ceuxlà,fuppofe neceffairement que celui qui le fait, a frequenté ceux dont il parle, ou du moins qu'il a fçû en détail le jugeque les plus habiles de la Cour ou de l'Armée en por

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toient, ou enfin qu'il l'a appris des Ecrivains du temps, qui fe font donné la peine de faire un tel portrait avec cette étude & cette exactitude extrême. Ainfi ceux qui écriront un jour l'Hiftoire de Louis XIII. & de Loüis le Grand, devront orner leur Ouvrage des caracteres de ces Generaux d'Armée, qu'ils trouveront dans M. de Saint-Evremont tous faits & tous finis. Mais je tiens que communément il eft impoffible de faire rien de femblable fur les Monumens Hiftoriques que nous avons. La raifon eft que pour l'ordinaire ces Monumens ne rapportent que des faits, sur lesquels un Hiftorien peut bien conclure, par exemple, le courage, ou la prudence, ou la politique d'un Prince ou d'un General; mais fouvent ils ne nous conduifent en aucune maniere à la connoissance de ces differences délicates qui se rencontrent entre la valeur d'un Capitaine,& la valeur d'un autre Capitaine. Si le bonheur avoit fait gagner au Maréchal de Gaffion une ou deux grandes Batailles, & que M. de Saint-Evremont n'eût pas marqué ce qu'il en fçavoit d'ailleurs, on auroit dans cent ans loué le courage & la conduite du Maréchal de Gaffion en general; mais on n'y auroit jamais mis ni dû mettre ces restrictions.

Ainfi je ne crois point les Ecrivains de noftre ancienne Hiftoire fort blâmables en ce point. Ils le font plus en ce que prefque toûjours par affection pour la nation,ils flattent les portraits de nos anciens Rois,& en font encore plus communément de très-faux des Ennemis de la France. Alaric qui fut tué à la Bataille de Voüillay, felon la plufpart de ces Ecrivains, eftoit un Roy méprifable; mais en effet c'eftoit un assez grand Prince. Theodoric Roy d'Italie n'eft fouvent representé que comme un Héretique, que comme un Tyran, qui faifoit mourir injustement les Sénateurs de Rome;

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& on ne veut pas croire ce que dit Jornandés de la grande défaite des François par l'Armée de ce Roy auprès d'Arles; mais toutefois, fans faire tort à Clovis, qui eftoit un trèsgrand Prince, & à en juger par tout ce que l'Histoire nous fournit fur l'un & fur l'autre, Theodoric ne lui cftoit assûrément inferieur en rien.

A quoi bon ces affectations ouces préjugez dont on s'entête? La Nation perd-elle de fon luftre & de fa gloire, pour avoir eu autrefois des Rois qui avoient de grands défauts, ou qui, tous grands Princes qu'ils eftoient, pouvoient avoir des égaux ou des fuperieurs en mérite?

Je finis ici mes réfléxions que j'ai peut-eftre même un peu trop pouffées. Je l'ai fait pour m'inftruire moi-même, plûtôt que pour inftruire les autres; & je n'ai que trop fenti la difficulté qu'il y avoit à remplir l'idée que je me fuis formée. J'ai tâché au moins de mettre de la clarté,de l'arrangement, & de la précifion dans ce que j'ai écrit; qualitez qui manquent assurément dans la plûpart de nos Hiftoires generales.

Au refte, si je n'exprime pas toute cette idée dans mon Ouvrage,même dès le commencement, ce ne fera ni manque de matiere, ainfi que je l'ai dit d'abord, ni faute de fecours pour la compofition de noftre Hiftoire. Nous en avons aujourd'hui de grands qui facilitent beaucoup l'execution d'une telle entreprise. Si nous manquons de bons Hiftoriens, nous avons de fçavans & d'exactes Compilateurs & d'excellens Critiques. La Compilation de Meffieurs Duchesne est un trésor ineftimable pour noftre ancienne Histoire, aussibien que la Bibliotheque des Manufcrits du Pere Labbe, & quelques autres dont j'ai tâché de profiter. Eftienne Pasquier, dans fes Recherches de la France, beaucoup de réfléxions très-judicicufes fur les Regnes de

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nos premiers Rois. Les Ouvrages de plufieurs fçavans Religieux de l'Ordre de Saint Benoist, en joignant la Critique avec la Compilation, nous inftruisent de beaucoup de particularitez,qui ornent & qui affûrent quantité de faits hiftoriques. Tels font ceux du fçavant Dom Mabillon & de Dom Luc d'Achery; le premier m'a fourni entre autres chofes l'Histoire Anecdote de l'Abbé Vala par Pascase Radbert,où j'ai trouvé avec un grand détail les intrigues & la confpiration des Fils de l'Empereur Louis le Débonnaire contre ce Prince.Si j'avois découvert beaucoup d'autres pieces, je pourrois dire que nostre ancienne Hiftoire ne se liroit pas avec moins d'agrément, que celle des temps les plus connus.

Bollandus & les autres Jefuites d'Anvers qui l'ont aidé ou qui lui ont fuccedé dans la continuation de fon grand Ouvrage des Vies des Saints, le Pere Sirmond,dans fes Conciles des Gaules, le Pere la Cary, dans fon Ouvrage des Colonies Gauloifes, font des fources fécondes d'Epoques pour la premiere & pour la feconde Race de nos Rois. L'Hiftoire Latine de M. de Valois & fa Notice des Gaules, font des Livres pleins d'érudition,defquels on ne fçauroit fe paffer,& qui épargnent beaucoup de travail.

Je ne parle point ici d'une infinité d'Hiftoires particu lieres des Provinces & des Villes, dont plufieurs cependant doivent estre lûës avec plus de précaution, que la pluspart des Ouvrages dont je viens de parler.

M. l'Abbé de Louvois, avec la bonté & l'honnêteté que tout le monde lui connoît, m'a fourni les Manufcrits de la Bibliotheque du Roy que je lui ai demandez. J'ai trouvé dans celle de M.le President de Lamoignon,& dans celle de M. Foucault Confeiller d'Etat plufieurs pieces curieuses & originales, qu'ils ont bien voulu me communiquer.M.le Pre

fident Nicolaï m'a fait la même grace pour les Extraits des Mémoriaux de la Chambre des Comptes de Paris, qu'il a fait faire autrefois en un grand nombre de Volumes, & pour les Originaux mêmes des Memoriaux, quand j'en ai eu befoin. M.Rousseau Auditeur des Comptes m'a auffi prefté plufieurs Manufcrits collationnez fur les Originaux. J'ai les mêmes obligations à M.l'Abbé Baluze,qui outre les fecours que j'ai tirez de fa curieuse Bibliotheque, & de fes Ouvrages imprimez,m'a fait connoître son penchant à faire plaifir, en me délivrant quelquefois de la peine de déchiffrer certains Manufcrits très-difficiles à lire,à quoi il avoit une facilité merveilleufe par l'ufage de ces fortes de lectures. Je ne dois pas non plus oublier ici M.le Cardinal de Rohan & M. l'Abbé d'Eftrées, qui par leur inclination bienfaifante, & par le plaifir qu'ils prennent à obliger ceux qui travaillent pour le Public, m'ont rendu le maiftre de leurs Bibliotheques auffi nombreuses que choisies, où j'ai trouvé de quoi enrichir monHiftoire, & ont bien voulu encore par d'autres moyens faciliter mon travail dans divers ouvrages qui y ont du rapport,& qui pourront paroistre dans la fuite, fi Dieu me laiffe le temps de les achever.

Il me refte pour mettre fin à cette Préface, d'avertir les Lecteurs, de quelques points particuliers qui regardent mon Ouvrage. 1o. Je l'ai conduit jufqu'à la mort de Henry IV. qui arriva en 1610. ainfi cette Hiftoire ne va que douze ans au-delà de celle de Mezeray, qui a fini la fienne à la Paix de Vervins en l'an 1598. Une des raifons qui m'a empêché d'aller plus avant, eft qu'il ne convient guéres,je ne dis pas d'écrire, mais de publier l'Hiftoire de fon temps, ou du temps trop proche du fien. Il est difficile à un Hiftorien, quand il y a encore des perfonnes vivantes qui peuvent fe trouver

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