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vis, on en fçait non-feulement le lieu & le fuccez, mais encore le temps,le nom des Commandans, & les faits d'Armes les plus mémorables. Quelques-unes des Campagnes que les François firent en Italie du temps des enfans de Clovis,font rapportées avec exactitude par les Hiftoriens de l'Empire. Nous n'avons guéres de Batailles données de noftre temps, de Campemens, de Marches d'Armées décrites plus au long & plus en détail, que la Bataille du Cafilin auprès de Capouë, gagnée par le fameux Narfez contre un General des François d'Auftrafie; tout ce qui la précéda & toutes ses fuites, tout cela, dis-je,eft raconté dans Agathias Auteur Grec contemporain avec toutes les particularitez qui peuvent en rendre la Relation agréable. Il n'y a qu'à faire valoir ces fortes de Memoires autant qu'ils valent, pour en faire quelque

chofe de bon.

Ce qui peut contribuer le plus à la beauté d'une Histoire, c'est une certaine varieté d'objets, d'incidens, d'intrigues, de Ligues, d'interefts oppofez: fans cela un tiffu de Guerres & de Combats fatigue bien-toft l'efprit. Quelque vive qu'en foit la defcription, elle ennuye, quand elle n'est point diversifiée par d'autres choses. Le Regne de Clovis & celui de fes enfans ne cédent en rien fur cet article à celui de Romulus, & à tous ceux de ses fucceffeurs, ou plustost ils les furpaffent infiniment, & ouvrent une carriere beaucoup plus belle.

Ce Prince n'a pas pluftoft exterminé les Romains dans les Gaules, qu'il trouve en fon chemin deux Rois puiffans Gondebaud Roy de Bourgogne, & Alaric Roy des Vifigoths Maiftre de tout le Pays de delà la Loire jufqu'aux Pyrenées, & dont toute l'application eft à traverser tous fes deffeins.. On lui fufcite des ennemis au-delà du Rhin. L'Italie unie

d'interefts.

d'interefts & de Religion avec les ennemis de ce Prince, n'épargne ni forces, ni artifices pour arrefter ses progrez. On le voit tantoft occupé à regler fon Royaumc par la Police & par les Loix, tantoft à l'eftendre par des Traitez ou par des Victoires, tantoft à prendre des mefures pour faire fleurir la Religion. Sous le Regne de fes enfans, les guerres d'Italie, les Ligues avec les Goths qui y regnoient, ou avec les Empereurs qui vouloient en chaffer ces Barbares ; les Conqueftes de Bourgogne & de Turinge; les bons & les mauvais fuccez des Guerres d'Espagne, la jalousie & l'ambition des Freres régnans, tous également vaillans & ambitieux, font des chofes auffi belles pour le moins à développer,que celles qui fe pafférent chez les Romains fous les Regnes de Numa & de Tullus Hoftilius, & plufieurs fiecles encore après eux.

Que fi l'on voit dans les commencemens de nostre Histoire certaines actions qui font horreur, & qui reffentent encore beaucoup la barbarie, n'y a-t-il pas trop de délicateffe à ne pouvoir en fouffrir le récit ? Y a-t-il aucune Hiftoire qui ne préfente de temps en temps de ces images affreufes? Et fans m'écarter de la Romaine que j'ai prise pour exemple,Romulus ne tua-t-il pas fon frere Rémus de fa propre main? Ce brave Horace,ce Liberateur de Rome & l'Auteur de fa liberté, ne poignarda-t-il pas fa fœur après avoir sauvé fa Patrie? Non-feulement on lit cette action dans l'Hiftoire Romaine, mais même on l'entend réciter fur le Théatre fans le trouver mauvais. Non encore un coup, ce n'eft point icy la matiere qui manque, c'eft le défaut de la main qui la touche.

Prenons pour exemple celui de nos Hiftoriens * quicst aujourd'hui le plus accrédité, ou du moins celui qu'on lit

f

* Mezeray

le plus depuis plufieurs années. Il n'est point étonnant que son Histoire ait confirmé le public dans le préjugé où ilest, que des Regnes de nos premiers Rois on ne peut faire rien d'agréable, & qui attache l'efprit du Lecteur. Cette partie de fon Histoire n'est qu'un précis mal ordonné de quelques Historiens modernes qu'il avoit devant les yeux en compofant. Ce ne font que des faits abregez mis bout à bout, fans liaifon & fans dépendance les uns des autres.

Dans l'Histoire de Clovis en particulier rien n'est développé, les intrigues des Princes jaloux des progrez de ce nouveau Conquerant n'y font nullement détaillez,ni leurs interests démêlez,ni leurs caracteres représentez, ni les évenemens préparez, & tout y est estropié.

Il en eft de même des Regnes fuivans. Les négociations de Vitigez Roy des Goths d'Italie, & celles de l'Empereur Justinien avec les fils de Clovis, & avec Theodebert petitfils de ce Prince, l'expédition des François au-delà des Alpes, la jaloufie qu'ils y donnérent aux Goths & aux Grecs, y font omifes ou touchées feulement en paffant. Il paroift que cet Ecrivain n'avoit nulle connoiffance de l'Hiftoire de l'Empire, où l'on trouve tant de chofes propres à enrichir & à embellir beaucoup la noftre. Or il eft tout naturel qu'une Hiftoire ainfi décharnée, fi j'ofe m'exprimer de la forte,ne se préfentant aux Lecteurs que comme un fquelette fans vie & fans mouvement, ne fatisfaffe pas leur efprit, qui aime à estre remué dans ces fortes de lectures, à proportion comme il s'attend à l'eftre au Theatre & dans les Spectacles.

Il ne faut donc pas juger de noftre ancienne Hiftoire, fur ce qu'on en voit dans l'Hiftorien dont je parle, ni la regarder comme un champ tout-à-fait fterile, parce qu'il ne s'est pas donné la peine de tirer d'un tel fond tout ce qu'il pou

voit produire. L'Hiftoire Romaine & celle d'Alexandre le Grand n'auroient pas plus d'attraits pour nous, fi TiteLive & Quinte-Curce n'avoient pas feû mieux traiter leur fujet.

J'ofe dire, & ce n'eft pas me louer beaucoup par cette comparaifon, que l'Hiftoire de la premiere Race de nos Rois paroiftra toute autre dans mon Ouvrage, que dans celui de cet Hiftorien; que la Scéne y fera beaucoup plus animée, & qu'à l'exception des Regnes de quatre ou cinq de ces Rois qu'on appelle Fainéants, qui n'occuperont pas plus de deux ou trois pages, j'ai trouvé dans le refte de quoi la foûtenir.

Le même Hiftorien qui n'avoit pas affûrément la capacité neceffaire, pour écrire folidement noftre ancienne Hif toire, n'a pas laiffé de prétendre à l'éloge de Sçavant, en donnant à fon Ouvrage un ornement qu'on ne trouve point dans ceux qui l'ont précedé. C'eft celui des Medailles & des Portraits de nos anciens Rois; mais il ne pouvoit guéres prendre de moyen plus contraire à la fin qu'il se propofoit, que celui-là.

pour anti

En matiere d'anciens Monumens, le difcernement de celui qui les publie,fait connoiftre ou fa science, ou fon ignorance. Dès qu'on s'y méprend,& qu'on donne que ce qui est très-récent, & pour ouvrage du temps dont Fon parle, ce qui n'a efté fait que plufieurs fiécles après, on fe fait mocquer des Connoiffeurs. Le Sieur de Mezeray a eu ce malheur. Il a rempli fon Hiftoire des Medailles de nos Rois depuis Pharamond, lefquelles, dit-il dans le titre même de fon Livre,ont efté fabriquées fous chaque Regne:il doute cependant dans fa Préface de quelques-unes des fiecles les plus éloignez. Il devoit, s'il avoit eu la moindre teinture de la

Science des Medailles, non pas douter de leur verité, mais prononcer hardiment fur la fauffeté, non pas de quelquesunes, mais de toutes celles qu'il produit dans la premiere & la feconde Race, & de la plûpart de celles qu'il rapporte fous la troifiéme.

Il les apporte toutefois en preuve des faits qu'il avance, & cela contre toutes les regles de la Critique. Cardans quels Cabinets les a-t-il vûës? Devoit-il ignorer que fous la premiere & la feconde Race, & fort avant fous la troifiéme,on ne fçavoit en France ce que c'eftoit que de faire des Médailles du caractere de celles qu'il produit ? Les deffeins de la plûpart de celles qu'il cite, font d'un affez bon goût, & les temps où il les place eftoient des temps de groffiereté & de barbarie. C'est par la même raifon que les légendes de ces Médailles, dont plufieurs font affez ingénieuses, devoient l'avertir de fa méprife. Les lettres de ces légendes font de beaux caractéres Romains. Or ce qui nous refte d'anciens Monumens de nos Rois François en ce genre font en caractéres purement Gothiques, ou toûjours mêlez de Gothiques. A peine en trouve-t-on d'une autre maniere; & cet ufage foit pour les Médailles, foit même pour les Jettons, a duré jufqu'au Regne de François I.

J'aurois de quoi faire une Differtation entiere fur ce fujet, fi je ne la croyois pas superfluë; & j'ose dire que la plûpart de ces Médailles des Rois des deux premieres Races, qui font tirées en grande partie d'un Livre intitulé, La France Métallique, n'ont pas trente années d'âge plus que l'Hiftoire de Mezeray.

Mais une chofe à quoi les Sçavans trouveront le plus à redire, c'eft que fi cet Hiftorien eftoit curieux d'orner fon Hiftoire de ces fortes d'Antiquitez, il auroit pû, en faisant

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