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D'autre part j'ai rapporté historiquement les prétentions` de quelques Papes oppofées à celles des Empereurs en cette matiere; ai-je dû fupprimer ces chofes que mon sujet me prefentoit de lui-même, de peur de paroistre partial en faveur des Papes contre les Empereurs & les autres Souverains?De tous ces faits qui concernoient les Papes & les Souverains, je n'ai tiré nulle induction dans mon Histoire; & je les mets comme je les trouve dans les Livres des Ecrivains, & dans les autres Monumens de ces temps-là. Chacun en fera telle application & tel ufage qu'il voudra felon fes idées & fes préjugez. Je ferai feulement ici en paffant une reflexion fur ce fujet ; c'eft que ceux de nos Auteurs François qui ont recueilli avec tant de foin tout ce qui peut estre au défavantage des Papes en cette matiere, ne prennent pas garde qu'en cela même ils fervent très-mal l'Eftat. Car les interefts des Princes font fort changez à cet égard. Ileft aujourd'hui au moins fort indifférent à nos Rois de la troifiéme Race que les Empereurs François de la feconde Race> ayent eu, ou n'ayent pas eu le Domaine direct de Rome. Au contraire ce font les Empereurs de nos temps qui y font intereffez, c'est la Maison d'Autriche que cet intereft regarde. Ainfi eftablir les droits des anciens Empereurs François, c'eft travailler pour les Princes de la Maifon d'Autriche, & par conféquent pour les Ennemis les plus ordinaires de la France. Ce qu'il ne falloit pas omettre, & dont auffi j'ai fait un détail exact, ce font les obligations qu'a le Saint Siege à la France pour ce grand Domaine temporel, dont il eft aujourd'hui en poffeffion.

Autre exemple. Lothaire Roy de Lorraine estant mort fans laisser de fils legitimes, le Roy Charles le Chauve fon oncle s'empara de cet Eftat au préjudice de l'Empereur 、

Louis frere de Lothaire. Le Pape Adrien II. portoit fort ce Prince, qui rendoit de grands services à l'Eglise, & quiaffiegeoit actuellement Barry, que les Sarrazins tenoient encore en Italie. Ce Pape écrivit en France des Lettres très-offenfantes pour Charles le Chauve, où il lui faifoit des reproches, des menaces, & le traitoit de parjure & de ty

ran.

Dans cette occafion ai-je dû fuccomber à la tentation de réfléchir avec aigreur fur cette conduite si peu mefurée d'un Pape envers un Roy de France, & invectiver amére ment contre la hauteur avec laquelle quelques Papes ont autrefois traité les Souverains? Je ne l'ai pas fait; mais après avoir seulement remarqué que les Prédéceffeurs de ce Pape n'avoient pas coûtume d'écrire de ce ftile aux Empereurs & aux Rois François de leur temps, je rapporte le précis de la Lettre que Hincmar Archevêque de Reims fut chargé par le Roy d'écrire au Pape.

Ce Prélat fans fortir des bornes du respect, fit dans są Lettre de vives remontrances au Pape fur la maniere dont il lui avoit écrit à lui-même, & fur celle dont il avoit écrit au Roy. Il lui marque l'indignation du Peuple & des Sei, gneurs François fur la conduite qu'il tenoit, ce qu'ils penfoient, & ce qu'ils difoient fur l'indépendance des Rois pour leur Temporel, comme tenant leur puiffance de Dieu, peu de cas qu'ils feroient des cenfures qu'on pourroit lancer contre cux dans un différent qui n'eftoit point du reffort du S. Siege.

& le

Il me femble que de tels Mémoires qui fe trouvent parmi les monumens de l'Antiquité, cftant employez dans une Hiftoire, valent bien les réfléxions chagrines d'un Ecrivain passionné; & que d'ailleurs on ne peut se plaindre d'un fe

Hiftorien qui rapporte fimplement ce qui s'eft fait, ce qui s'eft dit, & ce qui s'eft écrit fur le fujet qu'il traite.

J'en ai ufé de même dans le fameux different qu'il y eut entre le Pape Boniface VIII. & le Roy Philippe le Bel; j'y rapporte ce qui fe paffoit à Rome, & ce qui fe paffoit en France. Les coups violens qu'on fe portoit de part & d'autre, les procedures reciproques, l'origine, la fuite & l'évenement du procez, fans rien omettre d'important, ni aucuns faits qui puiffent fervir à mettre les Lecteurs en état de juger eux-mêmes la cause.

En un mot, dans les endroits de mon Hiftoire d'où j'ai tiré les exemples que je viens de rapporter, & dans plufieurs autres de même nature, les loix de la fincerité ont efté la regle que j'ai fuivie en expofant les choses: mais j'ai crû suivre celles de la prudence dans la maniere dont je l'ai fait, en ne m'écartant point du refpect qu'on doit aux Puiffances fouveraines. Ainfi je ne crains point le reproche d'Hiftorien partial, & j'ai quelque droit de prétendre à la loüange d'Ecrivain modere; quiconque aura la juste idée du caractere de l'Hiftoire, & du devoir de l'Hiftorien, me rendra justice fur ce point.

La fincerité & l'amour de la verité font des qualitez fi effentielles à un Historien, que fans cela fon Histoire devient inutile pour la fin principale qu'on doit fe proposer dans cette efpece d'Ouvrage, qui eft d'inftruire fes Lecteurs sur ce qui s'est passé dans les temps dont on leur parle, & qu'avec cela, quand même d'autres qualitez manqueroient à l'Hiftorien, on en peut toûjours tirer quelque fruit. Mais quand on s'engage dans une telle carriere, il faut, fur tout dans le fiecle délicat, poli & éclairé où nous vivons, ne fe fentir pas tout-à-fait dénué de certains autres talens, fans lefquels

lefquels l'Hiftorien courroit risque d'avoir le fort de ce mauvais Poëte, qui n'eftant lû de perfonne, disoit pour fe confoler, qu'il n'écrivoit que pour lui & pour les Mu

fes *.

*Mihi cano

Entre autres chofes il faut avoir en commençant, un cer- Mufin tain degré de doctrine & de capacité qui nes’acquiert point en compofant.

Outre la Chronologie & la Geographie dont tout Hif torien doit estre parfaitement inftruit, pour ne pas tomber dans des fautes très-énormes qui le rendroient ridicule, il doit, pour traiter folidement & à fond fa matiere, avoir une étendue de connoiffance plus vafte, que fa matiere ne femble d'abord exiger de lui. Jem'explique, une Hiftoire générale, & en particulier l'Hiftoire de France, a bien des rapports. Depuis l'establissement de la Monarchie Françoife dans les Gaules jusqu'à nos temps, noftre Histoire tient, pour ainfi dire, aux Hiftoires de toutes les Nations de l'Europe; & même à celles des autres parties du Monde.

Nos Rois de la premiere Race ne furent pas plustoft establis dans les Gaules, qu'ils eurent des démeflez & des guerres avec les Rois Bourguignons, avec les Ostrogoths & les Vifigoths, dans les Gaules en Italie & en Efpagne. Ils fe liguérent tantoft avec les Empereurs, & tantoft contre eux. Les Lombards s'eftant rendus maiftres de l'Italie, devinrent auffi-toft les Ennemis des François, & pafférent les premiers les Alpes pour les attaquer.

Nos Rois de la feconde Race, fur tout depuis que Charlemagne fut fur le Trône, tournérent leurs armes contre les Lombards, ils firent de grandes Conqueftes en Espagne contre les Sarrazins, ils fubjuguérent les Nations Germa

niques les plus reculées, & furent long-temps en Guerre ou en Négociation avec les Empereurs Grecs.

Sous la troifiéme Race, dès le temps de Louis le Gros, les Anglois commencérent à faire la Guerre à la France.Depuis Loüis le Jeune jusqu'aux derniers temps, l'animosité entre les deux Nations a toûjours duré ; & il n'y a prefque point de Regne qui n'ait esté signalé par des combats entre les deux Nations.L'Espagne long-temps unie d'interest avec la France eut des differens avec elle dès le temps de Philippe le Hardy: Les interefts des deux Nations commencérent à devenir fort oppofez fous le Regne de Louis XI. Mais depuis que la Maifon d'Autriche a efté élevée sur le Trône audelà des Pyrenées, il n'y a eu que des intervalles de Paix entre les deux Eftats.

Les Croisades qui commencérent dès le Regne de Philippe I. quatriéme Roy de la troifiéme Race, & les Colonies qu'on a envoyées dans le nouveau Monde fous les derniers Regnes, ne permettent pas à l'Hiftorien d'ignorer ce qui regarde l'Afie, l'Afrique, & l'Amerique.

Il eft évident que pour bien parler des Guerres, des Négociations, des Traitez de la France avec tant de Nations différentes ; & pour bien débrouiller les interefts oppofez, les caufes & les fujets de ces Guerres, il faut en avoir lû les Hiftoires.

La pluspart des Auteurs de l'Hiftoire générale de France qui ont écrit depuis deux fiécles, femblent n'avoir donné une férieuse application à leurs Ouvrages, que quand ils font parvenus au Regne de Philippe de Valois, & ils ont fort negligé les temps qui l'ont précedé. Sur cela il s'eft formé un très-faux & très-injufte préjugé: Sçavoir, que l'Hiftoire de la premiere Race ne méritoit pas d'eftre lûë ¿que

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