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Mais qu'on fasse un Roman de la Minorité de S. Louis, comme a fait Varillas, où il caractérise les personnages, comme s'il avoit vécu le plus intimement avec eux, où il rend raifon de toutes leurs démarches, comme s'il avoit esté de leur Conseil, où il transporte exprès ou par méprise des faits éloignez, & les rapproche pour le dénouement des intrigues qu'il raconte, où il fait fon principal personnage qui eft le Comte Thibaud de Champagne,tuteur de ses niéces, lefquelles eftoient plus âgées que lui, & qui en effer n'eftoient que fes coufines; où il avance ou fuppofe avec affurance à chaque ligne des chofes qui n'ont tout au plus que de la vrai-femblance, ainfi qu'il a coûtume de faire dans tous fes Ouvrages; c'est ce qui n'eft ni fupportable ni pardonnable. Il faut orner l'Hiftoire, la fournir, la foûtenir; mais en fe tenant toûjours dans les bornes de la fincerité. J'aimerois mieux, difoit Lucien, déplaire en disant la verité, que de réjouir en contant des fauffetez. En ufer autrement, c'est abuser de la crédulité du Public, & lui tendre des pieges ; c'est manquer au refpect qu'on lui doit : en un mot c'est lui prefenter des fables fous le titre d'hiftoire.

Lucian. de confcrib, Hip

Hand facil providet, ubi

animus verum

officiunt 0. dium, amici

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que

Saluft, in Bell,

mifericordia.

Catil

La partialité & la prévention font encore des défauts qui gâtent plufieurs Hiftoires au préjudice de la verité. Un Hiftorien en ce point doit eftre en garde auffi-bien contre a lui-même, que contre les Memoires qu'il fe propofe de fuivre. Il eft naturel à un Hiftorien de fe laiffer aller à l'affec tion qu'il a pour fa Nation; c'eft un effet de l'éducation dont on ne peut fe défaire; mais il doit la moderer : il faut fur tout qu'il fe donne de garde d'une chose, qui est une fuite de l'attachement qu'il a naturellement pour fa Patrie, je veux dire d'une certaine antipathie ordinaire entre les peuples des Etats voisins à cause des maux qu'ils se sont faits Tome F.

d

de tout temps les uns aux autres. On s'apperçoit trop dé ce foible dans plufieurs Hiftoriens. Non-feulement un Ecri→ vain ne doit point se laiffer emporter aux invectives ni aux traits injurieux contre une autre Nation; mais encore il doit rendre justice au mérite des grands Hommes qui fe font rencontrez en divers tems parmi les Nations ennemies de la sienne. Les Anglois & les Espagnols qui ont esté fi long-tems en guerre avec la France, en ont eu de tels & en grand nombre. Il n'y auroit pas d'équité, & il y auroit même de la lâcheté à ne les pas peindre dans une Hiftoire de France avec leurs couleurs naturelles, & à rabaiffer leur vertu, parce qu'elle nous a efté funefte en de certains tems. J'ai remarqué que les Hiftoriens des petits Estats, qui ont, ou qui ont eu autrefois leur Souverain particulier, font plus fujets à fe laiffer emporter par cet efprit national. Les Hiftoriens de Bretagne ne fe font pas affez ménagez à cet égard, & j'ai toûjours admiré la hardiesse du Sicur d'Argentré, de dédier fon Hiftoire de Bretagne au Roy Henri III.vû la maniere dont il parle en plufieurs rencontres de la France & des François, au fujet des differens que nos Rois avoient avec les Ducs de Bretagne.

C'eft contre les Mémoires qui racontent les guerres civiles, que l'Hiftorien qui s'en fert, doit principalement se précautionner. C'eft dans ces fortes de Mémoires, où la partialité & l'animofité regnent le plus. Nous en avons tant d'exemples dans une infinité d'écrits hiftoriques publicz depuis le Regne de François II. jufqu'à celui de Louis XIII. par les Catholiques & par les Huguenots; & la chose est si connue, qu'il feroit inutile de faire fur ce fujet la critique -de quelqu'un d'eux en particulier. C'est là l'effet ordinaire des guerres civiles, & fur tout des guerres civiles allumées

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par

le motif ou par le prétexte de la Religion.

La partialité n'a jamais plus paru que dans les Hiftoires qui ont efté écrites touchant les differens des Papes avec les Empereurs & les autres Souverains; & il n'y en a guéres où l'on ait gardé moins de ménagement de part & d'autre. Les excés de quelques Hiftoriens en cette matiere procedoient non-feulement de l'attachement pour le parti qu'ils avoient embraffé, de l'interest,de la flaterie, & d'autres motifs femblables qui animent des Ecrivains mercenaires ou paffionnez, mais encore de certaines maximes autorifées dans les païs où ils avoient pris naiffance, & par lefquelles ils décidoient fur la juftice ou fur l'injuftice des prétentions & de la conduite, foit des Papes, foit des Souverains. On fait que les maximes des Ultramontains fur la jurifdiction fpirituel le,& fur la temporelle, ont toûjours efté très-opposées à la Jurifprudence des païs d'en deçà des Alpes. Ainfi il n'eft point furprenant que dans un païs on traitast d'injustice & même de tyrannie, ce qui eftoit regardé dans un autre comme conforme aux Loixde la plus exacte équité.

Comme il y a eu en divers temps de femblables differens entre les Rois de France & les Papes, & qui ont fait de l'éclat, ceux qui entreprennent d'écrire noftre Hiftoire, ne peuvent fe difpenfer de traiter ces matieres, & de les traiter avec exactitude. Je crois qu'il me sera permis de parler ici de moi en passant. Je fçai ce que certaines gens en ont dit dans le monde fur ce fujet ; fçavoir qu'un homme de mon cftat n'eftoit guéres propre à bien inftruire fes Lecteurs fur ces points de noftre Hiftoire en particulier, & qu'infailliblement je ménagerois les Papes.

Quand ces difcours me furent rapportez, je demandai deux chofes. La premiere, fi effectivement je ne devois pas

ménager les Papes, s'ils n'avoient pas la qualité de Chefs de l'Eglife, & de Vicaires de JESUS CHRIST ; & fuppofé même qu'on n'envisageaft pas ces Titres facrez dans leur perfonne, s'ils n'eftoient pas Souverains; & fi en cette qualité felon toutes les Loix de la bienféance & du refpect qu'on leur doit, ils ne méritoient pas d'estre ménagez; fi enfin un Historien Ultramontain qui toucheroit de telles matieres, & les traiteroit suivant les maximes de fon païs, ne feroit pas blâmé de fe déchaîner à cette occafion contre les Empereurs & les autres Souverains?

Je demandai en second lieu, fi pour l'interest de la verité, car c'est de quoi il s'agit icy, il y avoit plus à craindre de la modération, qui convient à un homme de mon eftat, que de l'emportement de quelques autres Historiens, qui femblent fe faire un honneur de dégrader les Papes, & de les outrager de gayeté de cœur, fans garder aucune mefure.

Je doute qu'il y ait aucune personne raisonnable & senfée, je ne dis pas parmi les Catholiques, mais parmi les Proteftans mêmes, qui ne répondît à ces deux questions de la maniere dont je crois qu'on y doit répondre. Mais pour ofter tout ombrage à ceux qui pourroient me foupçonner de quelque prévarication en cette matiere; je vais rendre compte de la maniere dont je me fuis conduit en traitant de ces affaires que l'on regarde comme fi délicates & fi difficiles à manier.

Je me fuis regardé comme François, comme Enfant de l'Eglife, & comme Hiftorien. Comme François, j'ai establi dans les occafions qui s'en font prefentées, les Droits légitimes de nos Rois; je me fuis bien gardé d'y donner la moindreatteinte, & d'autorifer en aucune maniere les préten

Hiftoria eft

gefta, per.

tions de quelques Papes fur le Temporel des Souverains. Comme Enfant de l'Eglife, je n'ai eu garde de me répandre à l'exemple de tant d'autres Ecrivains, en invectives, & en narratio res réfléxions odieuses contre le Saint Siege. Comme Hifto- quam ca que rien, je me fuis borné au devoir que cette qualité m'impofe, de rapporter fimplement les faits, fans m'ériger en Jurifcon- Origių, fulte, ou raisonner en Avocat chargé du droit des Par

ties.

C'est aux Lecteurs à tirer eux-mêmes les conclufions des Faits & des Mémoires qu'on leur produit, & je n'en ai omis aucun qui me parût d'importance. Je m'explique dans quelques exemples.

C'est une grande queftion entre les Partisans des Papès, & ceux des Empereurs; fçavoir fi du temps de Charlemagne, de Louis le Débonnaire, & des autres Empereurs François, les Papes avoient le Domaine direct, ou feulement le Domaine utile dans Rome, & dans les autres lieux dont Pepin & Charlemagne firent donation au Saint Siege.

Un Hiftorien entendroit mal fon métier, s'il s'avifoit de farcir fon Hiftoire de Differtations; & je me fuis bien gardé d'en faire une fur ce fujet : mais voici les faits que j'ai rapportez,non point comme des preuves des Droits des Papes ou des Empereurs; mais felon qu'ils fe prefcntoient à moi dans la fuite de la narration, & qu'ils entroient naturellement dans mon Histoire.

Par exemple, j'y marque en divers endroits, que les Romains firent serment de fidelité à Charlemagne, à Loüis le Débonnaire, & aux autres Empereurs François. Je cite fur cet article les Auteurs contemporains, une Lettre de Charlemagne au Pape, & même des Hiftoriens Ultramontains. M'accufera-t-on pour cela de partialité en faveur des Em pereurs contre les Papes ›

d iij

funt,

dignofcuntura Ifidor. L. L

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