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MAJESTE'. Je la fupplie d'agréer la proteftation publique que je fais de ce zele, & du très-profond respect avec lequel je prends la liberté de me dire,

SIRE,

DE VOSTRE MAJESTE,

Le très-humble, très-obéïffant, & très-fidele fujet & ferviteur, DANIEL, de la Compagnie de Jesus

xvj

*Livre in.

titulé, Supplé ment de Trai tez de la connoillance des Livres.

PREFACE.

*

N AUTEUR fort zelé pour la gloire de la France, après avoir déploré la difette, où il croit qu'elle eft de bons Hiftoriens, donne cet avis à ceux qui penseroient à travailler de nouveau à nôtre Histoire.,, Ceux, dit-il, ,, qui veulent mettre l'Hiftoire de France dans un meil leur eftat, doivent d'abord faire prefent au Public de quelques difcours, où ils découvrent les défauts de toutes nos Hiftoires, pour montrer le fujet qu'on a de s'en: plaindre, & pour détromper les gens qui les croyent fort accomplies.

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Je ne décide point fur la neceffité, ou fur l'utilité de cet avis: mais je trouve qu'il feroit un peu dangereux pour moi de le fuivre, au moins dans toute, fon étendue. Quelque droite que fût mon intention dans une telle Critique, on me foupçonneroit toûjours de vouloir establir ma réputation aux dépens d'autruy ; & de plus il faudroit que je fuffe d'un autre rang que je ne fuis dans la Republique des Lettres, pour m'y ériger en Juge des Auteurs, pour les citer ainfi tous à mon Tribunal, & pour entreprendre de prononcer fur leur mérite.

Mais je crois qu'il ne fera ni contre les loix de la bienféance, ni contre celles de la modestie, en traçant l'idéc d'une bonne Histoire, telle que je me la fuis formée pour me regler dans la compofition de celle-cy; de faire remarquer certains défauts, qu'on doit éviter dans des Ouvrages de cette nature, & d'en apporter quelquefois des exemples tirez de nos Hiftoriens, pour faire mieux comprendre ma pensée.

Nous avons dans les Anciens & dans les Modernes plufieurs Differtations fur la maniere d'écrire l'Hiftoire. J'ai profité de leurs lumieres pour m'inftruire moi-même ; je ne ferai ici guéres autre chofe, que de mettre dans un autre ordre leurs judicieuses réfléxions, & de leur donner quelquefois un peu plus d'étenduë.

La premiere qualité qu'ils demandent dans un Hiftorien, eft la fincerité & la verité : c'eft en effet fon devoir le plus effentiel. Dès-là que c'est une Histoire, c'est un tissu & une fuite de faits veritables, ou du moins qu'on a droit de regarder comme tels, fuivant certaines regles, où malgré qu'on en ait, oneft obligé de s'en tenir fur les chofes paffées.

Une de ces principales regles, est le témoignage unanime, ou prefque unanime des Auteurs contemporains; & cette unanimité fe rencontre d'ordinaire fur certains faits publics & connus, fur une bataille donnée, fur une victoire remportée, fur la prise d'une Ville, fur la conquefte d'une Province, fur la mort d'un Souverain. Quand ce confentement des Auteurs eft tel fur ces fortes de faits qui fe font paffez à la vûë de tout un Royaume, on a droit de les rapporter comme indubitables, & nul homme de bon fens n'oferoit les contredire.

Tome 1.

C

Mais il n'en eft pas de même des détails & de toutes les circonftances de ces faits, ni fouvent des refforts qu'on a fait jouer, pour produire certains évenemens: c'eft à cet gard que ce qu'on appelle le Pyrrhonisme de l'Histoire peut eftre permis. Peu d'Ecrivains ont efté témoins des intrigues du Cabinet; peu ont eu part aux Négociations ; ils rapportent ce qu'on penfoit communément dans le Public, ce qu'on difoit à la Cour, ce que ceux qui paffoient pour les plus clairsvoyans s'imaginoient avoir découvert ; fondemens fouvent peu folides pour prendre fon parti sur

les caufes des évenemens.

Les Historiens qui écrivent d'après eux, s'ils n'ont pas découvert de plus fûrs Memoires, font obligez de s'en tenir à ceux qu'ils leur fourniffent, & d'adopter leur politique, quand ils n'ont point de raison particuliere de s'en écarter. En cela ils peuvent manquer contre la verité, en fuivant de tels guides; mais ce n'eft pas leur faute. On peut dire le faux, fans ceffer d'eftre fincere, quand on ne le connoist pas pour tel; & c'eft en cette matiere tout ce qu'on peut fouhaiter d'un Hiftorien, qui écrit ce qui s'est passé plufieurs fiecles avant lui. Il fuffit pour sa justification qu'il ait pour garants les Ecrivains les moins fufpects parmi ceux qui l'ont précedé.

Ce que je dis touchant les veritables caufes des évenemens, on le doit dire à proportion de la pluspart de leurs circonftances. Combien voit-on de relations de Batailles, même de celles qu'on a données de noftre temps, qui s'accordent fur tout? On peut hardiment affûrer qu'on n'en trouvera pas deux femblables, fuffent-elles faites les perfonnes mêmes qui y auroient eu le plus de part, & qu'on peut citer comme des témoins oculaires,

par

Nous avons un exemple remarquable en cette matiere dans la fameufe Bataille de Jarnac, où Louis Prince de Condé fut tué fous le Regne de Charles IX. Le Sieur de Caftelnau-Mauviffieres, dont nous avons d'excellens Memoi res, & quieftoit à la Bataille, dit que l'Amiral de Coligny & d'Andelot fon frere fçachant que le Prince revenoit fur fes pas pour les foûtenir, reçûrent avec beaucoup de réfolution le Duc de Montpenfier qui les chargea vivement, & qu'il ne les rompit entierement, que par une seconde charge, après qu'ils fe furent ralliez. Au contraire dans les Memoires de M. de Tavannes qui eftoit auffi dans l'Armée, il est dit que l'Amiral & d'Andelot agirent fort mollement en cette occafion; & qu'eftant venus à la longueur des lances, ils tournérent à gauche, & laifférent tomber tout le poids du combat fur le Prince de Condé qui y périt.

Auquel de ces deux témoins, dont l'autorité doit eftre d'un fi grand poids, un Historien s'en rapportera-t'il? Je crois qu'en cette rencontre & en d'autres femblables, où la chose le mérite, il doit fe contenter de remarquer la contrarieté des deux Relations oppofées, fans fuivre l'une plûtôt que l'autre.

Il eft hors de doute que pour la fuite d'un Siége, pour l'arrangement d'une Armée fur le point qu'elle eft d'en venir aux mains, un Hiftorien qui cherche la verité, doit préférer les Mémoires des gens du métier, quand on ena, & on en a plusieurs ; qu'il doit, dis-je, les préferer à tous les autres qui n'ont pas le même titre pour eftre crûs, qui fouvent embelliffenr l'objet pour divertir les Lecteurs, & qui quelquefois n'ont pas même en fpéculation les connoiffances neceffaires pour traiter ces fortes de fujets. Mais c'est-là, pour le dire en paffant, un point fur lequel il eft

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