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An. 4816 Greg Turon.

L. 2.

re aux Allemans, qui s'eftoient jettez fur une partie de l'Italie, & ils fe rendirent maistres de leur Païs. Après toutes ces expeditions Childéric mourut la vingt-quatrième année de fon

481.

regne, vers l'an C'est-là à peu près ce que raconte de ce Prince le premier de nos Hiftoriens. Il fut enterré auprès de Tournay en un lieu qui eft maintenant renfermé dans la Ville, où l'on trouva fon tombeau l'an 1653. Voyons maintenant fi de la narration de Gregoire de Tours, on peut conclure que Childéric ait regné en-deçà du

Rhin.

En le voyant s'avancer jufqu'à Orleans & à Angers, il feroit affez naturel de croire que fon Royaume eftoit en-deça du Rhin, fi on en jugeoit par la maniere dont on fait aujourd'hui la guerre. Mais ce n'eft pas fur ce pied qu'il faut juger des expeditions des François de ce temps-là, non plus que non plus que de celles des autres Barbares. Sans parler des Huns, des Alains, des Vandales, des Gépides, & des autres, dont les Armées innombrables ont parcouru une grande partie de l'Europe, il n'eftoit point extraordinaire aux Peuples de la Germanie de faire des excurfions à deux & trois cens lieues de leur Païs; & l'Hiftoire Romaine nous apprend en plus d'un enAurel. Victor, droit, que les François forçant les paffages du Rhin, fe répandoient quelquefois jufqu'aux extrêmitez des Gaules. On les avoit vûs fous l'Empire de Gallien aller porter la défolation jufqu'en Espagne: & telle fut l'expedition de Childéric, quand il alla jufqu'à Angers.

&c.

Čet Odoacre Roy ou Duc des Saxons, que Gregoire de Tours dit s'eftre rencontré en même-temps que Childéric, à Orleans, & à Angers, n'est-il pas une preuve de ce que je dis? Avoit-il fon Royaume en-deçà du Rhin? N'eftoit-il pas venu de la Germanie ? Garda-t-il ce qu'il avoit pris ? Enfin ce qui confirme que ce n'eftoit là qu'une excurfion de Barbares, c'eft que Childéric ne garda ni Orleans, ni Angers, ni aucune Place entre la Seine & la Loire, ni entre la Seine & la Somme; puifque felon ceux-là mêmes, qui fuppofent Childéric établi dans les Gaules, la premiere conquefte de In Vira fandi fon fils Clovis, fut le Païs d'entre la Somme & la Seine. In diebus illis, dit Hincmar, dilatavit Rex Clodovicus regnum suum ufque Sequanam.

Remigii.

Mais ce qu'il y a fur tout à remarquer ici, c'eft qu'après le pillage d'Angers, Childéric & Odoacre repafferent le Rhin, & firent enfemble ligue contre les Allemans qui s'eftoient jettez dans l'Ita

lie, & les fubjuguerent. Odoacrius, dit Gregoire de Tours, cum L. 2.9. Childerico fœdus iniit, Alamannofque qui Italiam pervaferant, fubjugarunt. Car il eft manifefte que cela ne fe fit pas en-deçà du Rhin. Childéric mourut quelque temps après. His ita geftis mortuo Childerico, &c.

Ainfi donc le regne de Childéric dans les Gaules, n'est pas mieux prouvé que celui de fes Prédeceffeurs. On ne peut l'appuyer ni fur l'autorité d'aucun Hiftorien contemporain, ni même fur celle de Gregoire de Tours, dont le texte estant bien examiné, fait plustost concevoir tout le contraire. Il paroift donc vrai qu'avant Clovis, nul Roy des François ne s'est établi dans les Gaules. C'est tout ce que j'ai prétendu conclure.

mens politifs.

Je vais appuyer toutes ces réfléxions par les témoignages de quel- Autres Arguques anciens Historiens, qui nous marquent affez clairement l'Epoque du regne des François dans les Gaules; ce feront les dernieres preuves de ma propofition.

Le premier eft Procope de Céfarée qui vivoit fous l'Empire de Juftinien; c'est-à-dire, peu d'années après Clovis: il eftoit Secretaire du Grand Bélifaire, qu'il accompagna dans fes expeditions Cap. 127 militaires, dont il a laiffé l'Histoire à la pofterité. Ce que je vais dire eft tiré du premier Livre de la Guerre des Gots.

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Le Rhin, dit-il, fe jette dans l'Ocean. Il y a auffi dans ces quartiers-là beaucoup de Marais où les Germains demeuroient autrefois : c'eftoit une Nation barbare, & alors peu confiderable, Et initio parum fpectata, ce font ceux à qui l'on donne aujourd'hui le nom de François,qui Franci nunc vocitantur.

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(Cela s'accorde parfaitement avec ce que nous en a dit Sidonius, dans les Vers que j'ai déja citez.

Sic ripe duplicis tumore fracto
Detonfus Vahalim bibat Sicamber.....
Francorum & penitiffimas paludes
Intrares venerantibus Sicambris. )

Les Arboriques, continuë Procope, qui avec le refte des Gaules, auffi-bien que l'Espagne, eftoient de l'Empire Romain, touchoient au Païs de ces Barbares: His finitimi Arborichi Accola erant. (Cela nous apprend la demeure de ces Arboriques, qui occupoient le Païs fitué entre la Meufe & l'Efcaut, & celui qui eft entre la Meufe & le Vahal.)

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Après ces Germains, vers l'Orient, font les Thoringiens au,, tres Barbares, à qui Augufte Céfar permit de s'habituer dans cet endroit. Affez près delà en tournant vers le Midy, eftoit le Païs des Bourguignons. Burgundiones.

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(Avant qu'ils fuffent entrez dans les Gaules.)

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Et puis les Suéves & les Allemans, Nations courageufes & peu,, plées, tous gens libres, & qui demeurent depuis long-temps en ces lieux-là. Dans la fuite du temps, les Vifigots ayant forcé les frontieres de l'Empire Romain, fe jetterent dans les Efpagnes & dans la partie des Gaules, qui eft au-delà du Rhône, & s'en rendirent les maiftres. Il faut fçavoir que les Arboriques combat"> toient alors pour les Romains. Les Germains, c'eft-à-dire les François, vouloient les affujettir, parce qu'à caufe du voifinage ce Pais eftoit à leur bien-feance, & que les habitans avoient quitté leurs mœurs & leurs couftumes anciennes. Les François faifoient continuellement des courfes fur eux, & les attaquoient même avec toutes leurs forces: mais les Arboriques, gens braves & affectionnez aux Romains, fe défendirent toûjours vigoureu,, fement, & ne pûrent jamais eftre forcez. Cumque his vim inferre ,, Germani non poffent.

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(Voilà les excurfions des François fous nos premiers Rois clairement marquées, & les tentatives qu'ils firent inutilement tant de fois pour s'emparer du Païs.)

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Les Germains donc ne pouvant venir à bout de ces genereux voifins par la force des armes, ils les prierent de vouloir bien les ,, regarder comme leurs amis, & même que les deux Peuples pûffent s'unir par des mariages. Les Arboriques accepterent ces offres fans beaucoup de peine. Quas non inviti conditiones Arborichi » mox accepere.

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(La raifon que Procope va apporter de l'union des deux Peuples, marque évidemment le temps où elle fe fit.)

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Les Arboriques, dit-il, accepterent volontiers ces conditions, ,, parce que les uns & les autres eftoient Chrétiens; Erant enim 2, utrique Chriftiani.

Or les François, comme perfonne ne l'ignore, ne furent Chrétiens que fous le regne de Clovis: donc cette union ne se fit fe que fous le regne de Clovis. Jufqu'alors les Arboriques fideles aux Romains, avoient arrefté les François, quand ils avoient voulu fortir des marécages, où ils habitoient au-delà du Rhin, où, quand ils avoient forcé cette barriere, & fait quelques courfes dans le

Païs, ils les avoient obligez à repaffer bien-toft après. Ce n'eft donc que fous Clovis, que les François unis de Religion & d'interest aux Arboriques, enleverent ce qui reftoit des Gaules aux Romains, ainsi que Procope le dira bien-toft en termes exprès.

Une feule difficulté fe prefente ici à refoudre ; c'est que lorfque Clovis & les François pafferent le Rhin & défirent l'Armée Romaine auprès de Soiffons, ils n'eftoient pas encore Chrétiens: cela eft vrai : mais je réponds que quand Procope fe feroit mépris dans une circonftance d'une Hiftoire, qu'il ne touche qu'en paffant & par occafion, cette méprife ne devroit pas eftre tirée à confequence pour le refte; & qu'il ne feroit pas moins vrai pour cela, que, felon lui, les François avant Clovis avoient toûjours efté repouffez des Gaules,toutes les fois qu'ils avoient tenté de s'en emparer. Mais on peut fort bien entendre Procope fans lui attribuer cette faute. Clovis n'entra pas dans les Gaules par le Païs des Arboriques, mais vrai-femblablement par Cologne, où l'Hiftoire nous apprend que Sigebert, Prince du Sang de Clovis, regnoit de fon temps; & marchant entre le Rhin & la Meufe, il vint au travers de la Forest d'Ardennes attaquer à Soiffons Syagrius General des Romains. Après l'avoir vaincu & s'eftre rendu maiftre du Païs, il se fit Chrétien avec la plus grande partie de fon Peuple. Pofté comme il eftoit fur l'Efcaut il tenoit les Arboriques enfermez entre lui & les autres François qui eftoient au-delà du Vahal: il les coupoit, & leur rendoit très-difficile la communication avec les Romains. Ce fut alors que commencerent les Traitez entre les uns & les autres ; & auffi-toft après fuivit l'union des Nations qui les rendirent très-puissantes. Eo pacto in unam coaliti gentem potentiffimi evaferunt.

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De forte, continue Procope, que les Soldats Romains, qui estoient en garnison aux extrêmitez de la Gaule, (c'est-à-dire, vers la Mer, le Rhin, & la Loire,) ne pouvant retourner à Ro,, me, & ne voulant point fe refugier chez les Ariens leurs ennemis; (c'eft-à-dire, en Italie, dont Odoacre Roy des Erules Arien s'eftoit emparé, ) ils se rendirent avec leurs Etendards & le refte du Païs, aux Arboriques, & aux François. Seipfi cum fignis & Regionem quam ante fervabant, Arborichis & Germanis permiferunt. Voilà le premier établissement de la Monarchie Françoife dans les Gaules, très-nettement marqué fous le regne de Clovis.

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Il faut faire attention à ce qui fuit. Tandis que l'Empire Romain fubfifta, les Empereurs furent Maiftres des Gaules jufqu'au ,, Rhin, (c'est ainfi que Grotius a lû dans les manufcrits Grecs dont

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Roverius Hift.
Mona't. 5.
Joan. Reo-
maenfis,

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,, il s'eft fervi pour fa traduction.) Mais fi-toft qu'Odoacre cuft pris Rome, il ceda aux Vifigots la partie des Gaules, &c. ( Or Odoacre ne fut maiftre de l'Italie que du temps de Childéric, & cinq ou fix ans avant le regne de Clovis; donc au temps de Childeric les Romains tenoient les Gaules jufqu'au Rhin : & par confequent les François n'eftoient point en poffeffion de ce qu'ils avoient pris fous Clodion en-deçà.)

Le fecond témoignage eft de Gregoire de Tours, & me paroist convainquant. Il eit tiré du premier Chapitre du cinquiéme Livre de fon Hiftoire, où chagrin de la guerre civile extrémement allumée entre Sigebert & Chilpéric, tous deux petits-fils de Clovis, leur parle de la forte.

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Pluft à Dieu, Princes, que vous ne fiffiez la guerre que comme ,,vos Anceftres, & qu'en entretenant la paix entre vous, vous vous rendiffiez redoutables à vos voifins. Šouvenez-vous de Clovis, celui qui a commencé à conquerir ce que vous poffedez: Caput victoriarum veftrarum, combien il a défait de Rois, dompté de Nations, fubjugué de Païs; & pour faire tout cela, il n'avoit ni ,, or ni argent; au lieu que vous avez de grands trefors; Et cum hoc » faceret neque aurum, neque argentum, ficut nunc in thefauris veftris, habebat...... Vous avez des magafins de bled, de vin, d'huile, de l'or & de l'argent en abondance, &c. Sur cet endroit de Gregoire de Tours, on peut faire les remarques fuivantes.

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Sigebert eftoit Roy d'Auftrafie, & avoit pour Capitale de fon Royaume la Ville de Mets. Il poffedoit les Païs des environs du Rhin, de la Mofelle & de la Meufe. Chilpéric eftoit Roy de Soiffons, & avoit pour fon partage ce qu'on appelle aujourd'hui la Picardie, une partie des Païs-Bas & de la Champagne: fi la plus grande partie de ces Païs avoit efté poffedée, comme on le fuppofe, par Clodion, par Mérovée, par Childéric; comment eft-ce que Clovis auroit commencé à en faire la conqueste, Caput victoriarum veftrarum? Mais s'il avoit reçû tout cela, ou prefque tout cela de fes Ancestres, comment fe peut-il faire qu'il n'euft ni or, ni argent, ni magasins ? N'avoir ni or, ni argent, ni magafin de bled & de vin, cela convient parfaitement à un Prince barbare, qui passe le Rhin pour venir s'établir dans les Gaules, & nullement à un Roy déja établi dans ce fertile Païs, que fes Anceftres poffedoient depuis cinquante ans ?

Enfin le troifiéme témoignage, par lequel je finis mes preuves eft celui de Jonas difciple de Saint Colomban, dans la Vie de Saint

Jean

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