944.65 PRÉFACE. Chacun comprend ce que c'est que la gloire, et personne peut-être ne saurait la définir. Expression magique qui agite tous les esprits, objet de l'ambition de tout homme de cœur, cause première de tant de crimes, mobile de tant de belles actions, la gloire n'est-elle que le souvenir forcé de tout ce qui a pu frapper l'imagination des hommes, ou bien est-ce un hommage qui ne se rend qu'à tout ce qui a été digne de respect et d'admiration? Un nom peut se perpétuer d'âge en âge, sans pour cela être glorieux; ceux d'Attila, de Néron, de Charles IX, d'Henri VIII, sont venus jusqu'à nous; sontce des noms glorieux ? Les successeurs de ces souverains se sont-ils jamais fait un titre de les compter parmi leurs aïeux? Les noms de Marc-Aurèle, de César, d'Henri IV, d'Élisabeth, de Pierre-le-Grand, ont aussi traversé les âges; et c'est pour ainsi dire au milieu des acclamations des historiens qu'ils sont venus jusqu'à nous. La gloire n'est donc pas seulement une trace laissée dans la mémoire des hommes, c'est une auréole que jette au loin l'éclat du génie et qui met toujours en lumière les vertus ou les hauts faits de ceux qu'elle couronne. C'est presque une béatification consacrée par l'histoire et la postérité, deux puissances immenses qui valent toutes les bulles des papes. D'où vient cette différence dans les sentiments qu'éveillent en nous les noms des temps passés? C'est que faute de savoir ou d'approfondir les choses, on confond souvent la gloire et la renommée sans s'apercevoir que c'est confondre le mépris et l'es time, l'admiration et le blâme, le modèle et l'écueil. L'histoire des hommes qui se sont tour-à-tour rendus célèbres, histoire si longue et si mensongère, pourrait se resserrer dans un cadre étroit si elle ne devait transmettre à la postérité que les véritables gloires. Et par véritable gloire nous ne saurions entendre une perfection qui ne se soit jamais démentie, un talent qui n'ait jamais erré, un cœur qui n'ait jamais failli; mais nous entendons un esprit supérieur qui ait dominé pour améliorer, une ame qui ait eu la force de créer et la persévérance d'exécuter, un cœur ferme qui ait défié la mauvaise fortune, su braver les revers, et qui ne se soit jamais compté pour quelque chose dans les résultats qui pouvaient être le fruit de ses nobles efforts; enfin une intelligence qui aurait trouvé en soi le germe de tout ce qui est grand et beau. Un nom véritablement glorieux serait ce lui d'un homme qui, sorti des rangs du peuple, privé des avantages de la fortune et de la naissance, mais doué de force et de génie, aurait, jeune encore et marchant de victoire en victoire, su conquérir et assurer l'indépendance du territoire national envahi; qui, jeune et intrépide chef de soldats aussi jeunes et non moins intrépides, ait été terrasser de son drapeau triomphant l'orgueil des capitales ennemies; qui, bravant les climats et les éléments, ennemis nouveaux et plus redoutables, ait osé conquérir, avec une poignée de braves, des nations entières et des peuples indomptés; qui ait protégé les arts et les sciences, et les ait fait fleurir à l'ombre de son épée; qui, reportant d'un pays lointain ses regards pénétrants sur sa patrie désunie par l'anarchie, et menacée par une coalition armée, soit venu tout-àcoup, et sans autre influence que sa renommée, sans autre puissance que son génie, la rendre à la gloire et à la liberté; qui, tour |