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que

déshonorait souvent le bâton de son officier, ne pouvait jamais être que soldat, quelle que fût sa bravoure ou sa conduite, et l'officier, par cela seul qu'il avait de la naissance, ne pouvait jamais cesser d'être officier, quelle que fût sa lâcheté ou son ignorance. Les officiers et les soldats se méprisaient mutuellement. Qu'espérer d'un tel état de choses? Aussi, que firent souvent ces armées si vantées? elles pillaient après la victoire ou fuyaient après la défaite.

Lors de l'émigration tout changea de face la France était sans armée et son territoire était menacé. On se leva en masse, et, comme dans toutes circonstances critiques le commandement va de droit au plus habile, on vit tout-à-coup paraître une foule d'hommes de courage et de talent, qui se chargèrent de guider leurs concitoyens et de repousser l'ennemi. Toute distinction disparut alors, le courage fut tout, et la naissance rien. Bientôt la France.

épuisée mit sur pied quatorze armées, conjura l'Europe entière et la força à se mettre sur la défensive.

C'est alors que la carrière fut ouverte à toutes les ambitions et que le métier des armes fut réellement en honneur. Chaque citoyen dut le secours de son bras au pays, la chance fut égale pour tous, et la conscription fut établie; institution essentiellement généreuse et morale, bien faite pour donner à tout soldat le sentiment de sa dignité, institution qui fut d'abord prise en haine parce qu'elle répandit la douleur dans les familles, parce que, ne faisant point d'exceptions, elle atteignait le pauvre et le riche, le noble et le roturier, le lâche et le brave; parce que, d'un intérêt vital pour l'indépendance du pays, son exécution se fit et devait se faire avec rigueur; mais les avantages ne tardèrent pas à se faire sentir, les répugnances s'affaiblirent, et cette loi si sage, si juste, si simple dans son exé

cution et si féconde dans ses résultats, fera le tour du monde. Le reproche d'en avoir abusé pèse sur Napoléon; est-il mérité? Il faut bien l'avouer, jamais souverain n'appela sous les drapeaux en aussi peu d'années un aussi grand nombre de citoyens; mais, aussi, jamais souverain eut-il à soutenir une lutte aussi longue et aussi inégale. Sous son règne, un traité de paix ne fut acheté que par de sanglantes victoires, et chaque traité de paix nouveau semblait être le signal d'une déclaration de guerre nouvelle, ce qui paraissait inexplicable, car on ne comprenait pas alors une politique et une coalition permanentes que désavouaient les cabinets de l'Europe, mais dont ils se sont vantés depuis.

Après avoir ainsi recréé le moral de l'armée, il voulut retremper celui de la nation en lui donnant les lois nouvelles qu'elle demandait depuis 89; car l'effervescence qui se manifesta en France à la fin du

siècle dernier, ne fut que l'expression du mécontentement général, que causaient des abus révoltants; ce fut le cri d'indignation de tout un peuple courbé sous le joug de l'absolutisme, fatigué des priviléges de la noblesse, et ruiné par les exigences du clergé. Si la première impulsion se communiqua avec une effrayante rapidité, si l'exaltation parut unanime et spontanée, c'est que c'était une guerre de principes qui se déclarait, et que le gouvernement eut l'imprudence de s'exposer à une révolution dans les choses plutôt que de concéder avec mesure et bonne foi à une révolution dans les esprits. Une résistance mal entendue provoqua des attaques trop violentes, et la monarchie, frappée dans sa base, s'écroula au lieu de se modifier. Toute l'ancienne jurisprudence qui régissait la nation, recueil informe et contradictoire de lois, d'édits et d'ordonnances qui rappelaient plutôt les mœurs successives que les besoins du pays;

immense dédale où les plus habiles et les plus anciens légistes ne pouvaient diriger leur marche; tout cet édifice destiné à protéger et qui n'avait servi qu'à opprimer disparut le même jour que la monarchie.

La souveraineté du peuple fut proclamée; on vit promulguer chaque jour des lois nouvelles toutes empreintes de l'effervescence du moment, et tandis que la déesse de la raison recevait des hommages, la folie seule semblait se disputer le trône avec l'anarchie. On vit alors ces législateurs improvisés, ces sages d'un jour décréter de sang-froid et presque avec condescendance l'existence d'un être suprême, et presque le même jour, dans la même enceinte, d'autres voix, plus audacieuses et non moins stupides, proclamaient l'athéisme, comme seul principe admissible et sur lequel l'ordre social tout entier devait se régénérer : désordres nouveaux dont la violence fit bientôt regretter le désordre qui l'avait précédé. On vit les tribunaux moti

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