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moment où ils se flattaient d'être délivrés par l'arrivée des secours qui étaient attendus, ils devaient songer à quitter leurs maisons et leur patrie! Le conseil de guerre avait ordonné de faire sauter les forts de Pomets et de la Malgue. Le fort Pomets sauta dans la nuit du 17 au 18. Les forts de Faron, de Malbosquet, de la Redoute-Rouge, de la Redoute-Blanche', de SainteCatherine, furent évacués dans la même nuit. Le 18, tous ces forts furent occupés.

Le 17, avant le jour, pendant qu'on attaquait le Petit-Gibraltar, Lapoype avait gravi la montagne du Faron, après un combat assez chaud, et avait bloqué le fort. Laharpe, depuis général de division, tué à l'armée d'Italie, alors colonel d'Auvergne, se distingua à cette affaire. L'état des choses était si peu connu, que lorsque l'armée apprit que le fort Pomets avait sauté, le bruit se répandit que c'était par accident que le feu avait pris au magasin à poudre. Maîtresse du fort Malbosquet et de tous les forts environnant Toulon, hormis la Malgue que l'ennemi occupait encore, l'armée s'avança dans la journée du 18 sous les remparts; plusieurs mortiers jouèrent tout le jour contre la ville..

L'escadre anglaise-espagnole était parvenue à sortir, et croisait hors des rades; la mer était

couverte de chaloupes et de petits bâtiments qui se rendaient à bord de l'escadre. Il fallait passer près des batteries françaises; plusieurs bâtiments, bon nombre de chaloupes, furent coulés bas. Dans la soirée du 18, une épouvantable explosion annonça la destruction du magasin- général; au même moment, le feu se manifesta à quatre ou cinq endroits de l'arsenal, et une demi-heure après la rade se couvrit de flammes; c'était l'incendie de neuf vaisseaux de haut bord et quatre frégates françaises; l'horizon, à plusieurs lieues, en était en feu, on y voyait comme en plein jour. Ce spectacle était sublime, mais déchirant; on s'attendait, à chaque instant, à l'explosion du fort la Malgue, mais la garnison craignant de se trouver coupée de la ville, ne se donna pas le temps de charger les mines; dans la nuit même les tirailleurs français y entrèrent. La terreur était dans Toulon, la plus grande partie des habitants s'était embarquée en toute hâte; ce qui en restait s'était barricadé dans leurs maisons par la crainte des traînards; l'armée assiégeante était rangée en bataille sur les glacis.

Le 18, à dix heures du soir, le colonel Cervoni jeta une porte à terre et entra à la tête d'une patrouille de 200 hommes. Il parcourut toute la ville, il y régnait le plus grand silence;

le port était encombré de bagages que les habitants n'avaient pas eu le temps d'embarquer. Il courut un bruit que des mèches étaient placées pour faire sauter les magasins à poudre : des piquets de canonniers furent envoyés pour s'en assurer. Immédiatement après les troupes destinées à la garde de la ville entrèrent. Le désordre était extrême à l'arsenal de la marine : 8 ou goo galériens travaillaient, avec la plus grande ardeur, à éteindre le feu. Ces forçats avaient rendu les plus grands services ils avaient imposé à l'officier anglais, Sidney Smith, chargé de brûler les vaisseaux et l'arsenal; cet officier s'acquitta fort mal de cette tâche; la république lui dut les trésors bien précieux qu'elle y retrouva. Napoléon s'y rendit avec tout ce qu'il y avait de canonniers et d'ouvriers disponibles; il réussit, après plusieurs jours, à éteindre le feu et à conserver l'arsenal. Les pertes que la marine avait faites étaient considérables, mais il lui restait encore des ressources immenses; on sauva tous les magasins, hormis le magasin-général. Il y avait trenteun vaisseaux de guerre à Toulon, lors de la trahison quatre vaisseaux avaient été employés pour porter 5,000 matelots à Brest et à Rochefort; les coalisés en brûlèrent neuf en rade; ils en laissèrent treize désarmés dans les bassins;

ils en emmenèrent quatre, dont un fut brûlé à Livourne. On avait craint qu'ils ne fissent sauter le bassin et plusieurs des jetées; ils n'en eurent pas le temps. Les treize vaisseaux ou frégates qui brûlèrent dans la rade formèrent des écueils qui la rétrécirent; on essaya, pendant huit ou dix ans, divers moyens pour les retirer; enfin, des plongeurs napolitains sont venus à bout de tout retirer morceau par morceau, en sciant les carcasses. L'armée fit son entrée le 19; depuis soixante-douze heures elle était sous les armes au milieu de la boue et de la pluie; elle se livra, dans la ville, à des désordres qui semblaient autorisés par les promesses faites aux soldats pendant le siége.

Le général en chef rétablit l'ordre en décla rant que toutes les propriétés de Toulon étaient propriétés de l'armée; il fit vider les magasins particuliers et les meubles des maisons abandonnées, dans des magasins centraux. Depuis, la république se saisit de tout, moyennant une année de solde en gratification, qui fut accordée à chaque officier ou soldat. L'émigration de Toulon fut très-considérable; les vaisseaux anglais, napolitains et espagnols en étaient encombrés, ce qui les obligea à mouiller dans la rade d'Hières, et à faire camper les réfugiés dans les îles Porquerolles et du Levant. On dit

que

le nombre de ces émigrés était de 14,000. Dugommier donna l'ordre de laisser flotter le pavillon blanc sur tous les forts ou bastions de la rade, ce qui trompa un grand nombre de bâtiments de guerre et de commerce, chargés pour le compte des ennemis. Pendant les trente jours qui suivirent la prise de la ville, il n'en est pas un où l'on n'ait pris des bâtiments richement chargés. Une frégate anglaise avait déjà mouillé sous la grande tour, elle portait plusieurs millions; on la considérait comme prise, lorsque deux officiers de marine l'abordèrent avec un petit bateau, en déclarant au capitaine qu'ils amarinaient la frégate comme leur prise; le capitaine les fit mettre à fond de cale, coupa ses câbles, et eut le bonheur d'échapper sans éprouver aucune avarie majeure, A la fin de décembre à huit heures du soir, le commandant d'artillerie étant sur le quai, vit aborder un canot anglais, l'officier lui demanda le logement de lord Hood; c'était le capitaine d'un beau brick qui venait porter des dépêches et annoncer l'arrivée des renforts; on prit le bâtiment et on lut ses dépêches.

Les représentants établirent un tribunal révolutionnaire, selon les lois du temps; mais tous les coupables étaient échappés, ils avaient suivi l'ennemi; tout ce qui s'était résolu à rester

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