α « sa volonté par un ultimatum. Ne serait-il pas de impolitique de s'éloigner de la France, pas-. «ser le Tésin, sans être sûr de ses derrières ? « Les rois de Sardaigne, qui ont été si utiles à la << France tant qu'ils ont été fidèles, ont le plus « contribué à ses revers dès qu'ils ont changé « de politique. Aujourd'hui la disposition des « ennemis de cette cour ne sauroit permettre la moindre illusion. Les nobles et les prètres la << dominent; ils sont ennemis irréconciliables de « la république. Si on avance et qu'on éprouve « une défaite, que n'aura-t-on pas à redouter de « leur haine et de leur vengeance? Gênes même << devra donner de grandes inquiétudes. Le sys«tème de l'oligarchie y domine toujours, et quelque nombreux que puissent s'y trouver « les partisans de la France, ils demeurent sans « influence dans leurs décisions politiques. Les bourgeois de Gênes peuvent bien déclamer, << mais là se borne tout leur pouvoir. Les oli"garques gouvernent, ils commandent aux << troupes et disposent de 8 à 10,000 paysans des « vallées de Fontana-Bona et autres, qu'ils ap<< pellent à leur secours quand ils en ont besoin. << Enfin doit-on s'arrêter après avoir passé le << Tésin? doit-on passer l'Adda, l'Oglio, le Mincio, l'Adige, la Brenta, la Piave, le Tagliamento, << l'Isonzo? Est-il sage de laisser sur ses derrières << de si nombreuses populations simal disposées? << Le moyen d'aller vite n'est-il pas d'aller dou<< cement et de se faire des appuis dans tous les << pays que l'on occupe, en changeant le gou<< vernement et confiant l'administration à des « personnes de mêmes principes et de mêmes. «< intérêts que nous? Si l'on se portait dans le « pays de Venise, n'obligerait-on pas cette répu«blique, qui peut disposer de 50,000 hommes, « à prendre parti pour l'ennemi? On répondait « à cela : L'armée française doit profiter de sa « victoire, elle ne doit s'arrêter qu'à la meilleure << ligne de défense contre les armées autrichien<< nes qui ne tarderont pas à déboucher du Tyrol <«< et du Frioul. Cette ligne c'est l'Adige: elle <«< couvre toutes les vallées du Pô; elle intercepte << la moyenne et la basse Italie; elle isole la place << de Mantoue; et probablement cette place sera prise avant que l'armée ennemie ne soit refaite << et en position de la secourir. C'est pour avoir, « méconnu ce principe que le maréchal de Vil«< lars manqua tout le but de la guerre en 1733. « Il était à la tête de 50,000 hommes réunis au << camp de Vigevano en octobre; n'ayant pas « d'armée devant lui, il pouvait se porter où il « voulait. Il se borna à se tenir en observation << sur l'Oglio à cheval sur le Pô; ayant ainsi perdu « l'occasion, il ne la trouva plus. Trois mois 1 après, Mercy arriva dans le Serraglio avec une <«< armée. Le maréchal de Coigny, quoique à la << tête d'une armée très-supérieure pendant toute «la campagne de 1734, et victorieux dans deux «< batailles rangées, celles de Parme et de Guas«< talla, ne sut tirer aucun parti de tant d'avan<< tages; il manoeuvra alternativement sur les «< deux rives du Pô. Si ces généraux avaient bien « connu la topographie de l'Italie, dès le mois « de novembre Villars eût pris position sur l'Adige, interceptant ainsi toute l'Italie; et Coigny eût profité de ses victoires pour s'y « porter à tire-d'aile. « Sur l'Adige on a le moyen de pourvoir à « toutes les dépenses de l'armée, parce qu'on « en fait partager le poids à une grande popu<< lation; à celles du Piémont, de la Lombar<< die, aux légations de Bologne et de Ferrare, « aux duchés de Parme et de Modène. On craint « de voir Venise se déclarer contre la France? « Le meilleur moyen de l'empêcher, c'est de << porter en peu de jours la guerre au milieu de «< ses états; elle n'est point préparée à un pareil « événement; elle n'a point eu le temps de faire « des levées et de prendre des résolutions; il « faut empêcher le sénat de délibérer. Si l'ar« mée reste sur la rive droite du Tésin, les Au« trichiens forceront cette république de faire «< cause commune avec eux, ou elle-même se jettera dans leurs bras, influencée par l'esprit de parti. Le roi de Sardaigne n'est plus à << craindre; ses milices sont congédiées; les Anglais vont cesser leurs subsides; les affaires <«< intérieures y sont dans le plus mauvais état. « Quelque parti que prenne la cour, les mé<«< contents s'accroîtront; après la fièvre vient « la faiblesse. Quinze à dix-huit mille hommes <<< sont toutes les forces qui lui restent; dissé« minés dans un grand nombre de villes, ils « suffiront à peine à maintenir la tranquillité «< intérieure. D'un autre côté, le mécontente<<< ment de la cour de Vienne contre le cabinet de Turin ira en croissant; elle lui reprochera qu'à la première bataille perdue, il a déses péré de la cause commune. Ce n'est pas ainsi qu'en avait agi, en 1705, Victor-Amédée, après la victoire que Vendôme remporta à « Cassano, où le prince Eugène fut acculé sur << les bords du lac d'Iseo, où trois armées fran çaises envahirent tous ses états, même le <«< comté de Nice; il ne lui restait plus que Ta«< rin, et cependant il tint ferme, persista dans « son alliance avec l'Autriche. Il en fut récom pensé l'année suivante par la bataille de Tu« rin, où il reconquit tous ses états, en consé«quence de cette marche si audacieuse du « « prince Eugène que la fortune se plut à cou<< ronner d'un si grand succès. « Les oligarques de Gênes ne sont pas à «< craindre; la meilleure garantie contre eux, << ce sont les profits immenses qu'ils recueillent << de leur neutralité. On veut propager les principes de la liberté en Piémont et à Gênes, << mais pour cela il faut allumer la guerre civile, << soulever le peuple contre les nobles et les prêtres; et c'est devenir responsable des exa cès qui accompagnent toujours une pareille a lutte. Arrivée au contraire sur l'Adige, l'armée « sera maîtressé de tous les états de la maison « d'Autriche en Italie et de tous ceux du pape en-deçà de l'Apennin, elle sera en position de proclamer les principes de la liberté et d'ex«< citer le patriotisme italien contre la domina« tion étrangère. On n'aura pas besoin d'exciter « les divisions parmi les diverses classes des citoyens; nobles, bourgeois, paysans, tous « seront appelés à marcher d'accord pour le « rétablissement de la patrie italienne. Le mot « Italiam! Italiam! proclamé à Milan, à Boloà Vérone, produira un effet magique. « Proclamé sur la droite du Tésin, les Italiens «< diront: Pourquoi n'avancez-vous pas ? » c Le colonel Murat, premier aide-de-camp; fut expédié pour Paris avec vingt-un drapeaux |