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tous les hôpitaux de la rivière de Gènes, au seul bruit de la victoire et de l'abondance qui régnait. La misère avait été telle jusque-là dans l'armée française, qu'on oserait à peine la décrire; les officiers, depuis plusieurs années, ne recevaient que huit francs par mois de solde, et l'état-major était entièrement à pied. Le maréchal Berthier a conservé dans ses papiers un ordre du jour d'Albenga, qui accordait une gratification de trois louis à chaque général de division. Cherasco est à dix lieues de Turin, quinze d'Alexandrie, dix-huit de Tortone, vingtcinq de Gênes, vingt de Savone. La cour de Sardaigne ne savait plus à quoi se résoudre; son armée était découragée et en partie détruite; l'armée autrichienne n'avait plus d'autre pensée que de couvrir Milan. Les esprits étaient fort agités dans tout le Piémont; la cour ne jouissait nullement de la confiance publique; elle se mit à la discrétion de Napoléon, et sollicita un armistice; bien des personnes eussent préféré que l'armée eût marché sur Turin; mais Turin était une place forte, il fallait du gros canon pour en enfoncer les portes. Le roi avait encore un grand nombre de forteresses, et malgré les victoires qu'on venait de remporter, 'le moindre échec, le plus léger caprice de la fortune pouvait tout renverser; les deux armées

ennemies, réunies étaient encore, malgré leurs revers, supérieures à l'armée française; elles avaient une artillerie considérable, et surtout une cavalerie qui n'avait pas souffert. L'armée française, en dépit de ses victoires, avait de l'étonnement; elle était frappée de la grandeur de l'entreprise; le succès paraissait problématique quand on considérait la faiblesse des moyens, les esprits se fussent exagéré le moindre revers. Des officiers, même des généraux, ne concevaient pas qu'on osât songer à la conquête de l'Italie, avec aussi peu d'artillerie, une si mauvaise cavalerie, et une armée aussi faible, que les maladies et l'éloignement de la France affaibliraient encore tous les jours. On trouve des traces de ces sentiments de l'armée dans la proclamation que le général en chef adressa à ses soldats à Cherasco : « Soldats, vous avez remporté << en quinze jours six victoires, pris vingt-et-un « drapeaux, cinquante-cinq pièces de canon, plusieurs places fortes, et conquis la partie « la plus riche du Piémont; vous avez fait « 15,000 prisonniers, tué ou blessé plus de << 10,000 hommes. Vous vous étiez jusqu'ici << battus pour des rochers stériles, illustrés par << votre courage, mais inutiles à la patrie; vous égalez aujourd'hui, par vos services, l'armée « de Hollande et du Rhin. Dénués de tout, vous

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« avez suppléé à tout. Vous avez gagné des ba<«< tailles sans canons, passé des rivières sans << ponts, fait des marches forcées sans souliers, bivouaqué sans eau-de-vie et souvent sans pain. Les phalanges républicaines, les soldats « de la liberté étaient seuls capables de souffrir <«< ce que vous avez souffert; graces vous en << soient rendues, soldats! La patrie reconnais<«< sante vous devra sa prospérité, et si, vain« queurs de Toulon, vous présageâtes l'immor<< telle campagne de 1793, vos victoires actuelles « en présagent une plus belle encore. Les deux « armées qui naguère vous attaquaient avec au«dace, fuient épouvantées devant vous; les << hommes pervers qui riaient de votre misère et << se réjouissaient dans leur pensée des triomphes de vos ennemis, sont confondus et trém<< blants. Mais, soldats, vous n'avez rien fait, puisqu'il vous reste à faire. Ni Turin ni Mi<< lan ne sont à vous; les cendres des vain« queurs de Tarquin sont encore foulées par <«< assassins de Basseville! On dit qu'il en est parmi vous dont le courage mollit, qui préfé<< reraient retourner sur les sommets de l'Apen<«< nin et des Alpes? Non, je ne puis le croire. « Les vainqueurs de Montenotte, de Millesimo, « de Dego, de Mondovi, brûlent de porter au <«<loin la gloire du peuple français !..... »

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Des conférences pour une suspension d'armes se tinrent au quartier-général dans la maison de Salmatoris, alors maître d'hôtel du roi de Sardaigne, et qui depuis a été préfet du palais de Napoléon. Le général piémontais Latour et le colonel Lacoste étaient chargés des pouvoirs du roi. Le comte Latour était un vieux soldat, lieutenant-général au service de Sardaigne, très opposé à toutes les nouvelles idées, de peu d'instruction et d'une capacité médiocre. Le colonel Lacoste, natif de Savoie, était dans la force de l'âge; il s'exprimait avec facilité, avait de l'esprit, et se montra sous des rapports avantageux. Les conditions furent : Que le roi quitterait la coalition, et enverrait un plénipotentiaire à Paris pour y traiter de la paix définitive; que jusquelà il y aurait armistice; que Ceva, Coni, Tortone ou, à son défaut, Alexandrie, seraient remis surle-champ à l'armée française avec toute l'artillerie et les magasins; que l'armée continuerait d'occuper tout le terrain qui se trouvait en ce moment en sa possession; que les routes militaires dans toutes les directions permettraient sa libre communication avec la France, et de la France avec l'armée; que Valence serait immédiatement évacué par les Napolitains et remis au général français jusqu'à ce qu'il eût effectué le. passage du Pô; enfin que les milices du pays se

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raient licenciées et que les troupes régulières seraient disséminées dans les garnisons de manière à ce qu'elles ne donnassent aucun ombrage à l'armée française.

Désormais les Autrichiens isolés pouvaient être poursuivis jusque dans l'intérieur de la Lombardie. Les troupes de l'armée des Alpes, devenues disponibles, allaient en partie descendre en Italie. La ligne de communication avec Paris était raccourcie de moitié; enfin on avait des points d'appui et de grands dépôts d'artillerie pour former des équipages de siége et pour assiéger Turin même, si le directoire n'agréait pas la paix.

.S IX.

L'armistice conclu, et les places de Coni, Tortone et Ceva occupées, on se demanda s'il fallait aller en avant, et jusqu'où? On concevait que l'armistice qui avait fait tomber toutes les places fortes et séparé l'armée piémontaise de l'armée autrichienne était utile; « mais ne serait-il pas « désormais plus avantageux de profiter des << moyens acquis pour révolutionner entièrement «<le Piémont et Gênes avant d'aller plus loin? « Le gouvernement français avait le droit de re<< fuser les négociations proposées et de déclarer

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