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en vain de lui expliquer que c'était en plaçant trois ou quatre batteries contre un fort, de manière que les forts convergeassent; que l'assiégeant avait l'avantage sur le feu des assiégés, et que de pauvres batteries construites en terre et à la hâte l'emportent sur des batteries construites avec soin et ayant le relief de fortifications permanentes; que cette batterie construite entre trois forts serait rasée en un quart-d'heure, et que les canonniers en seraient tous tués. Cartaux, ayant toute la présomption de l'ignorance, insista; mais quelles que soient les rigeurs de la discipline militaire, cet ordre ne fut pas exécuté, parce qu'il n'était pas exécutable. Une autre fois, ce général lui ordonna de construire une batterie, toujours dans la direction opposée au plan général, sur une terrasse en avant d'une bastide où il n'y avait pas le recul nécessaire pour les pièces;

les décombres de la maison l'eussent rendue intenable pour les canonniers; il fallut encore désobéir. Les batteries des Sans-Culottes et de la Montagne fixaient l'attention de l'armée et de tout le midi. Le feu y était épouvantable. Plusieurs chaloupes anglaises avaient été coulées bas: plusieurs frégates avaient été démâtées, quatre vaisseaux de ligne avaient été si considérablement endommagés qu'ils avaient dû en

trer dans le bassin pour se réparer. Le général en chef, profitant d'un moment où le commandant d'artillerie s'était absenté vingt-quatre heures pour aller visiter l'arsenal de Marseille, et surveiller le départ de quelques objets indispensables, ordonna l'évacuation de cette batterie, sur le prétexte qu'on y perdait beaucoup de canonniers. A neuf heures du soir, l'évacuation commençait lorsqu'il revint; il fallut encore désobéir. Il existait à Marseille une vieille coulevrine qui était un objet de curiosité; on mit dans la tête de l'état-major que la reddition de Toulon tenait à cette coulevrine; qu'elle avait des propriétés merveilleuses; elle portait au moins à deux lieues. L'artillerie s'assura que cette coulevrine, qui était extrêmement pesante, était chambrée et ne pouvait rendre aucun service. Cependant il fallut se donner beaucoup de peine et sacrifier beaucoup de moyens pour traîner cette antiquaille avec laquelle on tira seulement quelques boulets.

Fatigué et tourmenté de tant de contrariétés, Napoléon écrivit au général en chef pour lui demander qu'il lui fit connaître ses idées générales, et qu'il lui en laissât l'exécution pour les détails de son arme. Cartaux répondit que le plan auquel il s'attachait définitivement était que l'artillerie chauffât Toulon pendant trois

jours, après quoi il le ferait attaquer par trois colonnes. A côté de cette singulière réponse, Napoléon écrivit ce qu'on devait faire pour s'emparer de Toulon, en répétant ce qu'il avait dit au conseil de guerre; il remit ce Mémoire au représentant Gasparin: c'était un homme de beaucoup d'esprit, dont il faisait grand cas et auquel il a eu des obligations pendant le siége; ce plan fut porté à Paris par un courrier extraordinaire, qui rapporta l'ordre à Cartaux de quitter sur-le-champ l'armée de siége et de se rendre à celle des Alpes. Lyon venait d'être pris; le général Doppet, qui y commandait l'armée, fut nommé pour le remplacer. Le général Lapoype, comme le plus ancien général, prit le commandement par interim. Il établit, le 15 novembre, son quartier-général à Olioules. Pendant le peu de jours qu'il commanda, il mérita l'estime de l'armée.

S VI.

L'artillerie fit construire neuf batteries de canons et de mortiers, deux de plein fouet sur deux mamelons parallèles dits des QuatreMoulins et des Sablettes, éloignés du fort Murgrave, protégeant les trois batteries des Hommes sans peur, des Braves et des Patriotes du

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midi, placées à cent toises des retranchements. du fort, mais dominées; les batteries de Brega battaient l'isthme des Sablettes et l'anse du lazaret. La canonnade était journalière; elle avait pour but de retarder les travaux que l'ennemi faisait pour donner un nouveau degré de force au Petit-Gibraltar. Les batteries assiégeantes ne tardèrent pas à acquérir la supériorité, ce qui décida les assiégés à faire une sortie pour les détruire. Ils débouchèrent, le 8 novembre, sur la batterie des Sablettes et sur la batterie des Moulins; ils furent repoussés à cette dernière, mais ils enlevèrent et enclouèrent la batterie des Sablettes. L'adjudant-général Victor, depuis duc de Bellune, qui commandait cette batterie, la reprit quelques jours après.

Le général en chef Doppet arriva au siége le 10 novembre; il était savoyard, médecin, ayant plus d'esprit que Cartaux, mais aussi ignorant dans tout ce qui tenait à l'art de la guerre; c'était un coryphée de la société des jacobins, ennemi de tout ce qui avait du talent. Peu de jours après son arrivée, une bombe mit le feu au magasin à poudre de la batterie de la Montagne. Napoléon s'y trouvait, il y courut de grands dangers, plusieurs canonniers furent tués. Se rendant le soir chez le général en chef, pour lui rendre compte de cet accident, il le

trouva verbalisant, voulant prouver que c'était des aristocrates qui avaient mis le feu à ce magasin. Le lendemain, un bataillon de la Côted'Or, de tranchée au fort Murgrave, indigné des mauvais traitements que des Espagnols faisaient endurer à un volontaire qu'ils avaient fait prisonnier, courut aux armes et marcha au fort; le régiment de Bourgogne le suivit, toute la division du général Brûlé fut entraînée; une épouvantable canonnade et une vive fusillade s'engagérent; Napoléon qui se trouvait au quartier-général, se rendit chez le général en chef, mais lui-même ignorait la raison de cet événement; ils y coururent. L'opinion du commandant d'artillerie fut que puisque le vin était tiré, il fallait le boire, qu'il en coûterait moins pour pousser l'attaque à fond que pour battre en retraite. Le général l'autorisa à se porter à la tête de l'attaque pour la diriger. Nos tirailleurs couvraient tout le promontoire, et avaient enveloppé le fort; il formait deux compagnies de grenadiers en colonne pour pénétrer par la gorge, lorsque le général en chef, ayant eu un de ses aides-de-camp tué près de lui, quoique assez loin du feu, fit battre la retraite. Les tirailleurs apercevant ce mouvement rétrograde et entendant la retraite, se découragèrent, l'at taque fut manquée. Napoléon arriva près du

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