Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

fut porté à Ceva : l'ennemi y avait laissé l'artillerie du camp, qu'il n'avait pas eu le temps d'emmener, et s'était contenté de mettre garnison dans le fort.

Ce fut un spectacle sublime que l'arrivée de l'armée sur les hauteurs de Montezemoto: de là elle découvrit les immenses et fertiles plaines du Piémont; le Pô, le Tanaro, une foule d'autres rivières serpentaient au loin; cette ceinture blanche de neige et de glace, d'une prodigieuse élévation, cernait à l'horizon ce riche bassin de la terre promise. Ces gigantesques barrières qui paraissaient les limites d'un autre monde, que la nature s'était plu à rendre si formidables, auxquelles l'art n'avait rien épargné, venaient de tomber comme par enchantement : « Anni«bal a forcé les Alpes, dit Napoléon en fixant «ses regards sur ces montagnes, nous, nous « les avons tournées! » Phrase heureuse qui ex< primait en deux mots la pensée et l'esprit de la le Tanaro; pour la campagne. L'armée passa première fois elle se trouvait en plaine, la cavalerie devenait nécessaire; le général Stengel, qui la commandait, passa la Corsaglia à Lezegno, et battit la plaine pour éclairer le Le quartier-général arriva au château de Lezegno sur la rive droite de cette rivière, près de l'endroit où elle se jette dans le Tanaro.

pays.

§ VII.

Le général Serrurier, le 20, passa le pont de Saint-Michel, pour attaquer la droite de l'armée de Colli, en même temps que Masséna passait le Tanaro pour tourner sa gauche; mais Colli, jugeant le danger de sa position, l'avait abandonnée pendant la nuit, et marchait lui-même sur sa droite pour prendre position à Mondovi. Il se trouva, par une circonstance fortuite, avec ses forces, précisément devant Saint-Michel, comme le général Serrurier débouchait du pont; il fit halte, lui opposa des forces supérieures, et le força de se replier. Serrurier se fût pourtant maintenu dans Saint-Michel, si un de ses régiments d'infanterie légère ne se fût livré au pillage. Serrurier déboucha le 22 par le pont de Torre, Masséna par celui de Saint-Michel, le général en chef par Lezegno. Ces trois colonnes se portèrent sur Mondovi : Colli y avait déjà élevé quelques redoutes et y avait pris position, sa droite à Notre-Dame-de-Vico et sa gauche à la Bicoque. Serrurier enleva la redoute de la Bicoque, et décida de la bataille de Mondovi. Cette ville et tous ses magasins tombèrent au pouvoir du vainqueur. Le général Stengel, qui s'était trop éloigné en plaine avec un millier de

chevaux, à la poursuite de l'ennemi, fut attaqué par la cavalerie piémontaise qui était brave et en très-bon état.

Il fit toutes les dispositions qu'on devait attendre d'un général consommé; il opérait sa retraite sur ses renforts, lorsque, dans une charge, il tomba blessé à mort d'un coup de pointe. Le colonel Murat, à la tête de trois régiments de cavalerie, repoussa les Piémontais, les poursuivit à son tour pendant quelques heures. Le général Stengel, alsacien, était un excellent officier de hussards; il avait servi sous Dumouriez et aux autres campagnes du Nord; il était adroit, intelligent, alerte; il réunissait les qualités de la jeunesse à celles de l'âge mur : c'était un vrai général d'avant-poste; deux ou trois jours avant sa mort, lorsqu'il était entré le premier dans Lezegno, le général en chef y arriva quelques heures après, et quelque chose dont il eût besoin, tout était prêt: les défilés, les gués avaient été reconnus, des guides étaient assurés, le curé et le maître de poste avaient été interrogés, des intelligences étaient déjà liées avec les habitants, des espions étaient envoyés dans plusieurs directions, les lettres de la poste saisies, et celles qui pouvaient donner des renseignements militaires, traduites et analysées; toutes les mesures étaient prises pour

former des magasins de subsistances pour rafraîchir les troupes; malheureusement Stengel avait la vue basse, défaut essentiel dans sa position, et qui lui fut funeste.

La perte des Piémontais fut de 3,000 hommes à cette bataille, huit pièces de canon, dix drapeaux, 1,500 prisonniers, dont trois généraux. Après la bataille de Mondovi, le général en chef marcha sur Cherasco; Serrurier se porta sur Fossano et Augereau sur Alba. Beaulieu. avait d'Acqui marché sur Nezza-della-Paglia avec la moitié de son armée, pour faire une diversion favorable aux Piémontais, mais trop tard; il se replia sur le Pô, aussitôt qu'il apprit le traité de Cherasco.

§ VIII.

Ces trois colonnes entrèrent à la fois dans Cherasco, Fossano et Alba. Le quartier-général de Colli était à Fossano; Serrurier l'en délogea. Cherasco, à l'embouchure de la Stura et du Tanaro, était une place forte, mais mal armée et point approvisionnée, parce qu'elle n'était pas frontière. Cette acquisition était importante; on ne perdit pas un moment pour la mettre en état de défense; ses magasins d'artil lerie étaient remplis de tout ce qui était néces

.

saire pour en compléter l'armement. L'armée française passa la Stura, et se porta en avant de la petite ville de Bra. La jonction de Serrurier avait permis de communiquer avec Nice par Ponte-di-Nave; il en arriva des renforts d'artillerie et tout le matériel qu'on avait pu y organiser. L'armée s'était enrichie dans tous ces combats de beaucoup de canons et de chevaux, on en leva grand nombre dans la plaine de Mondovi: peu de jours après l'entrée à Cherasco, l'artillerie put fournir soixante bouches à feu approvisionnées et bien attelées. Les soldats qui avaient été sans distributions durant les dix jours de cette campagne, en reçurent de régulières le pillage et le désordre, suite ordinaire de la rapidité des mouvements, cessèrent; on rétablit la discipline; l'armée changéa promptement de face au milieu de l'abondance et des ressources qu'offrait ce beau pays; les pertes d'ailleurs n'avaient pas été aussi grandes que l'on pourrait le croire. La rapidité des mouvements, l'impétuosité des troupes, et surtout l'art de les opposer à l'ennemi au moins en nombre égal, et souvent en nombre supérieur, joint aux succès constants qu'on avait obtenus, avaient épargné bien des hommes. D'ailleurs, ces pertes étaient réparées, les soldats arrivaient -par tous les débouchés de tous les dépôts et de

« VorigeDoorgaan »