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dièse peut-être touchera-t-il le sol; mais au lieu de vous impatienter il faut saisir cette occasion de lui expliquer si bien la règle des tons et demitons par rapport à l'octave ut, et sans distinction de touches noires et blanches, qu'il ne soit plus dans le cas de pouvoir s'y tromper.

Alors il faut lui faire parcourir le clavier de haut en bas, et de bas en haut, en lui faisant nommer les touches conformément à ce nouveau ton: vous lui ferez aussi observer que la touche blanche qu'on y emploie y devient nécessaire pour constituer le demi-ton qui doit être entre le si et l'ut d'en haut, et qui seroit sans cela entre le la et le si, ce qui est contre l'ordre de la gamme. Vous aurez soin, sur-tout, de lui faire concevoir qu'à cette clef-là le sol naturel est réellement un ut, le la un re, le si un mi, etc.; de sorte que ces noms et la position de leurs touches relatives lui deviennent aussi familiers qu'à la clef d'ut, et que, tant qu'il est à la clef de sol, il n'envisage le clavier que par cette seconde exposition.

Quand on le trouvera suffisamment exercé, on łe mettra à la clef de re avec les mêmes précautions, et on l'amènera aisément à y trouver de luimême le mi et le si sur deux touches blanches : cette troisième clef achèvera de l'éclaircir sur la situation de tous les tons de l'échelle, relativement à quelque fondamentale que ce soit; et vrai

semblablement il n'aura plus besoin d'explication pour trouver l'ordre des tons sur toutes les autres fondamentales.

Il ne sera donc plus question que de l'habitude, et il dépendra beaucoup du maître de contribuer à la former, s'il s'applique à faciliter à l'écolier la pratique de tous les intervalles par des remarques sur la position des doigts, qui lui en rendent bientôt la mécanique familière.

Après cela, de courtes explications sur le mode mineur, sur les altérations qui lui sont propres, et sur celles qui naissent de la modulation dans le cours d'une même pièce. Un écolier bien conduit par cette méthode doit savoir à fond son clavier sur tous les tons dans moins de trois mois : donnons-lui-en six, au bout desquels nous partirons de là pour le mettre à l'exécution; et je soutiens que, s'il a d'ailleurs quelque connoissance des mouvements, il jouera dès-lors à livre ouvert les airs notés par mes caractères, ceux du moins qui ne demanderont pas une grande habitude dans le doigter. Qu'il mette six autres mois à se perfectionner la main et l'oreille, soit pour l'harmonie, soit pour la mesure, et voilà dans l'espace d'un an un musicien du premier ordre, pratiquant également toutes les clefs, connoissant les modes et tous les tons, toutes les cordes qui leur sont propres, toute la suite de la modulation, et

transposant toute pièce de musique dans toutes sortes de tons avec la plus parfaite facilité.

C'est ce qui me paroît découler évidemment de la pratique de mon système, et que je suis prêt de confirmer, non seulement par des preuves de raisonnement, mais par l'expérience, aux yeux de quiconque en voudra voir l'effet.

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Au reste, ce que j'ai dit du clavecin s'applique de même à tout autre instrument, avec quelques légères différences par rapport aux instruments à manche, qui naissent des différentes altérations propres à chaque ton. Comme je n'écris ici que pour les maîtres à qui cela est connu, je n'en dirai que ce qui est absolument nécessaire pour mettre dans son jour une objection qu'on pourroit m'opposer, et pour en donner la solu

tion.

C'est un fait d'expérience que les différents tons de la musique ont tous certain caractère qui leur est propre, et qui les distingue chacun en particulier. L'A mi la majeur, par exemple, est brillant; I'F ut fa est majestueux; le si bémol majeur est tragique; le fa mineur est triste; l'ut mineur est tendre; et tous les autres tons ont de même, par préférence, je ne sais quelle aptitude à exciter tel ou tel sentiment, dont les habiles maîtres savent bien se prévaloir. Or, puisque la modulation est la même dans tous les tons majeurs,

pourquoi un ton majeur exciteroit-il une passion plutôt qu'un autre ton majeur? pourquoi le même passage du re au fa produit-il des effets différents quand il est pris sur différentes fondamentales, puisque le rapport demeure le même? pourquoi cet air joué en A mi la ne rend-il plus cette expression qu'il avoit en G re sol? Il n'est pas possible d'attribuer cette différence au changement de fondamentale, puisque, comine je l'ai dit, chacune de ces fondamentales, prise séparément, n'a rien en elle qui puisse exciter d'autre sentiment que® celui du son haut ou bas qu'elle fait entendre. Ce n'est point proprement par les sons que nous sommes touchés, c'est par les rapports qu'ils ont entre eux; et c'est uniquement par le choix de ces rapports charmants qu'une belle composition peut émouvoir le cœur en flattant l'oreille. Or, si le rapport d'un ut à un sol, ou d'un re à un la, est le même dans tous les tons, pourquoi produit-il différents effets?

Peut-être trouveroit-on des musiciens embarrassés d'en expliquer la raison; et elle seroit en effet très inexplicable, si l'on admettoit à la rigueur cette identité de rapports dans les sons exprimés par les mêmes noms et représentés par les intervalles sur tous les tons.

Mais ces rapports ont entre eux de légères différences, suivant les cordes sur lesquelles ils sont

et

pris; et ce sont ces différences, si petites en apparence, qui causent dans la musique cette variété d'expression, sensible à toute oreille délicate, sensible à tel point qu'il est peu de musicien qui, en écoutant un concert, ne connoisse en quel ton l'on exécute actuellement.

Comparons, par exemple, le C sol ut mineur et le D la re; voilà deux modes mineurs desquels tous les sons sont exprimés par les mêmes intervalles et par les mêmes noms, chacun relativement à sa tonique: cependant l'affection n'est point Ja même, et il est incontestable que le C sol ut est plus touchant que le D la re. Pour en trouver la raison, il faut entrer dans une recherche assez longue dont voici à-peu-près le résultat. L'intervalle qui se trouve entre la tonique re et sa seconde note est un peu plus petit que celui qui se trouve entre la tonique du Csol ut et sa seconde note: au.contraire, le demi-ton qui se trouve entre la seconde note et la médiante du D la re est un peu plus grand que celui qui est entre la seconde Lote et la médiante du C sol ut: de sorte que la tierce mineure restant à-peu-près égale de part et d'autre, elle est partagée dans le C sol ut en deux intervalles un peu plus inégaux que dans le D la re; ce qui rend l'intervalle du demi-ton plus petit de la même quantité dont celui du ton est plus grand.

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