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c'est

c'est qu'un ut, elle vous dira que c'est le premier ton de la gamme: demandez la même chose à un joueur d'instruments, il vous répondra que une telle touche de son violon ou de son clavecin. Ils ont tous deux raison; ils s'accordent même en un sens, et s'accorderoient tout-à-fait, si l'un ne se représentoit pas cette gamme comme mobile, et l'autre cet ut comme invariable.

Puisque l'on est convenu d'un certain son àpeu-près fixe pour y régler la portée des voix et le diapason des instruments, il faut que ce son ait nécessairement un nom, et un nom fixe comme le son qu'il exprime; donnons-lui le nom d'ut, j'y consens. Réglons ensuite sur ce nom-là tous ceux des différents sons de l'échelle générale, afin que nous puissions indiquer le rapport qu'ils ont avec lui et avec les différentes touches des instruments: j'y consens encore, et jusque-là le symphoniste a raison.

Mais ces sons auxquels nous venons de donner des noms, et ces touches qui les font entendre, sont disposés de telle manière qu'ils ont entre eux et avec la touche ut, certains rapports qui constituent proprement ce qu'on appelle ton; et ce ton, dont ut est la fondamentale, est celui que font entendre les touches noires de l'orgue et du clavecin quand on les joue dans un certain ordre, sans qu'il soit possible d'employer toutes les

mêmes touches pour quelque autre ton dont ut ne seroit pas la fondamentale, ni d'employer dans celui d'ut aucune des touches blanches du clavier, lesquelles n'ont même aucun nom propre, et en prennent de différents, s'appelant tantôt dièses et tantôt bémols, suivant les tons dans lesquels elles sont employées.

Or, quand on veut établir une autre fondamentale, il faut nécessairement faire un tel choix des sons qu'on veut employer, qu'ils aient avec elle précisément les mêmes rapports que le re, le mi, le sol, et tous les autres sons de la gamme naturelle, avoient avec l'ut. C'est le cas où le chanteur a droit de dire au symphoniste: Pourquoi ne vous servez-vous pas des mêmes noms pour exprimer les mêmes rapports? Au reste, je crois peu nécessaire de remarquer qu'il faudroit toujours déterminer la fondamentale par son nom naturel, et que c'est seulement après cette détermination qu'elle prendroit le nom d'ul.

Il est vrai qu'en affectant toujours les mêmes noms aux mêmes touches de l'instrument et aux mêmes notes de la musique, il semble d'abord qu'on établit un rapport plus direct entre cette note et cette touche, et que l'une excite plus aisément l'idée de l'autre qu'on ne feroit en cherchant toujours une égalité de rapports entre les chiffres des notes et le chiffre fondamental d'un côté, et

de l'autre entre le son fondamental et les touches de l'instrument.

On peut voir que je ne tâche pas d'énerver la force de l'objection; oserai-je me flatter à mon tour que les préjugés n'ôteront rien à celle de mes réponses?

D'abord je remarquerai que le rapport fixé par les mêmes noms entre les touches de l'instrument et les notes de la musique a bien des exceptions et des difficultés auxquelles on ne fait pas toujours assez d'attention.

Nous avons trois clefs dans la musique, et ces trois clefs ont huit positions; ainsi, suivant ces différentes positions, voilà huit touches différentes pour la même position, et huit positions pour la même touche, et pour chaque touche de l'instrument: il est certain que cette multiplication d'idées nuit à leur netteté; il y a même bien des symphonistes qui ne les possèdent jamais toutes à un certain point, quoique toutes les huit clefs soient d'usage sur plusieurs instruments.

Mais renfermons-nous dans l'examen de ce qui arrive sur une seule clef. On s'imagine que la même note doit toujours exprimer l'idée de la même touche, et cependant cela est très faux; car, par des accidents fort communs, causés par les dièses et les bémols, il arrive à tout moment, non seulement que la note si devient la touche ut, que

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la note mi devient la touche fa, et réciproquement, mais encore qu'une note diésée à la clef, et diésée par accident, monte d'un ton tout entier, qu'un fa devient un sol, un ut un re, etc.; et qu'au contraire, par un double bémol, un mi deviendra un re, un si un la, et ainsi des autres. Où en est donc la précision de nos idées? Quoi ! je vois un sol, et il faut que je touche un la! Est-ce là ce rapport si juste, si vanté, auquel on veut sacrifier celui de la modulation?

Je ne nie pas cependant qu'il n'y ait quelque chose de très ingénieux dans l'invention des accidents ajoutés à la clef pour indiquer, non pas les différents tons, car ils ne sont pas toujours connus par-là, mais les différentes altérations qu'ils causent. Ils n'expliquent pas mal la théorie des progressions; c'est dommage qu'ils fassent acheter si cher cet avantage par la peine qu'ils donnent dans la pratique du chant et des instruments. Que me sert, à moi, de savoir qu'un tel demi-ton a changé de place, et que de là on l'a transporté là pour en faire une note sensible, une quatrième ou une sixième note, si d'ailleurs je ne puis venir à bout de l'exécuter sans me donner la torture, et s'il faut que je me souvienne exactement de ces cinq dièses ou de ces cinq bémols pour les appliquer à toutes les notes que je trouverai sur les mêmes positions ou à l'octave, et cela précisément

dans le temps que l'exécution devient la plus embarrassante par la difficulté particulière de l'instrument? Mais ne nous imaginons pas que les musiciens se donnent cette peine dans la pratique; ils suivent une autre route bien plus commode, et il n'y a pas un habile homme parmi eux qui, après avoir préludé dans le ton où il doit jouer, ne fasse plus d'attention au degré du ton où il se trouve et dont il connoît la progression, qu'au dièse ou au bémol qui l'affecte.

En général, ce qu'on appelle chanter et exécuter au naturel est peut-être ce qu'il y a de plus mal imaginé dans la musique ; car si les noms des notes ont quelque utilité réelle, ce ne peut être que pour exprimer certains rapports, certaines affections déterminées dans les progessions des sons. Or, dès que le ton change, le rapport des sons et la progression changeant aussi, la raison dit qu'il faut de même changer les noms des notes en les rapportant par analogie au nouveau ton, sans quoi l'on renverse le sens des noms, et l'on ôte aux mots le seul avantage qu'ils puissent avoir, qui est d'exciter d'autres idées avec celle des sons. Le passage du mi au fa, ou du si à l'ut, excite naturellement dans l'esprit du musicien l'idée du demi-ton. Cependant, si l'on est dans le ton de si ou dans celui de mi, l'intervalle du si à l'ut ou du mi au fa est toujours d'un ton et jamais d'un

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