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NOTE DE M. PETITAIN

SUR PYGMALION.

« Cette scène, que Rousseau composa pendant son séjour à Motiers, fut représentée à Paris pour la première fois le 30 octobre 1775, et parut imprimée dans la même année chez la veuve Duchesne (in-8° de 29 pages). En tête de cette brochure est une lettre datée de Lyon, 26 novembre 1770, et signée Coignet, négociant à Lyon. Il Ꭹ raconte que cette scène fut dès ce temps-là représentée à Lyon par des acteurs de société, et qu'il en a fait la musique, à l'exception de deux morceaux, qu'il déclare être de Rousseau, savoir l'andante de l'ouverture, et le premier morceau de l'interlocution qui caractérise, avant que Pygmalion ait parlé, les coups de ciseau qu'il donne sur ses ébauches. C'est cette musique qui fut exécutée à Paris lors des premières représentations en 1775; elle y fut même gravée tant en partition qu'en parties séparées. Mais quelque temps après on la jugea beaucoup trop foible pour l'ouvrage, et M. Baudron, maintenant encore chef d'orchestre au Théâtre-François, se chargea d'y faire une musique nouvelle, dans laquelle il nous a dit lui-même avoir conservé le second des deux morceaux faits par Rousseau, et que l'on vient d'indiquer. Cette seconde musique, qui n'a point été gravée, est celle qui s'exécute maintenant à Paris, quand on y représente Pygmalion, et les directeurs de spectacle en province l'ont généralement adoptée. »

A la première représentation avec la nouvelle musique, le public, accoutumé à l'ancienne, cria du parterre; La musique de Coignet! la musique de Coignet! et l'orchestre fut obligé de la jouer. Par un hasard singulier et flatteur pour Coignet, il assistoit à cette représentation.

La musique de Pygmalion a été refaite une troisième fois en 1822 par M. Plantade, pour le Cercle des Arts, qui n'eut qu'une existence éphémère. Lafond, des François, jouoit le rôle de Pygmalion.

Voyez beaucoup de détails sur cette scène lyrique, dans l'Histoire de Rousseau, tome II, pages 444 et suivantes.

PYGMALION. GALATHÉE.

PERSONNAGES.

La scène est à Tyr.

Le théâtre représente un atelier de sculpteur. Sur les côtés on voit des blocs de marbre, des groupes, des statues ébauchées. Dans le fond est une autre statue cachée sous un pavillon d'une étoffe légère et brillante, orné de crépines et de guirlandes. Pygmalion, assis et accoudé, rêve dans l'attitude d'un homme inquiet et triste; puis, se levant tout-à-coup, il prend sur une table les outils de son art, va donner par intervalles quelques coups de ciseau sur quelques unes de ses ébauches, se recule, et regarde d'un air mécontent et découragé.

PYGMALION.

Il n'y a point là d'ame ni de vie; ce n'est que de la pierre. Je ne ferai jamais rien de tout cela.

O mon génie! où es-tu? mon talent, qu'es-tu devenu? Tout mon feu s'est éteint, mon imagination s'est glacée; le marbre sort froid de mes mains.

Pygmalion, ne fais plus des dieux, tu n'es qu'un vulgaire artiste... Vils instruments qui n'êtes plus ceux de ma gloire, allez, ne déshonorez point mes mains.

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- (Il jette avec dédain ses outils, puis se promène quelque temps en rêvant, les bras croisés.)

Que suis-je devenu? quelle étrange révolution s'est faite en moi?...

Tyr, ville opulente et superbe, les monuments des

arts dont tu brilles ne m'attirent plus, j'ai perdu le goût que je prenois à les admirer: le commerce des artistes et des philosophes me devient insipide; l'entretien des peintres et des poëtes est sans attrait pour moi; la louange et la gloire n'élèvent plus mon ame; les éloges de ceux qui en recevront de la postérité ne me touchent plus, l'amitié même a perdu pour moi ses charmes.

Et vous, jeunes objets, chefs-d'œuvre de la nature, que mon art osoit imiter, et sur les pas desquels les plaisirs m'attiroient sans cesse, vous, mes charmants modèles, qui m'embrasiez à-la-fois des feux de l'amour et du génie, depuis que je vous ai surpassés, vous m'êtes tous indifférents.

(Il s'assied, et contemple tout autour de lui.)

Retenu dans cet atelier par un charme inconcevable, je n'y sais rien faire, et je ne puis m'en éloigner. J'erre de groupe en groupe, de figure en figure; mon ciseau, foible, incertain, ne reconnoît plus son guide: ces ouvrages grossiers, restés à leur timide ébauche, ne sentent plus la main qui jadis les eût animés...

(Il se lève impétueusement.)

C'en est fait, c'en est fait ; j'ai perdu mon génie... si jeune encore, je survis à mon talent.

Mais quelle est donc cette ardeur interne qui me dévore? qu'ai-je en moi qui semble m'embraser? Quoi! dans la langueur d'un génie éteint, sent-on ces émotions, sent-on ces élans des passions impétueuses, cette inquiétude insurmontable, cette agitation se

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