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quents, c'est alors qu'il faut quitter la philosophie et redevenir musicien; et c'est justement ce que n'a fait aucun de ceux qui, jusqu'à présent, ont proposé des systèmes en ce genre. Les uns, partant quelquefois d'une théorie très fine, n'ont jamais su venir à bout de la ramener à l'usage; et les autres, n'embrassant proprement que le mécanique de leur art, n'ont pu remonter jusqu'aux grands principes qu'ils ne connoissoient pas, et d'où cependant il faut nécessairement partir pour embrasser un système lié. Le défaut de pratique dans les uns, le défaut de théorie dáns les autres, et peut-être, s'il faut le dire, le défaut de génie dans tous, ont fait que, jusqu'à présent, aucun des projets qu'on a publiés n'a remédié aux inconvénients de la musique ordinaire, en conservant ses avantages.

Ce n'est pas qu'il se trouve une grande difficulté dans l'expression des sons par les chiffres, puisqu'on pourroit toujours les représenter en nombre, ou par les degrés de leurs intervalles, ou par les rapports de leurs vibrations; mais l'embarras d'employer une certaine multitude de chiffres sans ramener les inconvénients de la musique ordinaire, et le besoin de fixer le genre et la progression des sons par rapport à tous les différents modes, demandent plus d'attention qu'il ne paroît d'abord; car la question est proprement de trou

ver une méthode générale pour représenter, avec un très petit nombre de caractères, tous les sons de la musique considérés dans chacun des vingtquatre modes.

Mais la grande difficulté où tous les inventeurs de systèmes ont échoué c'est celle de l'expression des différentes durées des silences et des sons. Trompés par les fausses règles de la musique ordinaire, ils n'ont jamais pu s'élever au-dessus de l'idée des rondes, des noires, et des croches; ils se sont rendus les esclaves de cette mécanique, ils ont adopté les mauvaises relations qu'elle établit. Ainsi, pour donner aux notes des valeurs déterminées, il a fallu inventer de nouveaux signes, introduire dans chaque note une complication de figures par rapport à la durée et par rapport au son: d'où s'ensuivant des inconvénients que n'a pas la musique ordinaire, c'est avec raison que toutes ces méthodes sont tombées dans le décri. Mais enfin les défauts de cet art n'en subsistent pas moins, pour avoir été comparés avec des défauts plus grands; et, quand on publieroit encore mille méthodes plus mauvaises, on en seroit toujours au même point de la question, et tout cela ne rendroit pas plus parfaite celle que nous pratiquons aujourd'hui.

Tout le monde, excepté les artistes, ne cesse de se plaindre de l'extrême longueur qu'exige l'étude

de la musique avant que de la posséder passablement: mais, comme la musique est une des sciences sur lesquelles on a moins réfléchi, soit que le plaisir qu'on y prend nuise au sang-froid nécessaire pour méditer, soit que ceux qui la pratiquent ne soient pas trop communément gens à réflexion, on ne s'est guère avisé jusqu'ici de rechercher les véritables causes de sa difficulté, et l'on a injustement taxé l'art même des défauts que l'artiste y avoit introduits.

On sent bien, à la vérité, que cette quantité de lignes, de clefs, de transpositions, de dièses, de bémols, de bécarres, de mesures simples et composées, de rondes, de blanches, de noires, de croches, de doubles, de triples croches, de pauses, de demi-pauses, de soupirs, de demi-soupirs, de quarts de soupirs, etc., donne une foule de signes et de combinaisons d'où résulte bien de l'embarras et bien des inconvénients. Mais quels sont précisément ces inconvénients? Naissent-ils directement de la musique elle-même, ou de la mauvaise manière de l'exprimer? Sont-ils susceptibles de corrections? et quels sont les remèdes convenables qu'on y pourroit apporter? Il est rare qu'on pousse l'examen jusque-là; et, après avoir eu la patience pendant des années entières de s'emplir la tête de sons et la mémoire de verbiage, il arrive souvent qu'on est tout étonné de ne rien

concevoir à tout cela, qu'on prend en dégoût la musique et le musicien, et qu'on laisse là l'un et l'autre, plus convaincu de l'ennuyeuse difficulté de cet art que de ses charmes si vantés.

J'entreprends de justifier la musique des torts dont on l'accuse, et de montrer qu'on peut, par des routes plus courtes et plus faciles, parvenir à la posséder plus parfaitement et avec plus d'intelligence que par la méthode ordinaire, afin que, si le public persiste à vouloir s'y tenir, il ne s'en prenne du moins qu'à lui-même des difficultés qu'il y trouvera.

Sans vouloir entrer ici dans le détail de tous les défauts du système établi, j'aurai cependant occasion de parler des plus considérables ; et il sera bon d'y remarquer toujours que ces inconvénients étant des suites nécessaires du fond même de la méthode, il est absolument impossible de les corriger autrement que par une refonte générale, telle que je la propose: il reste à examiner si mon système remédie en effet à tous ces défauts sans en introduire d'équivalents, et c'est à cet examen que ce petit ouvrage est destiné.

En général, on peut réduire tous les vices de la musique ordinaire à trois classes principales. La première est la multitude des signes et de leurs combinaisons, qui surchargent inutilement l'esprit et la mémoire des commençants; de façon

que,

l'oreille étant formée, et les organes ayant acquis toute la facilité nécessaire long-temps avant qu'on soit en état de chanter à livre ouvert, il s'ensuit que la difficulté est toute dans l'observation des règles, et nullement dans l'exécution du chant. La seconde est le défaut d'évidence dans le genre des intervalles exprimés sur la même ou sur différentes clefs; défaut d'une si grande étendue, que non seulement il est la cause principale de la lenteur du progrès des écoliers, mais encore qu'il n'est point musicien formé qui n'en soit quelquefois incommodé dans l'exécution. La troisième enfin est l'extrême diffusion des caractères et le trop grand volume qu'ils occupent : ce qui, joint à ces lignes et à ces portées si ennuyeuses à tracer, devient une source d'embarras de plus d'une espèce. Si le premier mérite des signes d'institution est d'être clairs, le second est d'être concis: quel jugement doit-on porter des notes de notre musique, à qui l'un et l'autre manquent?

Il paroît d'abord assez difficile de trouver une méthode qui puisse remédier à tous ces inconvénients à-la-fois. Comment donner plus d'évidence à nos signes, sans les augmenter en nombre? et comment les augmenter en nombre, sans les rendre d'un côté plus longs à apprendre, plus difficiles à retenir, et de l'autre plus étendus dans leur volume?

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