DORIS. Comment avec vos feux accorder votre loi? ÉGLÉ. Tu verras dès ce jour tout ce qu'Églé peut faire. DORIS. Églé, dans nos hameaux inconnue, étrangère, Avec le secours invincible De l'esprit et de la beauté. J'aperçois Hésiode. ÉGLÉ. DORIS. Accablé de tristesse, Il plaint le malheur de ses feux. ÉGLÉ. Je saurai dissiper la douleur qui le presse : Mais pour quelques instants cachons-nous à ses yeux. SCÈNE II. HÉSIODE. Églé méprise ma tendresse ; • Séduite par les chants de mes heureux rivaux, Je vais la perdre sans retour. A de frivoles chants se peut-il qu'elle donne Un prix qui n'étoit dû qu'au plus parfait amour? (On entend une symphonie douce.) Quelle douce harmonie ici se fait entendre!... Elle invite au repos... Je ne puis m'en défendre... Mes yeux appesantis laissent tarir leurs pleurs... Dans le sein du sommeil je cède à ses douceurs... SCÈNE III. ÉGLÉ; HÉSIODE, endormi. ÉGLÉ. Commencez le bonheur de ce berger fidéle, Par vos illusions charmantes, (Entrée des Songes.) UN SONGE. Songes flatteurs, Quand d'un cœur misérable Vos soins apaisent les douleurs, Douces erreurs, Du sort impitoyable Suspendez long-temps les rigueurs; Réveil, éloignez-vous : Mais quand un songe favorable Ah! que le réveil est doux! (Les Songes se retirent.) ÉGLÉ. Toi pour qui j'ai quitté mes sœurs et le Parnasse, Reçois le don des vers; qu'un nouveau feu t'anime: (Une lyre suspendue à un laurier s'élève à côté d'Hésiode.) SCÈNE IV. HÉSIODE. Où suis-je? quel réveil? quel nouveau feu m'inspire? Quel nouveau jour me luit? Tous mes sens sont surpris! (Il aperçoit la lyre. ) Mais quel prodige étonne mes esprits? (Il la touche et elle rend des sons.) Dieux! quels sons éclatants partent de cette lyre? Déja par ton secours je parle leur langage. SCÈNE V. HÉSIODE, TROupe de bergers qui s'assemblent pour la fête. CHOEUR. Que tout retentisse, A nos doux concerts! Un amant heureux. Flatteuse victoire ! Triomphe enchanteur ! L'Amour et la Gloire Suivront le vainqueur. (On danse, après quoi Hésiode s'approche pour disputer.) CHOEUR. O berger ! déposez cette lyre inutile; Voulez-vous dans nos jeux disputer en ce jour? HÉSIODE. Rien n'est impossible à l'Amour. Je n'ai point fait de l'art une étude servile, Ne s'est jamais unie aux chalumeaux. CHOEUR. Chantez, berger téméraire ; HÉSIODE Commence. Beau feu qui consumez mon ame, Inspirez à mes chants votre divine ardeur : Portez dans mon esprit cette brillante flamme Dont vous brûlez mon cœur. CHOEUR, qui interrompt Hésiode. Sa lyre efface nos musettes. Fuyons dans nos retraites. |