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Cet ouvrage est si médiocre en son genre,

et le genre en est si mauvais, que, pour comprendre comment il m'a pu plaire, il faut sentir toute la force de l'habitude et des préjugés. Nourri, dès mon enfance, dans le goût de la musique françoise et de l'espèce de poésie qui lui est propre, je prenois le bruit pour de l'harmonie, le merveilleux pour de l'intérêt, et des chansons pour un opéra.

En travaillant à celui-ci, je ne songeois qu'à me donner des paroles propres à déployer les trois caractères de musique dont j'étois occupé : dans ce dessein, je choisis Hésiode pour le genre élevé et fort, Ovide pour le tendre, Anacréon pour le gai. Ce plan n'étoit pas mauvais, si j'avois mieux su le remplir.

Cependant, quoique la musique de cette pièce ne vaille guère mieux que la poésie, on ne laisse pas d'y trouver de temps en temps des morceaux pleins de chaleur et de vie. L'ouvrage a été exécuté plusieurs fois avec assez de succès: savoir, en 1745, devant M. le duc de Richelieu, qui le destinoit pour la cour; en 1747, sur le théâtre de l'Opéra; et, en 1761, devant M. le prince de Conti. Ce fut même sur l'exécution de quelques morceaux que j'en avois fait répéter chez M. de La Popelinière, que M. Rameau, qui les entendit, conçut contre moi cette violente haine dont il n'a cessé de donner des marques jusqu'à sa mort.

L'AMOUR.

APOLLON.

LA GLOIRE.

LES MUSES.

LES GRACES.

TROUPE DE JEUX ET DE RIS.

PERSONNAGES DU BALLET.

EUTERPE, sous le nom d'ÉGLÉ.

POLYCRATE.

OVIDE.

ANACREON.

HÉSIODE.

DORIS.

ÉRITHIE.

THÉMIRE.

UN SONGE.

UN HOMME DE LA FÊTE.

TROUPES DE JEUNES SAMIENNES.

PEUPLE.

PROLOGUE.

Le théâtre représente le mont Parnasse; Apollon y paroît sur son trône, et les Muses sont assises autour de lui.

SCÈNE I.

APOLLON ET LES MUSES.

Naissez, divins esprits, naissez, fameux héros ; les beaux-arts, brillez par la victoire; Méritez d'être admis au temple de mémoire:

Brillez par

Nous réservons à votre gloire

Un prix digne de vos travaux.

APOLLON.

Muses, filles du ciel, que votre gloire est pure!

Que vos plaisirs sont doux !

Les plus beaux dons de la nature

Sont moins brillants que ceux ceux qu'on tient de vous. Sur ce paisible mont, loin du bruit et des armes, Des innocents plaisirs vous goûtez les douceurs. La fière ambition, l'amour ni ses faux charmes Ne troublent point vos cœurs.

LES MUSES.

Non, non, l'amour ni ses faux charmes
Ne troubleront jamais nos cœurs.

(On entend une symphonie brillante et douce alternativement. )

SCÈNE II.

La Gloire et l'Amour descendent du même char.

APOLLON, LES MUSES, L'AMOUR,
LA GLOIRE.

APOLLON./

Que vois-je? ô ciel! dois-je le croire?
L'Amour dans le char de la Gloire!

LA GLOIRE.

Quelle triste erreur vous séduit!

Voyez ce dieu charmant, soutien de mon empire :
Par lui l'amant triomphe, et le guerrier soupire;
Il forme les héros, et sa voix les conduit.
Il faut lui céder la victoire

Quand on veut briller à ma cour :

Rien n'est plus chéri de la Gloire

Qu'un grand cœur guidé par l'Amour.

APOLLON.

Quoi ! mes divins lauriers d'un enfant téméraire

Ceindroient le front audacieux?

L'AMOUR.

Tu méprises l'Amour, éprouve sa colère.
Aux pieds d'une beauté sévère,

Va former d'inutiles vœux.

Qu'un exemple éclatant montre aux cœurs amoureux

Que de moi seul dépend le don de plaire ;

Que les talents, l'esprit, l'ardeur sincère,

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