Je ne connois point l'art de feindre : Mais mon cœur commence à vous plaindre, Renonçons à la violence: Quand le cœur se croit outragé, A peine a-t-on puni l'offense, Qu'on sent moins le plaisir que donne la vengeance Que le regret d'être vengé. DIGIZÉ. Quand le remède est impossible, Vous regrettez les maux où vous me réduisez ; C'est quand vous les avez causés Qu'il y falloit être sensible. (Ensemble.) Amour, Amour, tes cruelles fureurs, Tes injustes caprices, Ne cesseront-ils point de tourmenter les cœurs? Tes plus chères douceurs? Nos tourments font-ils tes délices? Te nourris-tu de nos pleurs? Amour, Amour, tes cruelles fureurs, Tes injustes caprices, Ne cesseront-ils point de tourmenter les cœurs? CARIME. Quel bruit ici se fait entendre! DIGIZÉ. Du cacique en fureur les transports violents... Ciel, juste ciel, daigne le secourir! (On entend des décharges de mousqueterie qui se mêlent au bruit de l'orchestre.) (Ensemble.) Dieux! quel fracas ! quel bruit ! quels éclats de tonnerre! Le soleil irrité renverse-t-il la terre? SCÈNE III. COLOMB, suivi de quelques guerriers; DIGIZÉ, COLOMB. C'est assez. Épargnons de foibles ennemis. DIGIZÉ. Cruels! qu'avez-vous fait?... Mais, ô ciel ! c'est lui-même! SCÈNE IV. ALVAR; LE CACIQUE, désarmé; COLOMB, DIGIZÉ, CARIME. ALVAR. Je l'ai surpris qui, seul, ardent, et furieux, COLOMB. Parle, que voulois-tu dans ton audace extrême ? LE CACIQUE. Voir Digizé, t'immoler, et mourir. COLOMB. Ta barbare fierté ne peut se démentir : Mais, réponds, qu'attends-tu de ma juste colère? LE CACIQUE. Je n'attends rien de toi; va, remplis tes projets. Fils du soleil, de tes heureux succès Rends grace aux foudres de ton père, Sans ces foudres brûlants, ta troupe en ces climats COLOMB. Ainsi donc ton arrêt est dicté par toi-même. CARIME. Calmez votre colère extrême; Accordez aux remords prêts à me déchirer COLOMB. Daignent-ils recourir à la moindre prière ! LE CACIQUE. Vainement ton orgueil l'espère, Et jamais mes pareils n'ont prié que les dieux. CARIME, à Alvar. Obtenez ce bienfait si je plais à vos yeux. CARIME, ALVAR, DIGIZÉ. Excusez deux époux, deux amants trop sensibles; Tout leur crime est dans leur amour. Ah! si vous aimiez un jour, Voudriez-vous à votre tour Ne rencontrer que des cœurs inflexibles? ÉCRITS SUR LA MUSIQUE, 26 CARIME. Ne vous rendrez-vous point? COLOMB. Allez, je suis vaincu. Cacique malheureux, remonte sur ton trône. (On lui rend son épée. ) Reçois mon amitié, c'est un bien qui t'est dû. Moins à leurs pleurs qu'à ta vertu. (à Carime.) Pour ces tristes climats la vôtre n'est pas née. Sensible aux feux d'Alvar, daignez les couronner. Venez montrer l'exemple à l'Espagne étonnée, Quand on pourroit punir, de savoir pardonner. LE CACIQUE. C'est toi qui viens de le donner; Tu me rends Digizé, tu m'as vaincu par elle. Sois sûr, dès cet instant, que tu n'auras jamais COLOMB. Je te veux pour ami, sois sujet d'Isabelle. O vous que des deux bouts du monde Le destin rassemble en ces lieux! |