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sera le critique toutes les fois qu'il aura raison; mais je serai contraint d'être un peu sobre sur l'usage de ce dernier nom.

Qu'un commentateur soit obscur, diffus, languissant, c'est le droit du métier; mais il y a pourtant un certain point qu'il ne doit pas excéder. On ne sauroit permettre à Matanasius même de citer, à propos de l'ariette, et Mainard, qui s'aperçut le premier que le troisième vers devoit avoir un sens fini ou repos dans la stance; et la Sophonisbe du Trissino, modèle des trois unités; et Maigret, qui le premier introduisit cette règle des trois unités dans la tragédie, et qui par conséquent en instruisit Sophocle, Euripide, et Sénéque; et le fameux Bernachi, dont ni vous, ni moi, ni bien d'autres n'avons entendu parler; ce qui ne doit pourtant pas vous surprendre; il y a comme cela tant de ces gens fameux que personne ne connoît, et qui passent leur vie à se célébrer les uns les autres, sans se faire connoître davantage! Quoi qu'il en soit, voilà les raisons claires pourquoi l'ariette italienne n'est point réduite à folâtrer éternellement comme la françoise autour d'un lance, vole, chaîne, ramage, raisons que le compère vous reproche de n'avoir pas dites et qu'il la bonté de dire à votre place.

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Le compère prétend que parceque le genre bouffon est connu en Italie, il n'est pas vrai que

M. Rameau en soit le créateur en France: cela est extrêmement plaisant; car s'il n'eût point existé de genre bouffon en Italie, il eût été fort ridicule de dire que M. Rameau en avoit créé un en France. Je n'examine point si le genre bouffon existe réellement dans la musique françoise. Ce que je sais très bien, c'est qu'il doit nécessairement être autre que le genre bouffon de la musique italienne : une oie grasse ne vole point comme une hirondelle. A l'égard de la musique de Platée, que le critique vous reproche d'avoir traitée de sublime, appelez-la divine, s'il l'aime mieux, mais ne vous repentez jamais de l'avoir regardée comme le chef-d'œuvre de M. Rameau, et le plus excellent morceau de musique qui jusqu'ici ait été entendu sur notre théâtre. Il faudra, je l'avoue, vous passer de l'approbation de tous ceux qui n'ont point d'autres moyens pour apprécier un ouvrage que de compter les voix qui l'ont applaudi; mais vous n'en êtes pas à prendre votre parti sur cela.

Je voudrois demander à ce grand homme, qui prend la peine d'assigner les bornes du sublime, quelle épithète il donneroit à la première scène du Tartufe, sur-tout aux deux derniers vers,

Allons, gaupe, marchons, etc.

et à ces autres vers de la même pièce,

C'en est fait; je renonce à tous les gens de bien, etc.

Priez-le de vouloir décider si c'est là du sublime ou non. On lui en pourroit demander autant de la musique de la Serva padrona; mais il n'en a peut-être jamais entendu parler.

Le compère, qui prend la liberté de vous dire qu'Adolfati est mal placé dans votre citation de Pergolèse et de Buranello, trouvera bon que nous prenions la liberté de lui demander des raisons, ou du moins des raisonnements, à lui qui ne veut passer aux autres que des propositions démontrées. Il peut n'avoir aucune connoissance des chefs-d'œuvre de cet auteur: mais l'ignorance n'excuse point un homme d'avoir mal dit, elle l'oblige seulement à se taire, sur-tout quand il est question de condamner publiquement un auteur vivant dont la carrière n'est que commencée. Il est vrai que cet Adolfati, qui n'a pas l'honneur d'agréer au compère, méprise très cordialement les musiciens françois, mais il faut un peu le lui pardonner; le pauvre diable a passé par le bec de

l'oie.

Il falloit absolument substituer Hasse à la place d'Adolfati, et cela par quatre raisons sans réplique l'une, que Hasse est votre compatriote ; l'autre, qu'à l'âge de quarante-huit ans il avoit fait cinquante-quatre opéra; la troisième, qu'il est le seul étranger dont les Italiens exécutent la musique.

O le méchant Boileau de n'avoir pas encensé M. de Scudéri, M. le gouverneur de notre Damede-la-Garde, qui étoit son compatriote et son contemporain, qui faisoit tant de livres, et qui enchantoit tant d'honnêtes lecteurs! Et ce coupable philosophe, qui a osé admirer ses compatriotes, n'auroit-il point par malheur oublié le compère? Aussi n'a-t-il pas l'honneur d'être son philosophe, mais le vôtre; et je me serois bien douté que vous n'aviez pas tous deux les mêmes philosophes non plus que les mêmes dieux. Hasse est le seul étranger dont les Italiens adoptent la musique. Le compère, en citant Terradeglias, a donc oublié qu'il est Espagnol. Hasse est admiré par les Italiens; les Italiens admirent bien l'Arioste'.

Et la quatrième raison! demandera le compère. Il sera bien fâché de l'avoir oubliée. C'est que votre nom commençant par un G, et ceux de Hasse et de Haendel par un H, la proximité des lettres initiales étoit pour vous une obligation de nommer ces deux auteurs. Je vous demande par

Je ne prétends point ici dire du mal de Hasse, qui réellement a beaucoup de mérite, de talent, et une fécondité prodigieuse, quoique très éloigné, selon moi, d'être l'égal de Pergolèse. J'examine seulement les raisons sur lesquelles le compère s'ingère de prescrire à M. Grimm les auteurs qu'il doit nommer, et ceux qu'il doit rejeter. Lequel des deux est le plus répréhensible, celui qui ne dit rien de Hasse, ou celui qui parle mal d'Adolfati?

don d'avoir fourni cette arme contre vous; mais, à l'imitation du commentateur, je me réserve aussi le droit d'être compère.

Le commentateur s'étend sur l'éloge de Pagin et de son illustre maître, et nous y applaudissons vous et moi de très bon cœur. Il voudroit que vous eussiez dit jusqu'à quel point la nation ingrate envers un talent si sublime a osé l'humilier publiquement. Il falloit dire, s'humilier publiquement. Midas n'humilia point Apollon, et un cygne peut être hué par des oies sans être humilié.

Je veux être équitable, monsieur, et je ne suis pas moins prêt à donner à l'auteur des Remarques les éloges qui lui sont dus, qu'à lui proposer mes doutes. Par exemple, vous avez dit que le goût des arts étoit général en France, et il l'est beaucoup trop assurément. L'imbécile multitude des prétendus connoisseurs sans lumières engendre l'avide et méprisable multitude des artistes sans talent, et le génie demeure étouffé dans la foule des sots. Vous avez dit encore qu'en fait de goût la cour donne à la nation des modes, et les philosophes des lois. Le compère vous répond à cela par les magots de la Chine. Les vases de fragile porcelaine, les papiers des Indes, les estampes enluminées; voilà, selon lui, les lois données par les philosophes: quant aux modes que nous tenons de la cour, il n'en parle point. Vous dites

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