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genre des signes que la manière de les employer qui constitue la différence en fait de systèmes : autrement il faudroit dire, par exemple, que l'algébré et la langue françoise ne sont que la même chose, parcequ'on s'y sert également des lettres de l'alphabet. Mais cette réflexion ne sera pas probablement celle qui l'emportera; et il paroît si heureux, par une seule objection, de m'ôter à-la-fois le mérite de l'invention, et de mettre sur mon compte les vices des autres systèmes, qu'il est des gens capables d'adopter cette critique uniquement à raison de sa commodité.

Quoiqu'un pareil reproche ne me fût pas tout-à-fait indifférent, j'y serois bien moins sensible qu'à ceux qui pourroient tomber directement sur mon système. Il importe beaucoup plus de savoir s'il est avantageux, que d'en bien connoître l'auteur; et quand on me refuseroit l'honneur de l'invention, je serois moins touché, de cette injustice que du plaisir de le voir utile au public. La seule grace que j'ai droit de lui demander, et que peu de gens m'accorderont, c'est de vouloir bien n'en juger qu'après avoir lu mon ouvrage et ceux qu'on m'accuseroit d'avoir copiés.

J'avois d'abord résolu de ne donner ici qu'un plan très abrégé, et tel à-peu-près qu'il étoit contenu dans le mémoire que j'eus l'honneur de lire à l'Académie royale des Sciences, le 22 août 1742. J'ai réfléchi cependant qu'il falloit parler au public autrement qu'on ne parle à une académie, et qu'il y avoit bien des objections de toute espèce à prévenir. Pour répondre donc à celles que j'ai pu prévoir, il a fallu faire quelques additions qui ont mis mon ouvrage en l'état où

ÉCRITS SUR LA MUSIQUE.

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le voilà. J'attendrai l'approbation du public pour en donner un autre, qui contiendra les principes absolus de ma méthode tels qu'ils doivent être enseignés aux écoliers. J'y traiterai d'une nouvelle manière de chiffrer l'accompagnement de l'orgue et du clavecin entièrement différente de tout ce qui a paru jusqu'ici dans ce genre, et telle qu'avec quatre signes seulement je chiffre toutes sortes de basses continues de manière à rendre la modulation etl a basse fondamentale toujours parfaitement connues de l'accompagnateur, sans qu'il lui soit possible de s'y tromper. Suivant cette méthode, on peut, sans voir la basse figurée, accompagner très juste par les chiffres seuls, qui, au lieu d'avoir rapport à cette basse figurée, l'ont directement à la fondamentale. Mais ce n'est pas ici le lieu d'en dire davantage sur cet article.

DISSERTATION

SUR

LA MUSIQUE MODERNE.

Immutat animus ad pristina.

LUCR.

Il paroît étonnant que les signes de la musique étant restés aussi long-temps dans l'état d'imperfection où nous les voyons encore aujourd'hui, la difficulté de l'apprendre n'ait pas averti le public que c'étoit la faute des caractères et non pas celle de l'art, ou que, s'en étant aperçu, on n'ait pas daigné y remédier. Il est vrai qu'on a donné souvent des projets en ce genre; mais, de tous ces projets, qui, sans avoir les avantages de la musique ordinaire, en avoient les inconvénients, aucun que je sache n'a jusqu'ici touché le but, soit qu'une pratique trop superficielle ait fait échouer ceux qui l'ont voulu considérer théoriquement, soit que le génie étroit et borné des musiciens ordinaires les ait empêchés d'embrasser un plan général et raisonné, et de sentir les vrais défauts de leur art, de la perfection actuelle duquel ils sont, pour l'ordinaire, très entêtés.

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La musique a eu le sort des arts qui ne se perfectionnent que successivement: les inventeurs de ses caractères n'ont songé qu'à l'état où elle se trouvoit de leur temps, sans prévoir celui où elle pourroit parvenir dans la suite. Il est arrivé de là que leur système s'est bientôt trouvé défectueux, et d'autant plus défectueux, que l'art s'est plus perfectionné à mesure qu'on avançoit, on établissoit des règles pour remédier aux inconvénients présents, et pour multiplier une expression trop bornée, qui ne pouvoit suffire aux nouvelles combinaisons dont on la chargeoit tous les jours. En un mot, les inventeurs en ce genre, comme le dit M. Sauveur, n'ayant eu en vue que quelques propriétés des sons, et sur-tout la pratique du chant qui étoit en usage de leur temps, ils se sont contentés de faire, par rapport à cela, des systèmes de musique que d'autres ont peu à peu changés, à mesure que le goût de la musique changeoit. Or, il n'est pas possible qu'un système, fût-il d'ailleurs le meilleur du monde dans son origine, ne se charge à la fin d'embarras et de difficultés, par les changements qu'on y fait et les chevilles qu'on y ajoute; et cela ne sauroit jamais faire qu'un tout fort embrouillé et fort mal assorti.

C'est le cas de la méthode que nous pratiquons aujourd'hui dans la musique, en exceptant cependant la simplicité du principe, qui ne s'y est

jamais rencontré comme le fondement en est absolument mauvais, on ne l'a pas proprement gâté, on n'a fait que le rendre pire par les additions qu'on a été contraint d'y faire.

⚫ Il n'est pas aisé de savoir précisément en quel état étoit la musique quand Gui d'Arezze' s'avisa de supprimer tous les caractères qu'on y employoit, pour leur substituer les notes qui sont en usage aujourd'hui. Ce qu'il y a de vraisemblable c'est que ces premiers caractères étoient les mêmes avec lesquels les anciens Grecs exprimoient cette musique merveilleuse, de laquelle, quoi qu'on en dise, la nôtre n'approchera jamais quant à ses effets; et ce qu'il y a de sûr c'est que Gui rendit un fort mauvais service à la musique, et qu'il est fâcheux pour nous qu'il n'ait pas trouvé en son chemin des musiciens aussi indociles que ceux d'aujourd'hui.

Il n'est pas douteux que les lettres de l'alphabet des Grecs ne fussent en même temps les caractères de leur musique et les chiffres de leur arithmétique: de sorte qu'ils n'avoient besoin que d'une seule espèce de signes, en tout au nombre de vingt-quatre, pour exprimer toutes les variations du discours, tous les rapports des nombres,

'Soit Gui d'Arezze, soit Jean de Mure, le nom de l'auteur ne fait rien au système ; et je ne parle du premier que parcequ'il est plus

connu.

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