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étude réfléchie de l'art. Vous n'auriez pas besoin maintenant de mes analyses, si vous aviez un peu plus médité sur les réflexions que nous faisions jadis quand je vous dictois notre dictionnaire. Mais, avec un naturel très vif, vous avez un esprit d'une lenteur inconcevable. Vous ne saisissez aucune idée que long-temps après qu'elle s'est présentée à vous, et vous ne voyez aujourd'hui que ce que vous avez regardé hier. Croyez-moi, mon cher prête-nom, ne nous brouillons jamais ensemble, car sans moi vous êtes nul. Je suis complaisant, vous le savez; je ne me refuse jamais au travail que vous desirez, quand vous vous donnez la peine de m'appeler et le temps de m'attendre: mais ne tentez jamais rien sans moi dans aucun genre; ne vous mêlez jamais de l'impromptu en quoi que ce soit, si vous ne voulez gâter en un instant, par votre ineptie, tout ce que j'ai fait jusqu'ici pour vous donner l'air d'un homme pensant.

SUR

LA MUSIQUE MILITAIRE.

Le luxe de musique qu'on étale aujourd'hui dans celle des régiments me paroît de mauvais `goût. Je n'en trouve l'effet ni guerrier, ni grave, ni gai, ni sonore; et toutes ces marches, plutôt barbouillées que travaillées, produisent toujours une mauvaise exécution, moins par la faute des musiciens que par celle de la musique.

Il y avoit une distinction à faire, et qu'on n'a pas faite, entre les musiques convenables à la troupe en parade et celles qui lui conviennent en marchant, et qui sont proprement des marches. On joue alors des airs qui, n'ayant aucun rapport à la batterie des tambours, sont plus propres à troubler et interrompre la cadence du pas des sol

dats qu'à la soutenir.

Les autres symphonies sont faites pour tout le corps, et doivent plaire aux officiers: celles-ci sont plus faites pour les soldats, qu'il s'agit d'animer et de récréer en marchant, et qui aimeroient mieux des airs gais et bien cadencés qu'ils pussent retenir et y faire des chansons, que toutes

ces musiques de haut appareil qui ne les égaient point du tout, et auxquelles ils n'entendent rien.

Je trouve encore qu'on a eu grand tort de supprimer les fifres, qui, perçant à travers les tambours, égaient beaucoup la marche. Il est vrai qu'ils étoient détestables et multipliés très mal-àpropos dans les troupes françoises: un seul eût suffi dans la colonelle de chaque régiment; et alors on eût pu, sans grands frais, en choisir ou former un bon, comme j'en ai entendu d'excellents dans les troupes étrangères.

J'ai essayé de mettre mon idée en exemple dans le croquis ci-joint d'une marche adaptée à la batterie des gardes françoises.

Cette idée est que, dans l'alternation des tambours et de la musique, la cadence et la batterie ne soient point interrompues, et que le pas du soldat soit toujours également réglé. Elle est encore de lui faire entendre des airs d'une mélodie si simple qu'elle l'amuse, l'égaie, et l'excite luimême à chanter; ce qui peut-être n'est pas à négliger pour un état si plein de fatigue et de

misères.

J'ai fait deux petits airs de la plus grande simplicité; l'un en mineur pour le fifre, l'autre en majeur pour la musique. Ces deux airs doivent se succéder alternativement, sans interruption de la mesure; mais, pour laisser plus de repos

aux musiciens et plus de temps aux tambours, l'air du fifre sera répété au moins deux fois de suite avant que la musique reprenne le sien. Le fifre doit être seul parmi les tambours qui sont proche des instruments, et il doit y avoir parmi les instruments un seul tambour qui reprenne doucement la batterie sous la musique, de manière qu'il la guide et ne la couvre pas. Au moyen de ce tambour on ôteroit cette ferraille de cymbales qui fait un très mauvais effet.

Il seroit à desirer que les tambours fussent accordés sur la tonique sol, et que celui de la musique fût accordé sur la dominante re. Alors l'alternation de la batterie feroit un effet plus agréable, et la musique en sortiroit mieux. Pour le fifre, il doit nécessairement être d'accord avec les autres instruments.

L'auteur de ces petits airs ne présume pas qu'une musique aussi simple puisse être goûtée, quoique sa passion pour cet art l'engage à les proposer: si néanmoins on en vouloit faire l'essai, il avertit que cet essai ne doit pas être fait en place comme celui d'une symphonie ordinaire, mais en marchant, et dans la disposition qu'il vient de marquer. Ce n'est même qu'après une assez longue suite d'alternations qu'on peut juger si la marche est bien faite et produit bien son effet.

AIRS

POUR ÊTRE JOUÉS, LA TROUPE MARCHANT.

Savoir : le mineur, par un seul fifre, avec le corps des tambours accordés, s'il se peut, au sol.

Et le majeur, alternativement par la musique avec un seul tambour, battant à demi, et accordé, s'il se peut, au re. On aura soin que, dans les alternations du fifre et de la musique, la mesure ne s'interrompe jamais.

NOTA. Les airs sont faits de manière à pouvoir être un peu pressés ou ralentis sans les défigurer, selon qu'on veut marcher plus ou moins vite; mais leur meilleur effet sera sur un mouvement modéré, et sans trop presser le pas.

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