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L'ouverture, d'un seul morceau, d'une belle et simple ordonnance, y est bien et régulièrement dessinée : l'auteur a eu l'intention d'y préparer les spectateurs à la tristesse où il alloit les plonger dès le commencement du premier acte et dans tout le cours de la pièce; et pour cela il a modulé son ouverture presque tout entière en mode mineur, et même avec affectation, puisqu'il n'y a dans tout ce morceau, qui est assez long, que la première accolade de la page 4 et la première accolade relative de la page 9 qui soient en majeur. Il a d'ailleurs affecté les dissonances superflues et diminuées, et des sons soutenus et forcés dans le haut, pour exprimer les gémissements et les plaintes. Tout cela est bon et bien entendu en soi, puisque l'ouverture ne doit être employée qu'à disposer le cœur du spectateur au genre d'intérêt par lequel on va l'émouvoir. Mais il en résulte trois inconvénients: le premier, l'emploi d'un genre d'harmonie trop peu sonore pour une ouverture destinée à éveiller le spectateur, en remplissant son oreille et le préparant à l'attention; l'autre, d'anticiper sur ce même genre d'harmonie qu'on sera forcé d'employer si long-temps, et qu'il faut par conséquent ménager très sobrement pour prévenir la satiété; et le troisième, d'anticiper aussi sur l'ordre des temps, en nous exprimant d'avance une douleur qui n'est pas encore sur la scène, et

qu'y va seulement faire naître l'annonce du héraut public: et je ne crois pas qu'on doive marquer dans un ordre rétrograde ce qui est à venir comme déja passé. Pour remédier à tout cela, j'aurois imaginé de composer l'ouverture de deux morceaux de caractères différents, mais tous deux traités dans une harmonie sonore et consonnante: le premier, portant dans les cœurs le sentiment d'une douce et tendre gaieté, eût représenté la félicité du règne d'Admète et les charmes de l'union conjugale; le second, dans une mesure plus coupée, et par des mouvements plus vifs et un phrasé plus interrompu, eût exprimé l'inquiétude du peuple sur la maladie d'Admète, et eût servi d'introduction très naturelle au début de la pièce et à l'annonce du crieur. .

Page 12. Après les deux mots qui suivent ce mot Udite, je ferois cesser l'accompagnement jusqu'à la fin du récitatif. Cela exprimeroit mieux le silence du peuple écoutant le crieur; et les spectateurs, curieux de bien entendre cette annonce n'ont pas besoin de cet accompagnement; la basse suffit toute seule, et l'entrée du cœur qui suit en feroit plus d'effet encore. Ce chœur alternatif avec les petits solo d'Évandre et d'Isméne me paroît un très beau début et d'un bon caractère. La ritournelle de quatre mesures qui s'y reprend plusieurs

fois est triste sans être sombré, et d'une simplicité exquise. Tout ce chœur seroit d'un très bon ton, s'il ne s'y mêloit souvent, et dès la seconde mesure, des expressions trop pathétiques. Je n'aime guère non plus le coup de tonnerre de la page 14; c'est un trait joué sur le mot, et qui me paroît déplacé: mais j'aime fort la manière dont le même chœur, repris page 34, s'anime ensuite à l'idée du malheur prêt à le foudroyer.

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E vuoi morire, omisera. Cette lugubre psalmodie est d'une simplicité sublime, et doit produire un grand effet. Mais la même tenue, répétée de la même manière sur ces autres paroles, Altro non puoi raccogliere, me paroît froide et presque plate. Il est naturel à la voix de s'élever un peu quand on parle plusieurs fois de suite à la même personne: si l'on eût donc fait monter la seconde fois cette même psalmodie seulement d'un semi-ton sur dis, c'est-à-dire sur mi bémol, cela eût pu suffire pour la rendre plus naturelle et même plus énergique: mais je crois qu'il falloit un peu la varier de quelque manière. Au reste, il y a dans la huitième et dans la dixième mesure un triton qui n'est ni ne peut être sauvé, quoiqu'il paroisse l'être la deuxième fois par le second violon; cela produit une succession d'accords qui n'ont pas un bon fondement et sont contre les règles. Je sais qu'on

peut tout faire sur une tenue, sur-tout en pareil cas; et ce n'est pas que je désapprouve le passage, quoique j'en marque l'irrégularité.

(Fin d'une observation sur le chœur Fuggiamo, dont le commencement est perdu.)

Ce ne doit pas être une fuite de précipitation, comme devant l'ennemi, mais une fuite de consternation, qui, pour ainsi dire, doit être honteuse et clandestine, plutôt qu'éclatante et rapide, Si l'auteur eût voulu faire de la fin de ce chœur une exhortation à la joie, il n'eût pas pu mieux

réussir.

Après le choeur Fuggiamo, j'aurois fait taire entièrement tout l'orchestre et déclamer le récitatif Ove son avec la simple basse. Mais immédiatement après ces mots, V'è chi t'ama a tal segno, j'aurois fait commencer un récitatif obligé par une symphonie noble, éclatante, sublime, qui annonçât dignement le parti que va prendre Alceste, qui disposât l'auditeur à sentir toute l'énergie de ces mots, Ah! vi son io, trop peu annoncés par les deux mesures qui précédent. Cette symphonie auroit offert l'image de ces deux vers: Chi tolle alla mia mente luminare, si mostra; la grande idée eût été soutenue avec le même éclat durant toutes les ritournelles de ce récitatif. J'aurois traité l'air qui

suit, Ombre, larve, sur deux mouvements contras tés; savoir, un allegro sombre et terrible jusqu'à ces mots, Non voglio pietà, et un adagio ou largo plein de tristesse et de douceur sur ceux-ci, Se vi tolgo l'amato consorte. M. Gluck, qui n'aime pas les rondeaux, me permettra de lui dire que c'étoit ici le cas d'en employer un bien heureusement, en faisant du reste de ce monologue la seconde partie de l'air, et reprenant seulement l'allegro pour finir.

L'air Eterni Dei me paroît d'une grande beauté: j'aurois desiré seulement qu'on n'eût pas été obligé d'en varier les expressions par des mesures différentes. Deux, quand elles sont nécessaires, peuvent former des contrastes agréables; mais trois, c'est trop, et cela rompt l'unité. Les oppositions sont bien plus helles et font plus d'effet quand elles se font sans changer de mesure, et par les seules combinaisons de valeur et de quantité. La raison pourquoi il vaut mieux contraster sur le même mouvement que d'en changer est que, pour produire l'illusion et l'intérêt, il faut cacher l'art autant qu'il est possible, et qu'aussitôt qu'on change le mouvement l'art se décèle et se fait sentir. Par la même raison je voudrois que, dans un même air, l'on changeât de ton le moins qu'il est possible; qu'on se contentât autant qu'on pourroit des deux seules cadences, principale et

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