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vements vites; en sorte qu'il arrive quelquefois dans un concerto que le symphoniste se trompe de portée, et que l'exécution est arrêtée.

J'ai pensé qu'on pourroit remédier à cet inconvénient et rendre la musique plus commode et moins fatigante à lire, en renouvelant pour elle la méthode d'écrire par sillons pratiqués par les anciens Grecs, et cela d'autant plus heureusement que cette méthode n'a pas pour la musique la même difficulté que pour l'écriture; car la note est également facile à lire dans les deux sens, et l'on n'a pas plus de peine, par exemple, à lire le plain-chant des Juifs comme vous l'avez noté, que s'il étoit noté de gauche à droite comme le nôtre. C'est un fait d'expérience que chacun peut vérifier sur-le-champ, que qui chante à livre ouvert de gauche à droite chantera de même à livre ouvert de droite à gauche, sans s'y être aucunement préparé. Ainsi point d'embarras pour la pratique.

Pour m'assurer de cette méthode par l'expérience, prévoir toutes les objections, et lever toutes les difficultés, j'ai écrit de cette manière beaucoup de musique tant vocale qu'instrumentale, tant en parties séparées qu'en partition, m'attachant toujours à cette constante règle, de disposer tellement la succession des lignes et des pages, que l'œil n'eût jamais de saut à faire ni de

droite à gauche ni de bas en haut, mais qu'il recommençât toujours la ligne ou la page suivante, même en tournant, du lieu même où finit la précédente; ce qui fait procéder alternativement la moitié de mes pages de bas en haut, comme la moitié de mes lignes de gauche à droite.

Je ne parlerai point des avantages de cette manière d'écrire la musique; il suffit d'exécuter une sonate notée de cette façon pour les sentir. A l'égard des objections, je n'en ai pu trouver qu'une seule, et seulement pour la musique vocale; c'est la difficulté de lire les paroles écrites à rebours, difficulté qui revient de deux en deux lignes : et j'avoue que je ne vois nul autre moyen de la vaincre, que de s'exercer quelques jours à lire et écrire de cette façon, comme font les imprimeurs, habitude qui se contracte très promptement. Mais quand on ne voudroit pas vaincre ce léger obstacle pour les parties de chant, les avantages resteroient toujours tout entiers sans aucun inconvénient pour les parties instrumentales et pour toute espèce de symphonies; et certainement, dans l'exécution d'une sonate ou d'un concerto, ces avantages sauveront toujours beaucoup de fatigue aux concertants et sur-tout à l'instrument principal.

3o Les deux façons de noter dont je viens de vous parler ayant chacune ses avantages, j'ai ima

ÉCRITS SUR LA MUSIQUE.

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giné de les réunir dans une note combinée des deux, afin sur-tout d'épargner de la place et d'avoir à tourner moins souvent. Pour cela, je note en musique ordinaire, mais à la grecque, c'est-àdire en sillons, les parties chantantes et obligées; et quant à la basse, qui procède ordinairement par notes plus simples et moins figurées, je la note de même en sillons, mais par chiffres, dans les entre-lignes qui séparent les portées. De cette manière chaque accolade a une portée de moins, qui est celle de la basse; et comme cette basse est écrite à la place où l'on met ordinairement les paroles, j'écris ces paroles au-dessus du chant, au lieu de les mettre au-dessous, ce qui est indifférent en soi, et empêche que les chiffres de la basse ne se confondent avec l'écriture. Quand il n'y a que deux parties, cette manière de noter épargne la moitié de la place.

4° Si j'avois été à portée de conférer avec vous avant la publication de votre premier volume, où vous donnez l'histoire de la musique ancienne, je vous aurois proposé, monsieur, d'y discuter quelques points concernant la musique des Grecs, desquels l'éclaircissement me paroît devoir jeter de grandes lumières sur la nature de cette musique, tant jugée et si peu connue ; points qui néanmoins n'ont jamais excité de question chez nos érudits, parcequ'ils ne se sont pas même avisés d'y penser.

Je ne renouvelle point, parmi ces questions, celle qui regarde notre harmonie, demandant si elle a été connue et pratiquée des Grecs, parceque cette question me paroît n'en pouvoir faire une pour quiconque a quelque notion de l'art, et de ce qui nous reste, sur cette matière, dans les auteurs grecs; il faut laisser chamailler là-dessus les érudits, et se contenter de rire. Vous avez mis, sous l'air antique d'une ode de Pindare, une fort bonne basse; mais je suis très sûr qu'il n'y avoit pas une oreille grecque que cette basse n'eût écorchée au point de ne la pouvoir endurer.

Mais j'oserois demander, 1o si la poésie grecque étoit susceptible d'être chantée de plusieurs manières, s'il étoit possible de faire plusieurs airs différents sur les mêmes paroles, et s'il y a quelque exemple que cela ait été pratiqué. 2o Quelle étoit la distinction caractéristique de la poésie lyrique, ou accompagnée, d'avec la poésie purement oratoire? Cette distinction ne consistoit-elle que dans le métre et dans le style, ou consistoit-elle aussi dans le ton de la récitation? N'y avoit-il rien de chanté dans la poésie qui n'étoit pas lyrique, et y avoit-il quelque cas où l'on pratiquât, comme parmi nous, le rhythme cadencé sans aucune mélodie? Qu'est-ce que c'étoit proprement que musique instrumentale des Grecs? Avoient-ils des symphonies proprement dites, composées sans

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aucunes paroles? Ils jouoient des airs qu'on ne chantoit pas, je sais cela; mais n'y avoit-il pas originairement des paroles sur tous ces airs? et y en avoit-il quelqu'un qui n'eût point été chanté ni fait pour l'être. Vous sentez que cette question seroit bien ridicule si celui qui la fait croyoit qu'ils eussent des accompagnements semblables aux nôtres, qui eussent fait des parties différentes de la vocale; car, en pareil cas, ces accompagnements auroient fait de la musique purement instrumentale. Il est vrai que leur note étoit différente pour les intruments et pour les voix; mais cela n'empêchoit pas, selon moi, que l'air noté des deux façons ne fût le même.

J'ignore si ces questions sont superficielles ; mais je sais qu'elles ne sont pas oiseuses. Elles tiennent toutes par quelque côté à d'autres questions intéressantes: comme de savoir s'il n'y a qu'une musique, comme le prononcent magistralement nos docteurs, ou si peut-être, comme moi et quelques autres esprits vulgaires avons osé le penser, il y a essentiellement et nécessairement une musique propre à chaque langue, excepté pour les langues qui, n'ayant point d'accent et ne pouvant avoir de musique à elles, se servent comme elles peuvent de celle d'autrui, prétendant, à cause de cela, que ces musiques étrangères, qu'elles usurpent au préjudice de nos

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