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AVERTISSEMENT.

Je jetai cet écrit sur le papier en 1755, lorsque parut la brochure de M. RAMEAU, et après avoir déclaré publiquement, sur la grande querelle que j'avois eue à soutenir, que je ne répondrois plus à mes adversaires, Content même d'avoir fait note de mes observations sur l'écrit de M. RAMEAU, je ne les publiai point; et je ne les joins maintenant ici que parcequ'elles servent à l'éclaircissement de quelques articles de mon Dictionnaire, où la forme de l'ouvrage ne me permettoit pas d'entrer dans de plus longues discussions.

EXAMEN

DE DEUX PRINCIPES

AVANCÉS PAR M. RAMEAU,

Dans sa brochure intitulée, ERREURS SUR LA MUSIQUE, dans l'Encyclopédie.

C'est toujours avec plaisir que je vois paroître de nouveaux écrits de M. Rameau. De quelque manière qu'ils soient accueillis du public, ils sont précieux aux amateurs de l'art, et je me fais honneur d'être de ceux qui tâchent d'en profiter. Quand cet illustre artiste relève mes fautes, il m'instruit, il m'honore, je lui dois des remerciements; et comme, en renonçant aux querelles qui peuvent troubler ma tranquillité, je ne m'interdis point celles de pur amusement, je discuterai par occasion quelques points qu'il décide, bien sûr d'avoir toujours fait une chose utile, s'il en peut résulter de sa part de nouveaux éclaircissements. C'est même entrer en cela dans les vues de ce grand musicien, qui dit qu'on ne peut contester les propositions qu'il avance, que pour lui fournir les moyens de les mettre dans un plus grand jour : d'où je conclus qu'il est bon qu'on les conteste.

Je suis au reste fort éloigné de vouloir défendre mes articles de l'Encyclopédie: personne à la vérité n'en devroit être plus content que M. Rameau qui les attaque; mais personne au monde n'en est plus mécontent que moi. Cependant, quand on sera instruit du temps où ils ont été faits, de celui que j'eus pour les faire, et de l'impuissance où j'ai toujours été de reprendre un travail une fois fini; quand on saura de plus que je n'eus point la présomption de me proposer pour celui-ci ; mais que ce fut, pour ainsi dire, une tâche imposée par l'amitié, on lira peut-être avec quelque indulgence des articles que j'eus à peine le temps d'écrire dans l'espace qui m'étoit donné pour les méditer, et que je n'aurois point entrepris si je n'avois consulté que le temps et mes forces.

Mais ceci est une justification envers le public, et pour un autre lieu. Revenons à M. Rameau, que j'ai beaucoup loué, et qui me fait un crime de ne l'avoir pas loué davantage. Si les lecteurs veulent bien jeter les yeux sur les articles qu'il attaque, tels que CHIFFRER, ACCORD, ACCOMPAGNEMENT, etc.; s'ils distinguent les vrais éloges que l'équité mesure aux talents, du vil encens que l'adulation prodigue à tout le monde; enfin s'ils sont instruits du poids que les procédés de M. Rameau vis-à-vis de moi ajoutent à la justice que j'aime à lui rendre, j'espère qu'en blâmant les

fautes que j'ai pu faire dans l'exposition de ses principes, ils seront contents au moins des hommages que j'ai rendus à l'auteur.

Je ne feindrai pas d'avouer que l'écrit intitulé, Erreurs sur la Musique, me paroît en effet fourmiller d'erreurs, et que je n'y vois rien de plus juste que le titre. Mais ces erreurs ne sont point dans les lumières de M. Rameau; elles n'ont leur source que dans son cœur : et, quand la passion ne l'aveuglera pas, il jugera mieux que personne des bonnes règles de son art. Je ne m'attacherai donc point à relever un nombre de petites fautes qui disparoîtront avec sa haine; encore moins défendrai-je celles dont il m'accuse, et dont plusieurs en effet ne sauroient être niées. Il me fait un crime, par exemple, d'écrire pour être entendu ; c'est un défaut qu'il impute à mon ignorance, et dont je suis peu tenté de la justifier. J'avoue avec plaisir que, faute de choses savantes, je suis réduit à n'en dire que de raisonnables; et je n'envie à personne le profond savoir qui n'engendre que des écrits inintelligibles.

Encore un coup, ce n'est point pour ma justification que j'écris ; c'est pour le bien de la chose. Laissons toutes ces disputes personnelles qui ne font rien au progrès de l'art, ni à l'instruction du public. Il faut abandonner ces petites chicanes aux commençants qui veulent se faire un nom aux

dépens des noms déja connus, et qui, pour une erreur qu'ils corrigent, ne craignent pas d'en commettre cent. Mais ce qu'on ne sauroit examiner avec trop de soin, ce sont les principes de l'art même, dans lesquels la moindre erreur est une source d'égarements, et où l'artiste ne peut se tromper en rien, que tous les efforts qu'il fait pour perfectionner l'art n'en éloignent la per

fection.

Je remarque dans les erreurs de la musique deux de ces principes importants. Le premier, qui a guidé M. Rameau dans tous ses écrits, et qui pis est dans toute sa musique, est que l'harmonie est l'unique fondement de l'art, que la mélodie en dérive, et que tous les grands effets de la musique naissent de la seule harmonie.

L'autre principe, nouvellement avancé par M. Rameau, et qu'il me reproche de n'avoir pas ajouté à ma définition de l'accompagnement, est que cet accompagnement représente le corps sonore. J'examinerai séparément ces deux principes. Commençons par le premier et le plus important, dont la vérité ou la fausseté démontrée doit servir en quelque manière de base à tout l'art musical.

Il faut d'abord remarquer que M. Rameau fait dériver toute l'harmonie de la résonnance du corps sonore; et il est certain que tout son est accompagné de trois autres sons harmoniques

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