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«< dico pulcherriman, quæ óptimos satisque eru« ditos delectet'. »

Je n'ai pas dessein d'approfondir ici cet examen: ce n'est pas l'affaire d'une lettre, ni peut-être la mienne. Je voudrois seulement tâcher d'établir quelques principes sur lesquels, en attendant qu'on en trouve de meilleurs, les maîtres de l'art, ou plutôt les philosophes, pussent diriger leurs recherches: car, disoit autrefois un sage, c'est au poëte à faire de la poésie, et au musicien à faire de la musique; mais il n'appartient qu'au philosophe de bien parler de l'une et de l'autre.

Toute musique ne peut être composée que de ces trois choses: mélodie ou chant, harmonie ou accompagnement, mouvement ou mesure 2.

«rant perfectè exprimere Franci, naturali voce barbaricâ frangentes «< in gutture voces, quàm potiùs exprimentes. Majus autem magis<< terium cantandi in Metis remansit; quantùmque magisterium ro« manum superat metense in arte cantandi, tantò superat metensis "cantilena cæteras scholas Gallorum. Similiter erudierunt romani «< cantores supradictos cantores Francorum in arte organandi. Et « domnus rex Carolus iterùm à Româ artis grammaticæ et compu« tatoriæ magistros secum adduxit in Franciam, et ubique studium «< litterarum expandere jussit. Ante ipsum enim domnum regem Ca<< rolum, in Galliâ nullum studium fuerat liberalium artium. »

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· De Leg., lib. 1. (Tome viii, page 71, édit. de Deux-Ponts.) Ficin, dont Rousseau transcrit ici la traduction, après ces mots, voluptate musicam judicandam, ajoute, non tamen quorumvis hominum voluptate; sed illam..... etc.

2

Quoiqu'on entende par mesure la détermination du nombre et du rapport des temps, et par mouvement celle du degré de vitesse,

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Quoique le chant tire son principal caractère de la mesure, comme il naît immédiatement de l'harmonie, et qu'il assujettit toujours l'accompagnement à sa marche, j'unirai ces deux parties dans un même article; puis je parlerai de la mesure séparément.

L'harmonie, ayant son principe dans la nature, est la même pour toutes les nations; ou si elle a quelques différences, elles sont introduites par celle de la mélodie: ainsi, c'est de la mélodie seulement qu'il faut tirer le caractère particulier d'une musique nationale, d'autant plus que ce caractère étant principalement donné par la langue, le chant proprement dit doit ressentir sa plus grande influence.

On peut concevoir des langues plus propres à la musique les unes que les autres: on en peut concevoir qui ne le seroient point du tout. Telle en pourroit être une qui ne seroit composée que de sons mixtes, de syllabes muettes, sourdes, ou nasales, peu de voyelles sonores, beaucoup de consonnes et d'articulations, et qui manqueroit encore d'autres conditions essentielles dont je parlerai dans l'article de la mesure. Cherchons, par curiosité, ce qui résulteroit de la musique appliquée à une telle langue.

j'ai cru pouvoir ici confondre ces choses sous l'idée générale de modifications de la durée ou du temps.

Premièrement, le défaut d'éclat dans le son des voyelles obligeroit d'en donner beaucoup à celui des notes; et, parceque la langue seroit sourde, la musique seroit criarde. En second lieu, la dureté et la fréquence des consonnes forceroient à exclure beaucoup de mots, à ne procéder sur les autres que par des intonations élémentaires; et la musique seroit insipide et monotone: sa marche seroit encore lente et ennuyeuse par la même raison; et quand on voudroit presser un peu le mouvement, sa vitesse ressembleroit à celle d'un corps dur et anguleux qui roule sur le pavé.

Comme une telle musique seroit dénuée de toute mélodie agréable, on tâcheroit d'y suppléer par des beautés factices et peu naturelles; on la chargeroit de modulations fréquentes et régulières, mais froides, sans graces et sans expression; on inventeroit des fredons, des cadences, des ports-de-voix, et d'autres agréments postichés, qu'on prodigueroit dans le chant, et qui ne feroient que le rendre plus ridicule sans le rendre moins plat. La musique, avec toute cette maussade parure, resteroit languissante et sans expression; et ses images, dénuées de force et d'énergie, peindroient peu d'objets en beaucoup de notes, comme ces écritures gothiques dont les lignes, remplies de traits et de lettres figurées, ne contiennent que deux ou trois mots, et qui

renferment très peu de sens en un grand espace.

L'impossibilité d'inventer des chants agréables obligeroit les compositeurs à tourner tous leurs soins du côté de l'harmonie; et, faute de beautés réelles, ils y introduiroient des beautés de convention, qui n'auroient presque d'autre mérite que la difficulté vaincue: au lieu d'une bonne musique, ils imagineroient une musique savante; pour suppléer au chant, ils multiplieroient les accompa gnements; il leur en coûteroit moins de placer beaucoup de mauvaises parties les unes au-dessus des autres, que d'en faire une qui fat bonne. Pour ôter l'insipidité, ils augmenteroient la confusion; ils croiroient faire de la musique, et ils ne feroient que du bruit.

Un autre effet qui résulteroit du défaut de mélodie seroit que les musiciens, n'en ayant qu'une fausse idée, trouveroicnt par-tout une mélodie à leur manière: n'ayant pas de véritable chant, les parties de chant ne leur coûteroient rien à multiplier, parcequ'ils donneroient hardiment ce nom à ce qui n'en seroit pas, même jusqu'à la basse continue, à l'unisson de laquelle ils feroient sans façon réciter les basses-tailles; sauf à couvrir le tout d'une sorte d'accompagnement dont la prétendue mélodie n'auroit aucun rapport à celle de la partie vocale. Par-tout où ils verroient des notes

ils trouveroient du chant, attendu qu'en effet leur chant ne seroit que des notes, Voces, prætereùque nihil.

Passons maintenant à la mesure, dans le sentiment de laquelle consiste en grande partie la beauté et l'expression du chant. La mesure est à-peu-près à la mélodie ce que la syntaxe est au discours; c'est elle qui fait l'enchaînement des mots, qui distingue les phrases, et qui donne un sens, une liaison au tout. Toute musique dont on ne sent point la mesure ressemble, si la faute vient de celui qui l'exécute, à une écriture en chiffres, dont il faut nécessairement trouver la clef pour en démêler le sens; mais si en effet cette musique n'a pas de mesure sensible, ce n'est alors qu'une collection confuse de mots pris au hasard et écrits sans suite, auxquels le lecteur ne trouve aucun sens, parceque l'auteur n'y en a point mis.

J'ai dit que toute musique nationale tire son principal caractère de la langue qui lui est propre, et je dois ajouter que c'est principalement la prosodie de la langue qui constitue ce caractère. Comme la musique vocale a précédé de beaucoup l'instrumentale, celle-ci a toujours reçu de l'autre ses tours de chant et sa mesure: et les diverses mesures de la musique vocale n'ont pu naître que des diverses manières dont on pouvoit scander le discours et placer les brèves et les longues les unes

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