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et dont la maladie se traduit seulement par de la tristesse, de l'agitation et une sauvagerie inaccoutumée? Illusions redoutables, car ce chien, dont on ne se méfie pas, peut, malgré lui-même, faire une morsure fatale, sous l'influence d'une contrariété, ou, comme il arrive souvent, à la suite d'une correction que son maître aura cru devoir lui infliger, soit pour n'avoir pas obéi assez vite, soit pour avoir répondu à une première menace par un geste agressif aussitôt contenu.

Dans la plupart des cas, si les maîtres sont mordus, c'est dans des circonstances analogues à celles qui viennent d'être rappelées.

Le plus souvent, le chien enragé respecte et épargne ceux qu'il affectionne. S'il en était autrement, les accidents rabiques seraient bien plus nombreux, car, la plupart du temps, les chiens enragés restent vingt-quatre, quarante-huit heures chez leurs maîtres, au milieu des personnes de la famille et des gens de la domesticité, avant que l'on conçoive des craintes sur la nature de leur maladie.

- A la période initiale de la rage, et, lorsque la maladie est complétement déclarée, dans les intermittences des accès, il y a chez le chien une espèce de délire qu'on peut appeler le délire rabique, dont Youatt a parlé le premier, et qu'il a parfaitement décrit.

Ce délire se caractérise par des mouvements étranges qui dénotent que l'animal malade voit des objets et entend des bruits qui n'existent que dans ce que l'on est bien en droit d'appeler son imagination. Tantôt, en effet, l'animal se tient immobile, attentif, comme aux aguets, puis tout à coup il se lance et mord dans l'air, comme fait, dans l'état de santé, le chien qui veut attraper une mouche au vol. D'autres fois il se lance furieux et hurlant contre un mur, comme s'il avait entendu de l'autre côté des bruits menaçants.

En raisonnant par analogie, on est bien autorisé à admettre que ce sont là des signes de véritables hallucinations. Mais, quoi qu'il en soit du sens qu'on veuille leur attribuer, il est certain qu'ils ont une grande valeur diagnostique, et leur étrangeté même doit éveiller l'attention et mettre en garde contre ce qu'ils annoncent.

Cependant, ceux qui ne sont pas prévenus ne sauraient y attacher d'importance, d'autant que ces symptômes sont trèsfugaces et qu'il suffit, pour qu'ils disparaissent, que la voix du maître se fasse entendre. Dispersés, dit Youatt, par cette influence magique, tous ces objets de ter

reur s'évanouissent, et l'animal rampe vers son maître avec l'expression d'attachement qui lui est particulière.

« Alors vient un moment de repos; les yeux se ferment lentement, la tête se penche, les membres de devant semblent se dérober sous le corps, et l'animal est prêt à tomber. Mais tout à coup il se redresse, de nouveaux fantômes viennent l'assiéger; il regarde autour de lui avec une expression sauvage, happe comme pour saisir un objet à la portée de sa dent, et se lance, à l'extrémité de sa chaine, à la rencontre d'un ennemi qui n'existe que dans son imagination. »

Tels sont, Messieurs, les symptòmes que l'on observe chez le chien, à la période initiale de la rage. On conçoit qu'ils ne doivent pas se montrer toujours les mêmes, chez tous les sujets, et, qu'au contraire, ils se diversifient dans leur expression, suivant le naturel des malades.

Si avant l'attaque de la maladie, dit Youatt, le chien était d'un naturel affectueux, son attitude inquiète est éloquente; il semble faire appel à la pitié de son maitre. Dans ses hallucinations, rien ne témoigne de sa férocité.

Dans le chien naturellement sauvage, au contraire, et dans celui qui a été dressé pour la défense, l'expression de toute la contenance est terrible. Quelquefois les conjonctives sont fortement injectées, d'autres fois elles ont à peine changé de couleur, mais les yeux ont un éclat inusité et qui éblouit: on dirait deux globes de feu.

A une période plus avancée de la maladie, l'agitation du chien augmente. Il va, vient, rôde incessamment d'un coin à un autre. Continuellement il se lève et se couche, et change de position de toute manière.

Il dispose son lit avec ses pattes, le refoule avec son museau pour l'amonceler en un tas sur lequel il semble se complaire à reposer l'épigastre; puis, tout à coup, il se redresse et rejette tout loin de lui. S'il est enfermé dans une niche, il ne reste pas un seul moment en repos; sans cesse il tourne dans le même cercle. S'il est en liberté, on dirait qu'il est à la recherche d'un objet perdu; il fouille tous les coins et les recoins de la chambre avec une ardeur étrange qui ne se fixe nulle part.

Et, chose remarquable, Messieurs, et en même temps bien redoutable, il est beaucoup de chiens chez lesquels l'attachement pour leur maitre semble avoir augmenté, et ils le leur témoignent en leur léchant les mains et le visage.

On ne saurait trop appeler l'attention

sur cette singularité des premières périodes de la rage canine, parce que c'est elle surtout qui entretient l'illusion dans l'esprit des propriétaires de chiens. Ils ont peine à croire, en effet, que cet animal, actuellement encore si doux, si docile, si soumis, si humble à leurs pieds, qui leur lèche les mains et leur manifeste son attachement par tant de signes si expressifs, renferme en lui le germe de la plus terrible maladie qui soit au monde. De là vient une confiance, et, qui pis est, une incrédulité dont sont trop souvent victimes ceux qui possèdent des chiens, surtout ces chiens intimes qui sont pour l'homme le plus sur des amis tant qu'ils ont leur raison, mais qui, égarés par le délire rabique, peuvent devenir et deviennent trop souvent l'ennemi le plus cruel.

Nous trompons-nous, Messieurs? Il nous semble que ce premier groupe de symptômes est déjà, en soi, bien significatif, et que si le public était prévenu par des avertissements répétés du sens réel qu'il faut leur attribuer, bien des malheurs seraient évités qui ne résultent que de son ignorance.

Que si, en effet, on disait et répétait au public: Méfiez-vous d'abord du chien qui commence à devenir malade; tout chien malade doit être suspect en principe.

Méfiez-vous surtout de celui qui devient triste, morose, qui ne sait où reposer, qui sans cesse va, vient, ròde, happe dans l'air, aboie sans motif, et par un à-coup soudain, dans le calme le plus complet des choses extérieures, qui cherche et fouille sans cesse sans rien trouver.

Méfiez-vous surtout de celui qui est devenu pour vous trop affectueux, qui semble vous implorer par ses lèchements continuels, et

De cet ami si cher craignez la trahison.

Eh bien, Messieurs, il nous semble que ces avertissements pourraient être entendus, compris et que beaucoup en profite

raient.

Un seul exemple pour démontrer combien ils pourraient être utiles :

Dans la première semaine de novembre dernier, deux dames sont venues à l'École d'Alfort avec une fillette de 4 ans. C'était un mardi matin, et elles conduisaient à la consultation un chien à peine muselé, qu'elles avaient tenu sur leurs genoux, pendant tout le trajet de Paris à Alfort, en compagnie du jeune enfant, et qu'elles déclaraient être malade depuis le samedi précédent, c'est-à-dire depuis trois jours passés. Ce chien, disaient-elles, qui couchait dans leur chambre, ne les laissait pas dormir tant il était agité. Toute la nuit, il

était sur ses pieds, allant, venant, grattant le sol avec ses pattes. La veille, le lundi, elles avaient déjà conduit cet animal à l'École; mais, malheureusement une consigne mal comprise leur avait fait refuser la porte, l'heure de la consultation se trouvant passée; et elles s'étaient vues dans la nécessité de remonter dans leur voiture et de retourner à Paris, en compagnie de leur malade, toujours choyé par elles.

Eh bien! Messieurs, ce chien était enragé. A peine avait-il franchi la grille de l'Ecole que son aboiement caractéristique entendu à distance avait mis sur leurs gardes les élèves qui m'entouraient à la consultation. Ce ne fut qu'un cri dans leurs rangs : Un chien enragé, et ce chien était encore loin, à l'extrémité de la grande nous reviendrons tout à l'heure sur la grande valeur diagnostique de ce symptome.

cour;

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Ce chien pouvait aboyer librement: donc sa muselière n'était pas étroitement serrée autour de ses mâchoires, dont le jeu était assez facile pour qu'il pùt mordre. Et cependant, depuis trois jours qu'il était malade, il avait respecté ses maitresses, dans la chambre desquelles il couchait. Dans ces deux voyages de Paris à Alfort, dans celui de retour d'Alfort à Paris, porté sur les genoux, caressé par elles, il ne leur avait fait aucun mal, et n'avait même rien essayé de menaçant qui pùt le leur rendre suspect.

L'enfant avait été moins heureux. Le dimanche matin, le chien, agacé sans doute par quelque taquinerie, s'était jeté sur elle et l'avait morduc très-légèrement à la fesse.

Malgré cela, cependant, les personnes qui conduisaient ce malade à l'École, n'avaient encore, à son égard, aucune inquiétude. Leur intention, disaient-elles, était de demander une consultation, et de traiter elles-mêmes leur malade.

Comme je leur manifestais mon étonnement de la quiétude d'esprit dans laquelle elles étaient restées depuis trois jours, malgré les agitations continuelles de leur chien et l'acte d'agression tout à fait inaccoutumée qu'il avait commis envers leur enfant : « Qu'en savions-nous? me répondirent-elles; ce chien buvait très-bien et allait souvent boire; pouvions-nous nous douter de la maladie dont vous le dites affecté? »

Qu'en savions-nous? Voilà, Messieurs, exprimé dans cette réponse, la cause de bien des malheurs. Oui, évidemment, si la malheureuse enfant dont il est question ici succombe un jour aux suites de la morsure

que lui a faite son camarade de jeu, ce nouveau malheur n'aura d'autre cause que l'ignorance où se trouvaient ses parents de ce que pouvaient signifier les faits, si expressifs cependant, qui depuis la veille se passaient sous leurs yeux.

La meilleure des prophylaxies, à l'égard de la rage, consiste, nous ne saurions trop le répéter, dans la divulgation des symptômes qui caractérisent cette maladie.

Continuons donc leur exposé. Nous verrons ensuite, en manière de conclusion, quelles sont les mesures qu'il y aurait à prendre pour que la connaissance de ces symptômes fùt mise à la portée de tous.

Parlons maintenant de l'hydrophobic. Nous y sommes aussi bien naturellement conduits par l'une des circonstances de la relation faite plus haut. « Comment pouvions-nous soupçonner la rage chez notre chien? nous disaient les personnes qui conduisaient l'animal dont il vient d'être question, il buvait sans difficulté et allait souvent boire ! »

Le préjugé de l'hydrophobie est l'un des plus dangereux qui règne à l'égard de la rage canine; et l'on peut dire que le mot hydrophobie qui s'est peu à peu substitué, même dans le langage usuel, à celui de rage, est une des plus détestables inventions du néologisme, parce que cette in vention a été fertile pour l'espèce humaine en une multitude de désastres.

C'est que, en effet, Messieurs, ce mot indique une idée, aujourd'hui profondément ancrée dans l'opinion du public, bien qu'elle soit radicalement fausse, et démontrée fausse par les faits de tous les jours. De par le nom grec imposé à la rage, un chien enragé doit avoir horreur de l'eau.

Done, s'il boit, il n'est pas enragé; et partant de ce raisonnement, on ne peut plus logique, un très-grand nombre de personnes s'endorment, dans une sécurité trompeuse, à côté de chiens enragés qui vivent avec elles et couchent même sur leur lit.

Et cela, parce qu'il a passé par la cervelle de je ne sais quel savant de faire du mot hydrophobie le synonyme de celui de rage.

Jamais erreur ne fut plus funeste, et nous devons accumuler nos efforts pour la faire disparaître.

Le chien enragé n'est pas hydrophobe; il n'a pas horreur de l'eau. Quand on lui offre à boire, il ne recule pas épouvanté.

Loin de là: il s'approche du vase; il lappe le liquide avec sa langue; il le déglutit souvent, surtout dans les premières périodes de sa maladie, et lorsque la constriction de sa

gorge rend la déglutition difficile, il n'en essaye pas moins de boire, et alors ses lappements sont d'autant plus répétés et prolongés qu'ils demeurent plus inefficaces. Souvent même, en désespoir de cause, on le voit plonger le museau tout entier dans le vase, et mordre, pour ainsi dire, l'eau qu'il ne peut parvenir à pomper, suivant le mode physiologique habituel.

Le chien enragé ne refuse pas toujours sa nourriture à la première période de sa maladie, mais il s'en dégoûte promp

tement.

Chose remarquable alors, et tout à fait caractéristique! Soit qu'il y ait chez lui une véritable dépravation de l'appétit, ou plutôt, que le symptôme que je vais signaler soit l'expression d'un besoin fatal et impérieux de mordre auquel l'animal obéit, on le voit saisir avec ses dents, déchirer, broyer, et déglutir enfin une foule de corps étrangers à l'alimentation.

La litière sur laquelle il repose dans les chenils; la laine des coussins dans les appartements; les couvertures des lits quand, chose si commune, il couche avec ses maîtres; les tapis, le bas des rideaux, les pantoufles, le bois, le gazon, la terre, les pierres, le verre, la fiente des chevaux, celle de l'homme, la sienne même, tout y passc. Et à l'autopsie d'un chien enragé, on rencontre si souvent, dans son estomac, un assemblage d'une foule de corps disparates dans leur nature, sur lesquels s'est exercée l'action de ses dents, que rien que le fait de leur présence suffit pour établir la très-forte présomption de l'existence de la rage, présomption qui se transforme en certitude lorsqu'on est renseigné sur ce qu'a fait l'animal avant de mourir.

Cela connu, on doit se mettre fortement en garde contre un chien qui, dans les appartements, déchire avec obstination les tapis de lit, les couvertures, les coussins; qui ronge le bois de sa niche, mange la terre dans les jardins, dévore sa litière, etc.

La plupart du temps, les propriétaires des animaux enragés nous signalent ces particularités quand ils nous les conduisent, mais il est bien rare qu'elles aient éveillé en eux tout d'abord les soupçons. C'est une bizarrerie qui les a frappés sans qu'ils s'en soient rendu compte.

Rien de plus important que ces faits cependant, car ils sont un prélude. L'animal assouvit déjà sa fureur rabique sur des corps inanimés, mais le moment est bien proche où l'homme lui-même, si affectionné qu'il soit, pourra bien n'être pas épargné.

-La bave ne constitue pas, par son abondance exagérée, un signe caractéristique de la rage du chien, comme on le croit généralement. C'est donc une erreur d'inférer de l'absence de ce symptôme que la rage n'existe pas.

Il est des chiens enragés dont la gueule est remplie d'une bave écumeuse, surtout pendant les accès.

Chez d'autres, au contraire, cette cavité est complétement sèche, et sa muqueuse reflète une teinte violacée. Cette particularité est surtout remarquable dans les dernières périodes de la maladie.

Dans d'autres cas, enfin, il n'y a rien de particulier à noter à l'égard de l'humidité ou de la sécheresse de la cavité buccale.

-L'état de sécheresse de la bouche et de l'arrière-bouche donne lieu à la manifestation d'un symptôme d'une extrême importance, au point de vue où la rage canine doit être surtout envisagée ici, c'està-dire au point de vue de sa contagion possible à l'homme.

Le chien enragé, dont la gueule est sèche, fait avec ses pattes de devant, de chaque côté de ses joues, les gestes qui sont naturels au chien, dans l'arrière-gorge ou entre les dents duquel un os incomplétement broyé s'est arrêté. Il en est de même quand la paralysie des mâchoires rend la gueule béante, ainsi que cela se remarque dans la variété de rage que l'on appelle la rage-mue, ou à une période avancée de la rage furieuse.

Rien de dangereux comme les illusions que fait naître dans l'esprit des propriétaires des chiens la manifestation de ces symptômes; pour eux, presque toujours, il est l'expression certaine d'un os dans l'arrière-gorge, et désireux de secourir leur chien, ils procèdent à des explorations et ont recours à des manœuvres qui peuvent avoir les conséquences les plus funestes, soit qu'ils se blessent eux-mêmes contre les dents en introduisant les doigts dans la gueule du malade, soit que celui-ci irrité, rapproche convulsivement les mâchoires et fasse des morsures.

Un vétérinaire de Lons-le-Saulnier, M. Nicolin, est mort en novembre 1846, victime de la rage qu'il avait contractée en examinant la cavité buccale d'une petite chienne qui, au dire de son maître, devait avoir quelque chose dans la gorge qui l'empêchait de manger. Ce malheureux praticien, trop confiant dans ce qu'on lui disait, n'avait pas assez examiné la chienne, en apparence inoffensive, qu'on lui présentait, s'était mépris sur la nature réelle de la cause qui empêchait chez cette chienne la déglutition.

Ce terrible exemple montre assez combien il faut se tenir en garde contre ce que peuvent avoir les animaux de l'espèce canine chez lesquels l'acte de la déglutition ne peut pas s'effectuer ou ne s'achève qu'avec un embarras marqué.

Le vomissement est quelquefois un symptome du début de la rage. Quelquefois aussi les matières rejetées sont sanguinolentes et même formées par du sang pur qui provient sans doute de blessures faites à la muqueuse de l'estomac par des corps durs, à pointes acérées, que l'animal a pu déglutir.

Ce dernier symptôme a une grande importance, parce que, étant exceptionnel, il peut se faire qu'il n'éveille pas l'idée de la rage et qu'on ne l'apprécie pas à sa véritable valeur.

Je ferai ici volontiers l'aveu qui peut être profitable à tous, que, cette année même, en novembre dernier, j'ai été mis en défaut par un chien qui m'a été présenté à Alfort, et qui, au dire de son conducteur, vomissait du sang depuis la veille. L'idée ne me vint pas, je le confesse, en voyant ce malade, qu'il fût affecté de la rage. J'ordonnai de le faire conduire au chenil, et prescrivis une potion alunée. Heureusement qu'une fois cet animal soustrait à l'influence de son maître et encagé, son état morbide réel se dénonça par des signes non douteux. L'élève chargé du soin de ce malade vint me prévenir. Bien entendu que ma prescription première ne fut pas exécutée; et ainsi l'erreur de diagnostic, que j'avais commise dans un examen rapide, n'eut pas les conséquences terribles qu'elle aurait pu avoir.

Vous voyez, Messieurs, par cet exemple, combien tout à l'heure j'avais raison de dire que tout chien malade devrait être, en principe, considéré comme suspect. Il est bien rare que, dans ma clinique, je me départisse de cette règle dont je recommande aux élèves l'observance la plus rigoureuse. Cette fois, dans un moment de préoccupation, je m'en suis écarté, et peu s'en est fallu que cet oubli de ma part n'ait causé un malheur irréparable.

Il faut donc se tenir en garde contre un chien qui vomit du sang.

L'aboiement du chien enragé est tout à fait caractéristique, si caractéristique que l'homme qui en connaît la signification peut, rien qu'à l'entendre, affirmer à coup sur l'existence d'un chien enragé là où cet aboiement a retenti. Et il ne faut pas, pour arriver à cette sûreté de diagnostic, que l'oreille ait été longtemps exercée. Celui qui a entendu une ou deux fois hurler le

chien qui rage en demeure si fortement impressionné, quand, cela va de soi, on lui a donné le sens de ce hurlement sinistre, que le souvenir en reste gravé dans la mémoire, et lorsque, une autre fois, le même bruit vient à frapper son oreille, il ne se méprend pas sur sa signification.

Faire comprendre par des paroles ce que c'est que le hurlement rabique, nous paraît impossible. Il faudrait, pour en donner une idée, pouvoir l'imiter, comme font certains imitateurs de la voix des animaux. Tout ce qu'il nous est possible de dire ici, c'est que l'aboiement du chien, sous le coup de la rage, est remarquablement modifié dans son timbre et dans son mode.

Au lieu d'éclater avec sonorité normale et de consister dans une succession d'émissions égales en durée et en intensité, il est rauque, voilé, plus bas de ton, et à un premier aboicment fait à pleine gueule, suc cède immédiatement une série de trois ou quatre hurlements décroissants qui partent du fond de la gorge et pendant l'émission desquels les mâchoires ne se rapprochent qu'incomplétement, au lieu de se fermer à chaque coup, comme dans l'aboiement franc.

Cette description ne peut donner, såns doute, qu'une idée bien incomplète de l'aboiement rabique; mais l'important, après tout, au point de vue prophylactique, c'est que l'on soit prévenu que toujours la voix du chien enragé change de timbre; que toujours son aboiement s'exécute sur un mode complétement différent du mode physiologique. Il faut donc se tenir en défiance quand la voix connue d'un chien familier vient à se modifier tout à coup et à s'exprimer par des sons qui, n'ayant plus rien d'accoutumé, doivent frapper par leur étrangeté même.

(La suite au prochain No.)

PRIX PROPOSÉS.

La Société des sciences et arts de Lille propose pour sujet d'un prix à décerner, en 1864, la question suivante : « De l'influence des découvertes les plus modernes dans les sciences physiques et chimiques, sur les progrès de la chirurgie. »

Les mémoires doivent être remis au secrétariat avant le 15 octobre 1864.

La Société impériale de médecine de Toulouse met au concours, pour 1864, la question suivante :

« Indiquer des procédés qui permettent de constater, d'une manière sûre et rapide,

la bonne qualité des principales préparations pharmaceutiques dites officinales. >> Le prix est de 300 fr.

La même Société propose pour le sujet d'un prix à décerner en 1865, cette question: « Déterminer par des faits cliniques les indications et les contre-indications des préparations ferrugineuses, soit isolées, soit combinées, dans le traitement de la phthisie pulmonaire.

Prix de chimie appliquée fondé par feu M. Paul Bonfils et proposé par l'Académie de Stanislas. L'Académie de Stanislas offre un prix de 500 francs au mémoire de chimie qui lui sera adressé dans le courant de l'année 1865, et qui lui paraîtra le plus recommandable, soit sous le rapport des faits nouveaux qu'il contient, soit sous le rapport du progrès qu'il peut être appelé à faire faire à la chimie appliquée.

Voulant laisser à chacun le choix de son sujet, elle ne désigne pas de question spéciale et n'y met que cette condition, savoir: que le travail présenté, traite de chimie appliquée aux arts, à l'industrie ou à l'agriculture, et qu'il renferme des faits nouveaux n'ayant encore été l'objet d'aucune récompense.

L'Académie admettra les mémoires im

primés ou écrits en français, en allemand ou en latin, et ouvrira le premier concours dans l'année 1864.

Le résultat du concours sera proclamé dans la séance publique de cette même année.

Le dernier délai pour la remise des travaux est fixé au 31 décembre 1865.

Les mémoires à déposer peuvent être signés de l'auteur, de même que les planches, dessins ou appareils qui les accompagnent.

Il n'y a pas d'inconvénient à ce que l'auteur s'en assure la propriété au moyen d'un brevet d'invention.

Adresser les documents à M. le Président de l'Académie de Stanislas de Nancy (Meurthe).

NECROLOGIE.

La Société des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles vient encore de perdre un de ses membres correspondants les plus distingués, M. le docteur PRIEGER, conseiller médical à Kreuznach, mort vers le milieu de juin. Il avait été élu membre correspondant le 5 mars 1858.

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