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Après avoir rappelé la distinction qu'il importe d'établir entre les maladies infectieuses et les maladies contagieuses, M. Beau fait remarquer que ces dernières, quel que soit leur mode de transmission, ne frappent pas fatalement toutes les personnes soumises à l'action des miasmes.

Il résulte des recherches entreprises à cet égard par M. Beau, que le nombre des personnes atteintes est toujours infiniment petit si on le comparc à celui des personnes qui, après s'être exposées, restent indemnes cependant.

Il en est de même de celles qui approchent d'un foyer d'infection.

M. Beau se demande ce que c'est qu'un foyer d'infection: « C'est, dit-il, l'accumulation dans un espace plus ou moins étendu de miasmes putrides, provenant de matières végétales ou animales. On peut citer, comme type d'un foyer d'infection dû à des matières végétales, ces localités qui donnent lieu aux maladies palustres, et les endroits où sont accumulés en grand nombre des gens malpropres qui ne changent pas de linge, et parmi lesquels se développe le typhus. »

M. Beau ajoute : « Y a-t-il des miasmes putrides infectieux pour produire la fièvre jaune? Rien ne le prouve. On l'a souvent supposé, mais on ne l'a jamais démontré comme pour les fièvres paludéennes ou le typhus. On sait seulement que la fièvre jaune résulte d'une cause qui se développe naturellement sur le littoral et les îles du Mexique à certaines époques; mais on ne sait pas si cette cause vient de l'air, de l'eau, de la terre ou des aliments. C'est un a étiologique ou endémique dans toute la force du terme. >>

M. Beau termine en adoptant les opi nions émises par M. Mêlier, relativement aux divers modes de propagation de la fièvre jaune et en s'applaudissant que la discussion sur un pareil sujet ne soit plus obscurcie par des préoccupations politiques, comme elle l'était du temps de Chervin.

PELLAGRE. M. HARDY présente une femme de 49 ans, atteinte depuis trois ans de pellagre. M. Hardy fait remarquer, entre autres choses, que, dans ce cas, la maladie ne saurait être attribuée à l'usage du maïs, puisque cette femme, qui habite Paris depuis douze ans, n'en mangeait jamais; ni à l'insolation, puisqu'elle est chiffonnière et qu'elle ne travaille jamais que de cinq à neuf heures du matin.

Séance du 2 juin.

RAGE.-M. BOULEY, au nom d'une commission composée de MM. Bouley, Cheva

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VALLÉE lit une note intitulée : Le bruit de moulin, signe nouveau de l'hydropneumothorax.

«Le bruit de moulin, dit l'auteur, est un signe nouveau et pathognomonique de l'hydropneumothorax. C'est un bruit hydroaérique. Tantôt il est intermittent et coïncide avec la contraction des ventricules; tantôt il est continu, avec redoublement au moment de la contraction ventriculaire. Il rappelle par sa régularité comme par sa nature, le bruit d'une roue hydraulique dont les aubes battent successivement l'air avec l'eau à intervalles égaux. Il s'entend à distance; son maximum est à la région cardiaque. Chez les deux blessés où nous l'avons observé, il s'entendait dans' le décubitus dorsal. Ce sera peut-être la règle; car, dans le seul cas où l'état du malade ait permis de chercher ce bruit dans la position assise, nous ne l'avons plus retrouvé ni en avant ni en arrière. La durée de ce bruit n'a été que de quelques heures chez le premier blessé; elle a été de trois jours chez le second. L'existence de l'air dans la plèvre était démontrée, dans un cas, par la présence d'un emphysème souscutané.

» Le bruit de moulin est produit par le cœur qui, pendant ses contractions, bat l'air avec le liquide... Le cœur détermine le bruit de moulin, dont le siége est en dehors du péricarde, comme il détermine de même le bruit de frottement dans la plè

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d'Espagne où règne avec intensité la pel- de la commission des remèdes secrets et lagre endémique.

>> Je profite de cette circonstance, Monsieur le Président, et de la publicité des correspondances académiques, pour informer les médecins désireux de voir par euxmêmes le mal de la rosa, que nous en avons en ce moment huit cas de tous types à l'Hôtel-Dieu de Reims.

» Sur six de ces malades couchés dans les salles de M. Doyen, professcur suppléant de clinique, trois sont entrés tout récemment, à quelques jours d'intervalle, sans avoir été spécialement envoyés, et le diagnostic n'a été porté qu'après l'examen au lit.

» En dehors de l'hôpital, les visiteurs trouveraient facilement, d'ailleurs, une douzaine d'autres exemples dans les environs de Reims.

» Ce n'est pas que nous ayons en Champagne ou dans les départements voisins aucune sorte d'endémie, ainsi que tendraient à le faire croire certaines publications qui comparent la Champagne pouilleuse aux Landes et aux Asturies.

» D'abord, il n'y a plus depuis longtemps de Champagne pouilleuse. Ensuite, tous nos sujets sont éloignés de cette région et appartiennent à des communes très-salubres et très-fertiles. La plupart sont de la classe pauvre; un certain nombre de ceux que nous voyons en dehors des hôpitaux sont de la classe aisée; quelques-uns même de la classe riche.

» Je suis convaincu, du reste, Monsieur le Président, que la pellagre sporadique existe dans toutes les contrées et dans tous les hôpitaux absolument comme en Champagne. Aussi, si je signale aujourd'hui particulièrement les faits que possède notre clinique de Reims, est-ce uniquement parce que, plusieurs cas se trouvant réunis dans les mêmes salles, ils peuvent être plus facilement observés.

>> Veuillez agréer, etc. LANDOUZY. » – M. DEPAUL dépose sur le bureau une note relative à la prétendue transmission de la syphilis par la vaccination. » L'auteur de cette note, M. le docteur Delaplaque, désire que son travail soit renvoyé à l'examen de M. Ricord, dont il combat les opinions, M. Depaul est adjoint à M. Ricord, par M. le Président pour cet

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nouveaux, donne lecture d'une série de rapports dont les conclusions, toutes négatives, sont successivement adoptées par l'Académie, sans discussion.

RAGE. La parole est à M. BOULEY pour terminer son rapport sur la rage. (Nous donnons plus loin (Voir VARIÉTÉS ) la partie la plus importante de ce rapport, celle qui est relative au diagnostic de cette affection).

MONSTRUOSITÉ DU COEUR.-M. BOUILLAUD présente une pièce d'anatomie pathologique; c'est une monstruosité multiple du cœur chez un homme de 59 ans. La cloison des deux ventricules manque; c'est un cœur à un seul ventricule; les trois valvules de l'artère pulmonaire manquent et sont remplacées par un diaphragme percé à son centre; l'aorte au lieu de s'infléchir à droite, à la sortie du ventricule et de croiser l'artère pulmonaire, se dirige parallèlement à cette dernière, de façon à se trouver constamment à gauche de la colonne vertébrale.

Séance du 16 juin.

PLAIE PENETRANTE DE L'ABDOMEN ET MÉCANISME DU VOMISSEMENT CHEZ L'HOMME. M. SAPPEY, au nom d'une commission dont il fait partie avec MM. Larrey et Gosselin, lit un rapport sur une observation de M. le docteur Patry.

Il s'agit, dans le fait observé, d'un jeune berger de 11 ans, blessé par un taureau, et dont la blessure pénétrant dans l'abdomen, avait mis à nu l'estomac, la rate et une partie de l'intestin.

Après avoir fait ressortir l'étendue et la gravité de cette plaie, l'exposition prolongée et le desséchement des intestins à l'air et aux rayons du soleil, le rapporteur étudie les détails d'expérimentation auxquels s'est livré l'auteur de l'observation. Il en résulte que les phénomènes du vomissement suivis attentivement ont eu lieu dans l'ordre suivant contraction du diaphragme, contraction vermiculaire de l'estomac, commençant au pylore et allant du pylore au cardia; refoulement vers l'orifice œsophagien des liquides contenus dans l'estomac ; contraction énergique de l'œsophage; retrait de l'estomac à chaque effort; dilatation du cardia sous l'influence des fibres longitudinales de l'œsophage; enfin réplétion de ce canal par les liquides de l'estomac et vomissement.

M. Sappey fait suivre l'examen eritique des opinions actuellement reçues sur le vomissement, et invoquant les expériences qu'il a faites sur les animaux, il résume la

théorie du vomissement dans les propositions que voici :

4o Le vomissement présente deux temps; dans le premier, les aliments passent de l'estomac dans l'œsophage; dans le second, ils sont expulsés au dehors. Ces deux temps se succèdent en général rapidement, mais sont parfaitement distincts.

2o Quatre organes prennent part au vomissement; l'œsophage, l'estomac, le diaphragme et les muscles abdominaux. Ces organes se contractent simultanément. Les contractions de l'estomac sont lentes, graduées, à peine apparentes dans quelques cas, très-réelles néanmoins et constantes. Celles des autres muscles présentent au plus haut degré le caractère spasmodique.

3o La part qui revient à chacun de ces organes dans le vomissement dérive de son mode d'action et non de l'énergie de celleci, ainsi qu'on l'a généralement pensé. Les contractions de l'œsophage agissent lentement pour pousser progressivement, à la suite de chaque effort, les aliments vers la bouche.

M. Sappey établit que la disposition des fibres longitudinales de l'œsophage agit en dilatant l'orifice cardiaque. Les aliments remontent alors dans l'œsophage où ils sont poussés par les contractions de l'estomac; ils s'y accumulent jusqu'à ce qu'ils soient arrivés au pharynx; et, enfin, le vomissement a lieu.

M. Sappey, en terminant, propose d'adresser des remerciments à l'auteur, et de renvoyer son travail au comité de publication.

M. CLOQUET, à l'appui de ce que vient de lire M. Sappey du desséchement des intestins, non suivi d'accidents, rappelle qu'il y a trente ou trente-cinq ans, il a été à même de faire une observation analogue. Il avait opéré une femme de 68 ans, au Palais-Royal, d'une volumineuse hernie étranglée; la malade était fort indocile, et M. Cloquet étant retourné la voir, dans la soirée, la trouva accroupie devant le feu, l'appareil ayant été enlevé. Les intestins étaient sortis par la plaie, et traînaient sur un tapis la chaleur du foyer les avait complétement desséchés.

M. Cloquet fit recoucher la malade à grand'peine, réduisit les intestins, et, malgré ses craintes, ancun accident ne survint. La malade guérit parfaitement et rapidement.

Les conclusions du rapport de M. Sappey, mises aux voix, sont adoptées par l'Académie.

OVARIOTOMIE. M. HUGUIER présente les

pièces d'anatomic pathologique d'un kyste de l'ovaire, et rend compte de l'opération qu'il a pratiquée :

Une jeune fille de 20 ans, Anglaise, entre dans le service de M. Gubler; elle portait une tumeur dans l'abdomen.

Les chirurgiens anglais, consultés, lui avaient dit que, si la tumeur n'augmentait pas, elle ne devait pas s'en occuper. Elle devait aviser dans le cas contraire. A son entrée à l'hôpital, elle avait le ventre comme celui d'une femme à terme.

M. Gubler ayant décidé que l'opération serait faite, et M. Huguier étant de cet avis, la malade fut envoyée à Bellevue, dans le pavillon loué par l'administration des hôpitaux. MM. Hip. Blot, Am. Forget et Gubler assistaient à l'opération.

Avant d'arriver au kyste véritable, l'opérateur rencontra une masse bosselée qui fut d'abord prise par les personnes présentes pour l'intestin; c'était une masse kystique développée dans l'épiploon, et qui s'était interposée entre le kyste qu'il fallait atteindre et les parois abdominales.

M. Huguier ne pense pas qu'il y ait un exemple d'une complication semblable dans les cas connus jusqu'à présent; mais le kyste lui-même était divisé en une centaine de compartiments, dont les uns contenaient un liquide épais, filant, et dont les autres contenaient un liquide clair et transparent. Le pédicule fut saisi et lié entre des fils d'argent et coupé nettement. L'épiploon, qui renfermait une douzaine de petits kystes, comme il vient d'être dit, fut lié à son tour et coupé. L'opération dura près d'une heure. La malade succomba, quarante-cinq heures après, à une péritonite.

AUTO-OPHTHALMOSCOPIE. - M. le docteur GIRAUD-TEULON lit un mémoire intitulé: Nouvelle méthode pour l'examen auto-ophthalmoscopique. Exploration de l'œil gauche par l'œil droit ou inversement.

Après quelques considérations sur l'historique de cette question, dans lesquelles l'auteur fait remonter à Helmhottz luimême l'indication du procédé qui peut servir à faire explorer un œil par son congénère, M. Giraud-Teulon continue ainsi :

Le problème posé est simple: il s'agit uniquement de mettre l'œil gauche, eu égard à l'œil droit, dans les rapports aujourd'hui classiques de l'œil d'un malade vis-à-vis de celui du médecin qui l'examine. Seulement, comme on ne peut pas dédoubler la face humaine pour mettre l'œil droit en face l'œil gauche, il faut faire l'inverse et plier, infléchir les faisceaux lumineux allant, lors de l'observa

tion ophthalmoscopique, de l'œil observateur à l'œil observé et réciproquement.

Deux miroirs planes, inclinés l'un sur l'autre à 90°, ou faisant chacun 45o avec la ligne qui joint leurs centres, ligne d'ailleurs parallèle à celle qui joindrait les centres optiques des deux yeux, voilà toute l'instrumentation nécessaire pour produire le résultat cherché. Au moyen de ces miroirs, l'axe antéro-postérieur de chaque œil ou la ligne lumineuse qui suivrait ces axes, deux fois coudée à angle droit, vient se confondre, dans sa partie moyenne, avec la ligne des centres des miroirs.

On place devant l'un de ces miroirs la lentille objective de l'ophthalmoscope; devant l'autre, séparé du premier par une distance moyenne de 6 centimètres (intervalle des deux yeux) est mis un miroir ophthalmoscopique ordinaire. L'œil gauche est alors mis en rapport avec le miroir de gauche et la lentille, l'œil droit avec l'ophthalmoscope ou le miroir de droite. Une lampe est placée sur la droite, comme dans l'exploration classique; tout est prêt dès lors pour l'examen, qui ne diffère en rien de ce que l'on sait déjà.

Cette méthode donne à volonté l'image renversé ou l'image droite. Mais ici ces expressions ne sont pas exactes; car, dans l'un et l'autre cas, ce qui ordinairement

est à droite, se trouve, par suite de la double réflexion, à gauche et réciproquement. Le renversement n'a lieu que de haut en bas, mais non de droite à gauche.

Ce procédé, reproduction exacte en ligne deux fois brisée à angles droits, de la méthode classique, nous a permis de parcourir, d'un seul coup d'œil, une grande étendue de notre rétine, et cela, sans dilatation préalable de la pupille, et nous avons pu, en quelques instants, faire faire la même épreuve à des personnes n'ayant aucun précédent en maniement ophthalmoscopique.

Indépendamment de ses avantages pour l'étude personnelle, cet instrument sera d'une très-grande utilité dans les cliniques pour faire faire aux élèves leur premières explorations, leur indiquer ce qu'ils doivent voir et comment ils doivent s'y prendre. En un mot, théorie et pratique seront aisément démontrées à chacun avec ce petit instrument (Com. MM. Velpeau, Gavarret et Regnault).

M. ROUSSEAU lit une note sur une déclaration de naissance qui n'a pu être faite, quoique l'enfant ait vécu douze heures de la vie extra-utérine.

L'auteur rappelle une proposition déjà faite, de créer des fonctions de médecins de l'étal civil, chargés de constater les naissances à domicile.

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Exposé du diagnostic de la rage sur les animaux de l'espèce canine; lu à l'Académie de médecine de Paris, dans sa séance du 9 juin, par M. H. BOULEY.

Messieurs, la question du diagnostic de la rage canine a une importance énorme : importance telle, que si chacun pouvait être mis à même de reconnaître cette maladie sur le chien, à ses différentes périodes, et surtout à sa période initiale, nous serions en possession de la meilleure des prophylaxies.

Il y a longtemps, Messieurs, que le rapporteur de votre commission a émis cette opinion pour la première fois, et c'est lui faire produire ses conséquences, qu'en 1847 il traduisait de l'anglais, en le complétant par des observations nouvelles, l'excellent chapitre qu'un des vétérinaires les plus éminents de l'Angleterre a écrit sur la race canine, dans son livre intitulé: The Dog. Cette traduction a paru dans le Recueil de médecine vétérinaire. Je disais, en la pu

bliant, « que la rage est la source d'accidents terribles, irremédiables, qui seraient cependant moins communs si la connaissance de cette maladie sous toutes ses formes et à tous ses degrés était plus répandue dans le monde. »

Bien que cet article ait été reproduit par le Journal d'agriculture pratique, la publicité qu'il reçut par cette double voie ne pouvait pas être assez grande pour que le but auquel je visais pût être immédiatement atteint.

En 1860, un nouvel effort a été tenté pour vulgariser la connaissance de la rage. L'un des élèves les plus distingués sortis de l'École d'Alfort, M. Sanson, chef de service de l'Ecole vétérinaire de Toulouse, aujourd'hui rédacteur du feuilleton scientifique du journal la Presse, donna d'abord une description très-bien faite de la rage canine et féline dans un journal vulgarisateur, la Science pittoresque; puis rassemblant tous ses articles dans une brochure

de 80 pages, il les publia à part, sous le titre Le meilleur préservatif de la rage; titre significatif et qui exprimait la pensée qui nous était commune, que le meilleur préservatif de la rage est la connaissance des symptômes propres à cette affection, connaissance grâce à laquelle les conséquences désastreuses de la rage canine pourraient être le plus souvent prévenues.

Bien que cette idée soit incontestablement juste, Messieurs, elle n'a pas encore, tant s'en faut, porté ses fruits; la note de M. Boudin en témoigne; et puisque aussi bien l'occasion se présente aujourd'hui de fixer sur elle votre attention, permettezmoi de la saisir pour esquisser sous ses traits les plus saillants la rage canine et donner ainsi la démonstration que cette maladie, contrairement à ce que M. Boudin a avancé dans sa note, est facilement reconnaissable, et que si les propriétaires de chiens sont sollicités, par des avertissements qui les éclairent à se mettre en garde contre elle, il leur sera facile de s'en préserver et d'en préserver les autres.

Toutes les communications faites à cette tribune ayant toujours un grand retentissement, nous devons espérer que les notions sur la rage canine qui vont en descendre et se répandre en dehors de cette enceinte recevront ainsi une publicité plus efficace que celle qui leur a été donnée jusqu'aujourd'hui.

L'idée de rage, chez les chiens, implique pour le monde en général celle d'une maladie qui se caractérise nécessairement par des accès de fureur, des envies de mordre, etc., etc.

Cette idée est d'autant plus profondément ancrée, qu'en dehors de son acception pathologique, le mot rage en français, exprime la colère, la haine, la cruauté, les passions furieuses... C'est dans ce sens qu'il est toujours employé par les poëtes. On lit dans ses regards sa fureur et sa rage. a dit Racine, et combien d'autres fois cette expression revient sous sa plume et toujours avec la même signification!

C'est un préjugé bien redoutable, Messieurs, que celui qui admet que la rage est nécessairement et toujours une maladie caractérisé par la fureur. De tous ceux qui sont accrédités au sujet de cette maladie, c'est peut-être le plus fécond en conséquences désastreuses, car on demeure sans défiance en présence d'un chien malade qui ne cherche pas à mordre, et cependant sa maladie peut très-bien être la rage.

La prudence veut donc qu'on se méfie toujours du chien qui commence à ne plus

présenter les caractères de la santé. La crainte du chien malade n'est pas seulement le commencement de la sagesse, c'est la sagesse même.

Les premiers symptômes de la rage. du chien, quoique obscurs encore, sont déjà significatifs pour qui sait les comprendre.

Ils consistent, comme Youatt l'a si bien exprimé, dans une humeur sombre et une agitation inquiète qui se traduit par un changement continuel de position.

L'animal cherche à fuir ses maîtres; il se retire dans son panier, dans sa niche, dans les recoins des appartements, sous les meubles, mais il ne montre aucune disposition à mordre. Si on l'appelle, il obéit encore, mais avec lenteur, et comme à regret. Crispé sur lui-même, il tient sa tête cachée profondément entre sa poitrine et ses pattes de devant.

Bientôt il devient inquiet, cherche une nouvelle place pour se reposer, et ne tarde pas à la quitter pour en chercher une autre. Puis il retourne à son lit, dans lequel il s'agite continuellement, ne pouvant trouver une position qui lui convienne. Du fond de son lit, dit Youatt, il jette autour de lui un regard dont l'expression est étrange. Son attitude est sombre et suspecte. Il va d'un membre de la famille à l'autre, fixe sur chacun des yeux résolus, et semble demander à tous, alternativement, un remède contre le mal qu'il

ressent.

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Sans doute ce ne sont pas là ce que l'on peut appeler des symptômes pathognomoniques, mais comme déjà cette première peinture est expressive! Si ces signes ne suffisent pas pour permettre tout d'abord d'affirmer l'existence de la rage, ils doivent, à coup sûr, faire naître dans les esprits prévenus la pensée, et conséquemment la crainte de son avénement possible.

Une des particularités les plus curieuses et les plus importantes à connaitre de la rage du chien, c'est la persévérance, chez cet animal, même dans les périodes les plus avancées de sa maladic, des sentiments d'affection envers les personnes auxquelles il est attaché. Ces sentiments demeurent si forts en lui que le malheurcux animal s'abstient souvent de diriger ses atteintes contre ceux qu'il aime, alors même qu'il est en pleine rage. De là les illusions fréquentes que les propriétaires des chiens enragés se font sur la nature de la maladie de ces animaux. Comment croire à la rage, en concevoir même l'idée, chez un chien que l'on trouve toujours affectueux, docile,

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