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» chlorhydrique, le cas le plus complexe, >> celui d'un acide contenant de l'acide sul>> fureux, de l'acide sulfurique, du chlorure de fer, des matières organiques et » dans lequel peuvent se trouver égale>ment de petites quantités des hydracides » du brôme et de l'iode.» (Docimasie, t. I, p. 428.)

Il ne parle même pas de la présence de l'arsenic dont le rapporteur a fait tant de bruit, et cela parce que ce corps ne se rencontre qu'exceptionnellement dans l'acide chlorhydrique du commerce. Quant à l'acide qui renferme beaucoup d'arsenic il n'est guère usité; les produits du commerce n'acquièrent le droit de résider dans les laboratoires qu'après un contrôle sérieux. L'analyse qualitative doit prouver d'abord que leur usage n'est pas dangereux. Le rapporteur condamne l'emploi de l'acide chlorhydrique commercial pour dissoudre la withérite; il voudrait donc utiliser l'acide pur, c'est-à-dire un réactif pour le traitement d'un minerai. Cette idée lui appartient je crois tout entière; elle n'est pas sortie comme les autres d'une bibliothèque. L'exemple des chimistes allemands, son illustre ami le docteur Wittstein même, employant l'acide chlorhydrique commun pour transformer le sulfure barytique en chlorure; rien n'a pu le convertir. Il a prétendu, il est vrai, que les oxydes étrangers ainsi que l'arsenic sont précipités à l'état de sulfures par le sulfure barytique. Mais ce corps élimine-t-il les chlorures de calcium, d'ammonium, de sodium, de potassium, l'iode, le brôme, etc., qui existent, selon le rapport, dans l'acide chlorhydrique du commerce. L'emploi de cet acide pour le traitement de la withérite n'offre aucun inconvénient, car les impuretés, et même l'arsenic, sont entraînés par le carbonate barytique gélatineux. Un peu de pratique aurait appris à M. Van den Corput que le chlorure ferrique, l'un des corps étrangers qui dominent dans l'acide chlorhydrique commercial, est détruit par le carbonate barytique gélatineux, et que l'oxyde ferrique qui en résulte élimine la totalité de l'acide arsénieux et de l'acide arsénique pouvant exister dans la solution.

Puisque les livres ont pour le rapporteur plus d'autorité que les faits, je lui rappellerai que Rivot, dans son Traité de docimasie (t. 1, p. 314) dit que : « Le peroxyde » de fer hydraté et encore humide préci» pite complétement l'acide arsénieux de sa dissolution dans l'eau. »

Qu'il lise l'ouvrage d'Henri Rose (Chimie analytique, tome II, p. 537), il verra que Berthier a proposé un procédé de dosage

de l'acide arsénique, basé sur la précipitation complète de cet acide par l'oxyde ferrique gélatineux. Ainsi si l'on se sert d'acide chlorhydrique arsénical pour la préparation du chlorure barytique au moyen de la withérite, d'après la méthode que je recommande, tout l'arsenic sera éliminé, quelle que soit la manière dont l'arsénite barytique se comporte au contact de l'eau. A ce propos, je ferai remarquer le danger de décider une question de fait par des recherches exclusivement théoriques. M. Van den Corput, pour établir la solubilité de l'arsénite barytique, a cité une phrase de l'édition belge de Berzélius, ainsi conçue c'est une poudre blanche légèrement soluble dans l'eau. Il s'est appuyé ainsi sur une faute d'impression, car dans l'édition française de l'ouvrage de Berzélius (Paris, 1847, t. II, p. 559), publiée avec l'assentiment de l'auteur, on lit que « l'ar> sénite de baryte est une poudre blanche, » insoluble dans l'eau. »

Les principaux auteurs, Dumas, Pelouze, Barruel, Rivot, etc., confirment l'insolubilité de l'arsenite barytique.

Je vais aborder le point du débat où la bonne foi et la science du rapporteur ont brillé dans tout leur éclat. Le lecteur se

rappelle que je prépare les carbonates gélatineux qui doivent servir à la purification des sels, en précipitant une portion de la solution saline par le carbonate de soude. Les carbonates obtenus de cette manière, ne sont que dans quelques cas des sels neutres; le plus souvent ils renferment des quantités variables d'hydrate.

Avec les sels de magnésie, on obtient ordinairement le composé (4MgO,CO2+ MgO,HO).

Les sels de manganèse donnent de préférence la combinaison (5MnO, CO3 4MnO,HO).

Les sels de cuivre engendrent celle qui a pour formule (CuO,CO2+CuO,HO).

Mais dans le précipité fourni par les sels de zinc le rapport entre le carbonate et l'hydrate est loin d'être constant.

La composition de ces précipités se modifie suivant le degré de concentration de la liqueur et suivant la température à laquelle on opère. A cause de leur instabilité on n'a pu leur donner une dénomination exacte. On les a désignés, autrefois, sous le nom de carbonates basiques; aujourd'hui on les appelle hydro-carbonates. Beaucoup d'auteurs se servent même pour les indiquer de l'expression de carbonates. On peut voir que la Pharmacopée belge (p. 26) et Chevallier, dans son Dictionnaire des falsifications, décrivent la magnésie

blanche sous le titre : carbonate de magnésie.

Soubeiran dit également qu'il existe un carbonate basique de magnésie que l'on emploie ordinairement sous le nom de magnésie blanche, carbonate, sous-carbonate de magnésie (Traité de pharmacie, Paris, 1855, tome II, page 248). Le même auteur nomme carbonate de cuivre, le précipité formé par le carbonate neutre de potasse dans une solution de sulfate de cuivre (Même volume, p. 440). Dorvault dans l'Officine se sert des mêmes expressions.

M. le rapporteur, prétendant mieux connaître la nomenclature que les auteurs que je viens de citer, n'a accusé d'avoir commis des fautes de chimie élémentaire, parce que, d'après lui, j'aurais appelé carbonates les précipités formés par le sel de soude dans les sels de magnésie et de cuivre.

Pour ce qui concerne les sels de magnésie, le lecteur a pu constater que mon adversaire a enfreint sciemment les principes de la vérité. Dans ma note, à l'article sulfate de magnésie, j'ai dit : que pour débarrasser ce sel du fer transformé en sel ferrique, il faut chauffer sa solution avec de l'hydrocarbonate de magnésie. Le démenti infligé par M. Leroy, n'a pu faire revenir le rapporteur à de meilleurs sentiments; il a persisté à m'attribuer des phrases que je n'ai jamais écrites. A ce propos M. Crocq, a prétendu que l'hydrocarbonate de magnésie n'était pas le même corps que le sous-carbonate hydraté (Journal de pharmacologie, juin 1863, p. 301). Je crois cependant que la vieille nomenclature dont il s'est servi, s'applique à la magrésie blanche que j'ai désignée sous le nom d'hydrocarbonate. Dans les pharma. copées, un médecin devrait le savoir, ces expressions sont employées comme synonymes.

Quant aux précipités formés par les carbonates alcalins dans les sels de zinc, de manganèse et de cuivre, je les ai appelés simplement carbonates. Je n'ai fait ainsi que suivre l'exemple de la plupart des chimistes modernes et entre autres des auteurs si souvent cités par M. Van den Corput.

Mais ce qu'il y a de plus édifiant dans ce débat, c'est que le rapporteur a toujours désigné sous le nom de carbonates les précipités formés par les carbonates alcalins dans les sels de zinc et de manganèse. En présence de tels faits, ne pourraisje pas dire à mon accusateur: Vous qui défendez avec tant d'ardeur les préroga. tives de la nomenclature; vous qui repro

chez aux autres de ne pas appeler les choses par leur nom, vous avez nommé carbonates les hydro-carbonates de zinc et de manganèse; vous n'avez aucune excuse à alléguer; vous ne pouvez plus prétendre que c'est à bon escient que vous vous êtes servi d'expressions impropres, quoique reçues dans le langage de la science. Vous avez, en un mot, prouvé vous-même votre ignorance. Ne serait-ce pas le cas de lui répéter ces vers de Lafontaine :

La ruse la mieux ourdie
Peut nuire à son inventeur
Et souvent la perfidie
Retourne à son auteur.

Telles sont les observations que j'ai cru devoir présenter sur une question que l'on a tâché d'exploiter contre moi. J'ai été un peu long, je l'avoue, mais j'ai voulu faire justice, une bonne fois, d'un amas d'erreurs rassemblées maladroitement, pour cacher des rancunes personnelles.

Dans d'autres occasions, je me serais tu, car je ne respecte pas la fausse science. Mais, aujourd'hui, mon adversaire s'est arrogé le titre de rapporteur et son opinion pourrait passer pour celle d'une Société savante. Il s'est, en outre, fait l'écho bruyant des attaques qui avaient déjà été dirigées contre moi par un vétéran de la science. Ces motifs seuls m'ont décidé à prendre la parole. A l'avenir je garderai le silence. Une polémique avec un adversaire qui n'emploie que des armes peu courtoises blesserait ma dignité. La science n'a, du reste, rien à y gagner, la lutte ne pouvant se prolonger que sur le terrain des personnalités.

De l'assainissement de la Senne et des cours d'eaux. Bons de contributions ou d'impôts; par M. le Dr SCHUERMANS.

Il est avéré qu'une rivière dans laquelle une grande ville déverse ses immondices devient un foyer miasmatique qui, de temps en temps, fait éclater une épidémie de fièvre typhoïde.

En 1864, la Tamise empoisonne littéralement Londres. On prend des mesures énergiques depuis longtemps indiquées, les millions sont dépensés; le typhus fever s'arrête, s'éteint, mais déjà de nombreuses victimes sont tombées sous les coups du fléau tardivement combattu.

Si nous avons échappé à toute épidémie reconnaissant pour cause évidente la fange de la Senne, rien ne présage que cette impunité sera éternelle. Les miasmes qui se dégagent de ce cloaque impur ne sont pas innocents comme on pourrait le croire,

car certainement l'affection typhoïde est plus fréquente le long de la rivière et dans le bas de la ville que partout ailleurs. Heureusement jusqu'à ce jour, la maladie n'a pas encore pris une extension considérable; néanmoins, dans un moment donné, ces miasmes tout à coup ne peuvent-ils devenir extrêmement meurtriers, comme ceux de la Tamise l'ont été à Londres? Donc, gardons-nous de nous endormir dans une sécurité funeste, une cruelle épidémie pourrait nous réveiller en sursaut et nous laisser des regrets amers, mais inutiles. D'ailleurs, les gaz qui s'exhalent de la Senne obstruée par les immondices sont nuisibles parcela scul que, se mélangeant à l'air, ils diminuent la quantité d'oxygène nécessaire à la respiration; ils remplacent ce principe vivifiant. Alors, la population s'étiole, les tempéraments sanguins disparaissent. On ne rencontre plus que des constitutions lymphatiques, scrofuleuses et la phthisie pulmonaire devient de plus en plus fréquente. Non-seulement un air vicié débilite les constitutions les plus fortes, mais encore il imprime à toutes les maladies la tendance adynamique et même gangréneuse. Par son action, les affections éruptives revêtent surtout ce caractère fatal. L'angine couenneuse, qui fait de plus en plus des victimes, est peut-être déterminée par les miasmes infects des égouts et de la Senne. La gangrène de la bouche chez les enfants naît aussi sous leur influence. Certaines années, elle n'est pas rare dans le bas de la ville; la fièvre intermittente et ses manifestations, la dyssenterie reconnaissent cette cause et le principe du du choléra reçoit une impulsion plus intense des effluves qui se dégagent des eaux stagnantes corrompues et des matières putrides; certains médecins même attribuent ce terrible fléau à leurs émanations. Dans tous les cas elles donnent une nouvelle activité au poison cholérique qu'ils semblent parfois recomposer. Appelons en témoignage une autorité que personne ne récusera.

On lit dans le compte-rendu des séances du congrès d'hygiène publique, tenu à Bruxelles en 1852 :

« Les médecins qui ont observé avec attention les causes des maladies, sont unanimement d'avis qu'une population vivant au milieu d'émanations de puisards, et respirant l'air corrompu qui s'en exhale, ne peut pas se conserver en bonne santé. Meine les plus fortes constitutions, quoique résistant plus ou moins longtemps à ces influences délétères, en ressentent finalement les effets, tandis que les individus faibles succombent rapidement. L'impureté

de l'atmosphère résultant de la décomposition des matières animales et végétales, favorise constamment les ravages du typhus et d'autres épidémies dans les villes ; la suppression de cette source d'infection est toujours suivie d'une diminution sensible dans la fréquence des maladies. >

Les habitudes de propreté d'un peuple, et surtout le soin qu'il prend de protéger ses habitations contre les émanations excrémentitielles, donnent la mesure de ses progrès en civilisation (page 295). L'archidiacre Poley avait coutume d'appeler l'attention particulière des voyageurs dans les pays étrangers, sur la manière dont on s'y comportait par rapport aux excréments et aux déjections animales, affirmant que, par ce seul fait, on pouvait se faire une idée plus juste et plus complète des habitudes de propreté, de décence, de dignité personnelle, et en général, de la condition morale et sociale d'un peuple, qu'à l'aide de tous autres faits d'un ordre différent.

Cette vérité incontestable qu'un air méphitique est pernicieux à respirer, et notre propre dignité, doivent donc, en dehors de la crainte des épidémies, engager à prendre des mesures pour empêcher la stagnation des gaz flottant au-dessus de l'eau limoneuse de la Senne. Des maisons hautes de 12 à 13 mètres la bordent sur ses rives et empêchent la circulation de l'atmosphère. Les émanations pénètrent dans les demeures par les fenêtres, les portes, se répandent lentement dans les rues, les impasses qui avoisinent la rivière et rendent le milieu ambiant nauséabond, putride et infect; tous les riverains, au besoin, pourraient en témoigner.

La Commission nommée pour l'examen des projets d'assainissement de la Senne fait les objections suivantes au voûtage de ce cours d'eau : Le voûtage n'est qu'un palliatif apparent. Les gaz méphitiques, emprisonnés sous la voûte, seraient concentrés à l'amont ou à l'aval de cette voùte; si l'on emploie des cheminées d'aérage, le vent pourra les ramener sur la ville, et cela aura encore lieu dans le moment où l'atmosphère sera calme. Nous avons dit que les maisons qui s'élèvent sur les bords de la Senne empêchent le renouvellement de l'air et, par conséquent, permettent aux gaz de s'accumuler et de se concentrer audessus de tout son parcours dans la ville. Les vives réclamations des habitants du centre de la capitale, et la constitution de la Commission elle-même, par le Conseil provincial, ne laissent aucun doute sur le méphitisme de la Senne et sur le flottement des exhalaisons qui s'élèvent peu à peu de ce bourbier infeet. C'est donc une grave

erreur d'avoir insinué que les gaz se dégagent librement à la surface de la Senne.

Les fabriques de certains produits chimiques, avant la construction par ordonnance des cheminées d'appel ou d'aérage, infectaient leurs alentours. Aujourd'hui, les justes plaintes des habitants ont cessé, parce que les émanations méphitiques, conduites au-dessus des demeures dans l'atmosphère, sont transportées au loin, tellement diluées, vaporisées que l'odorat le plus exercé ne les découvre plus. L'expérience de tous les jours est là pour le démontrer; au besoin, elle pourrait encore se renouveler dans la ville une fabrique d'acide nitrique, située près d'un hospice, répand des vapeurs trèsdésagréables dans les rues et les ruelles voisines. La cheminée d'appel n'arrive pas au faitage des maisons avoisinantes; je crois cependant que le règlement dit que la cheminée doit être plus élevée de 3 à 4 mètres que les maisons situées à 100 mètres de toute fabrique d'acide minéral. Eh bien ! en faisant exécuter ce règlement, les habitants de ce quartier, et nous même, en le traversant, ne serions plus suffoqués. D'avance, on peut en avoir la conviction intime. Il en serait également ainsi du mauvais air de la Senne. Amené dans l'espace, il serait rapidement enlevé par les courants et, s'il était rejeté sur la capitale, ses principes méphitiques et miasmatiques seraient tellement atténués qu'ils n'auraient plus d'action sur l'économie. D'ailleurs, ce qui arriverait alors, arrive déjà maintenant : Les gaz putrides, gagnant lentement le faite des maisons, à cause du manque des courants atmosphériques, sont rapidement enlevés lorsqu'ils y sont parvenus, et cependant les habitants du nord de la ville ne s'en plaignent point. Le voùtage n'est donc pas un palliatif (apparent) mais un moyen efficace pour assainir les quartiers situés sur son parcours. N'est-il pas cruel et souverainement injuste de forcer leurs habitants de vivre au milieu d'une atmosphère viciée par le fait de tous les Bruxellois, alors que par des cheminées, ayant un bon tirage, tout le monde en aurait sa légitime part, si toutefois elle existait encore, ce dont on peut très-bien douter; et, dans tous les cas, cette part ne saurait être nuisible à cause de l'atténuation extrême que subiraient les fluides méphitiques, comme nous l'avons déjà dit.

Le terrain qu'occupe une rivière non navigable dans une ville est un terrain perdu. En la voûtant, son emplacement peut être utilisé, soit comme rue, soit comme terrain à bâtir, soit comme jardin

ou cour pour les maisons qui longent ses rives. L'hygiène publique, non-seulement, réclame le voûtage de la Senne, mais encore l'intérêt bien entendu de la capitale.

Le voûtement avec les cheminées d'aérage et les accotements en pierres blanches coùteraient tout au plus 15 francs le mètre carré. Dans la ville, il est impossible d'acheter la même étendue de terrain moins de 26 francs. Ce serait donc de 10 à 11 francs par mètre carré que Bruxelles gagnerait certainement à cette opération. Mais voûter la Senne n'est pas l'assainir, on assainit seulement les quartiers qu'elle traverse. Pour rendre la Senne à sa première salubrité, ramenez-la à son antique destinée, celle de recueillir exclusivement les eaux pluviales qui arrivent des hauteurs dans la vallée de la rivière; empêchez donc que les déjections de milliers d'habitants ne viennent se mêler à ses eaux, les corrompent et les empoisonnent. On laisse ainsi s'écouler dans la Senne, annuellement, quelque chose comme 500,000 francs pour développer et entretenir des affections miasmatiques.

Il est possible d'isoler les matières excrémentitielles à l'aide du système tubaire. Supposez que l'on fasse partir de chaque latrine et de chaque urinoir un tuyau en poterie, à surface interne vernissée, que celui-ci communique avec un tuyau se trouvant dans l'égout de la rue, lequel se rend dans un conduit de plus en plus volumineux, à l'inverse de ceux de l'eau de la ville, et ainsi dans une rigole en fer qui se trouverait dans le lit de la Senne. Cette dernière conduirait les matières fécales dans un réservoir, où des moyens seraient employés pour détruire les gaz nuisibles et pour faire subir, à ces matières encore liquides, les préparations les plus avantageuses pour l'agriculture. Le conduit en fer serait une caisse ayant 5 mètres de longueur sur 25 à 30 centimètres de hauteur. Il présenterait, de distance en distance, des couvertures en plomb qu'on pourrait soulever en cas d'obstruction. D'après les calculs de Liebig, une population de 280,000 habitants, qui est à peu près celle de Bruxelles et de ses faubourgs, émet 14,000 kilogrammes de matières fécales, et au moins 300,000 litres d'urines. Supposez qu'il faille, pour entrainer tout cela, 1,000,000 de litres d'eau pure, soit 1,511,000 kilogr. ou litres de liquides qui passeront journellement par la rigole en fer. En supposant que le cours de liquide n'ait que 10 centimètres au plus de hauteur, il est certain

car certainement l'affection typhoïde est plus fréquente le long de la rivière et dans le bas de la ville que partout ailleurs. Heureusement jusqu'à ce jour, la maladie n'a pas encore pris une extension considérable; néanmoins, dans un moment donné, ces miasmes tout à coup ne peuvent-ils devenir extrêmement meurtriers, comme ceux de la Tamise l'ont été à Londres? Donc, gardons-nous de nous endormir dans une sécurité funeste, une cruelle épidémie pourrait nous réveiller en sursaut et nous laisser des regrets amers, mais inutiles. D'ailleurs, les gaz qui s'exhalent de la Senne obstruée par les immondices sont nuisibles parcela seul que, se mélangeant à l'air, ils diminuent la quantité d'oxygène nécessaire à la respiration; ils remplacent ce principe vivifiant. Alors, la population s'étiole, les tempéraments sanguins disparaissent. On ne rencontre plus que des constitutions lymphatiques, scrofuleuses et la phthisie pulmonaire devient de plus en plus fréquente. Non-seulement un air vicié débilite les constitutions les plus fortes, mais encore il imprime à toutes les maladies la tendance adynamique et même gangréneuse. Par son action, les affections éruptives revêtent surtout ce caractère fatal. L'angine couenneuse, qui fait de plus en plus des victimes, est peut-être déter minée par les miasmes infects des égouts et de la Senne. La gangrène de la bouche chez les enfants nait aussi sous leur influence. Certaines années, elle n'est pas rare dans le bas de la ville; la fièvre intermittente et ses manifestations, la dyssenterie reconnaissent cette cause et le principe du du choléra reçoit une impulsion plus intense des effluves qui se dégagent des eaux stagnantes corrompues et des matières putrides; certains médecins même attribuent ce terrible fléau à leurs émanations. Dans tous les cas elles donnent une nouvelle activité au poison cholérique qu'ils semblent parfois recomposer. Appelons en témoignage une autorité que personne ne récusera.

On lit dans le compte-rendu des séances du congrès d'hygiène publique, tenu à Bruxelles en 1852 :

« Les médecins qui ont observé avec attention les causes des maladies, sont unanimement d'avis qu'une population vivant au milieu d'émanations de puisards, et respirant l'air corrompu qui s'en exhale, ne peut pas se conserver en bonne santé. Même les plus fortes constitutions, quoique résistant plus ou moins longtemps à ces influences délétères, en ressentent finalement les effets, tandis que les individus faibles succombent rapidement. L'impureté

de l'atmosphère résultant de la décomposition des matières animales et végétales, favorise constamment les ravages du typhus et d'autres épidémies dans les villes; la suppression de cette source d'infection est toujours suivie d'une diminution sensible dans la fréquence des maladies. >

Les habitudes de propreté d'un peuple, et surtout le soin qu'il prend de protéger ses habitations contre les émanations excrémentitielles, donnent la mesure de ses progrès en civilisation (page 295). L'archidiacre Poley avait coutume d'appeler l'attention particulière des voyageurs dans les pays étrangers, sur la manière dont on s'y comportait par rapport aux excréments et aux déjections animales, affirmant que, par ce seul fait, on pouvait se faire une idée plus juste et plus complète des habitudes de propreté, de décence, de dignité personnelle, et en général, de la condition morale et sociale d'un peuple, qu'à l'aide de tous autres faits d'un ordre différent.

Cette vérité incontestable qu'un air méphitique est pernicieux à respirer, et notre propre dignité, doivent donc, en dehors de la crainte des épidémies, engager à prendre des mesures pour empêcher la stagnation des gaz flottant au-dessus de l'eau limoneuse de la Senne. Des maisons hautes de 12 à 13 mètres la bordent sur ses rives et empêchent la circulation de l'atmosphère. Les émanations pénètrent dans les demeures par les fenêtres, les portes, se répandent lentement dans les rues, les impasses qui avoisinent la rivière et rendent le milieu ambiant nauséabond, putride et infect; tous les riverains, au besoin, pourraient en témoigner.

La Commission nommée pour l'examen des projets d'assainissement de la Senne fait les objections suivantes au voûtage de ce cours d'eau : Le voûtage n'est qu'un palliatif apparent. Les gaz méphitiques, emprisonnés sous la voùte, seraient concentrés à l'amont ou à l'aval de cette voùte; si l'on emploie des cheminées d'aérage, le vent pourra les ramener sur la ville, et cela aura encore lieu dans le moment où l'atmosphère sera calme. Nous avons dit que les maisons qui s'élèvent sur les bords de la Senne empêchent le renouvellement de l'air et, par conséquent, permettent aux gaz de s'accumuler et de se concentrer audessus de tout son parcours dans la ville. Les vives réclamations des habitants du centre de la capitale, et la constitution de la Commission elle-même, par le Conseil provincial, ne laissent aucun doute sur le méphitisme de la Senne et sur le flottement des exhalaisons qui s'élèvent peu à peu de ce bourbier infeet. C'est done une grave

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