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été indiqués par M. Grisolle (1), on voit que le nombre signalé pour les pneumonies bilatérales correspond parfaitement avec celui obtenu par le médecin français. Pour ce qui concerne les pneumonies uni-latérales, nos résultats sont diamétralement opposés à ceux du même auteur, lequel affirme que la pneumonie du côté droit (51 pour 100) est plus fréquente que celle du côté gauche (29 pour 100.) Mais cette différence s'explique facilement, si l'on considère, comme nous l'avons fait remarquer dans notre monographie, que les résultats de la statistique sont bien différents, suivant que l'on tient compte seulement des pneumonies mortelles, ou bien que l'on y ajoute encore celles qui se terminent par la guérison.

De ces 39 malades, 4 seulement ont succombé, ce qui ne donne pour notre clinique qu'une mortalité de 9 pour 100. Il convient toutefois de faire observer ici que ce chiffre est encore supérieur à celui qui avait été constaté en général dans le service de M. Oppolzer. En effet, au nombre des cas qui figurent dans le tableau statistique que nous donnerons plus loin, se trouve renseigné un malade atteint de pneumonie compliquée de delirium potatorum et qui était à l'agonie lorsqu'on l'apporta à l'hôpital. On peut donc se refuser à faire figurer ce malade dans la statistique des cas de pneumonie simple, de sorte que le nombre des décès se réduit à 3 pour 38 malades, c'est-à-dire à environ 7,9 pour 100.

Les données statistiques qui précèdent suffiront à convaincre tout lecteur impartial que la mortalité constatée dans le service du professeur Oppolzer, est moins élevée que dans la plupart des hôpitaux d'Europe. Ce fait d'observation, qu'on ne peut révoquer en doute, est de nature à intéresser les médecins de toutes les nations. En recherchant la cause de résultats aussi heureux, on peut espérer en déduire des conséquences utiles pour l'art médical, et non moins avantageuses pour l'humanité souffrante.

A quelle cause doit être attribuée cette mortalité si peu considérable? Peut-être qu'à première vue, quelques-uns d'entre nos lecteurs seront tentés d'attribuer les heureux succès du professeur Oppolzer à la constitution physique favorable, au genre de vie spécial des malades, aux influences climateriques et au peu d'intensité de l'affection plutôt qu'à l'efficacité de la médication employée. Or, cette explication serait tout à fait erronée, comme nous le prouverons en passant rapidement en revue les causes hypothétiques dont il s'agit, et en les mettant en regard des cas que nous avons observés.

La constitution spéciale des malades ne saurait certes être invoquée comme cause de la mortalité restreinte constatée dans le service de M. Oppolzer, car sur les 39 malades observés, 6 étaient doués d'une constitution très-vigoureuse, 19 étaient robustes, 10 faibles, et 4 très-faibles, c'est-à-dire que sur un chiffre de 100 cas, la proportion des individus très-robustes était de

(1) Grisolle (Traité pratique de la pneumonie, page 21) a obtenu les résultats suivants: pneumonies à droite, 51 pour 100; à gauche, 29 pour 100, et pneumonies bilatérales, 18 pour 100.

17 pour 100, celle des malades vigoureux de 48 pour 100, celle des sujets faibles de 25 pour 100, et enfin celle des malades très-faibles de 10 pour 100. Eut-on même l'intention d'attribuer à telle ou telle constitution spéciale une mortalité moindre, on ne pourrait pas invoquer cette cause pour expliquer logiquement les heureux résultats offerts par la clinique viennoise, attendu que toutes les constitutions se trouvent représentées dans nos 39 cas, outre qu'il n'existe pas entre les deux extrêmes une bien grande différence. Sous ce rapport nos résultats sont d'accord avec ceux de la majeure partie des auteurs d'après lesquels la pneumonie est plus fréquente chez les individus robustes, et ils confirment en même temps la manière de voir de M. Bouillaud, lequel a démontré que les constitutions faibles ne sont nullement à l'abri de cette maladie. Toutefois, s'il fallait absolument attribuer le chiffre peu élevé de la mortalité à la prédominance d'une constitution particulière chez nos malades, les inconvénients du genre de médication employé par M. Oppolzer devraient se manifester surtout aux dépens des individus les plus vigoureux, chez lesquels on admet généralement que l'inflammation pulmonaire offre assez de gravité, et pour qui la thérapeutique du professeur viennois est, du moins au point de vue de certaines écoles, beaucoup trop inactive. Ceci étant admis, et les individus robustes constituant la majorité des cas observés, la mortalité aurait dû être considérable; le contraire ayant eu lieu, il est évident que les succès obtenus ne tiennent pas à la constitution des malades, mais bien à la méthode de traitement, comme nous le verrons plus loin.

Le genre de vie des malades reçus à la clinique de Vienne, ne diffère point de celui que mènent généralement les classes pauvres et laborieuses des grandes cités. Sur nos 39 sujets, 27 appartiennent à la classe des artisans, boutiquiers et gens de service, 12 à celles des portefaix, maçons, tailleurs de pierre et mendiants. Si l'on compare en détail le genre de vie des ouvriers et des indigents de la ville de Vienne avec celui qui est particulier à la classe peu aisée de tel ou tel pays, on constatera sans doute certaines dissemblances, mais l'ensemble des différences intrinsèques ne saurait avoir une influence assez puissante pour influencer le chiffre de la mortalité. Au contraire, la manière de vivre de la basse classe, à Vienne, n'est rien moins que favorable à la santé. Signalons, en passant, l'abus des boissons alcooliques, bien plus répandu qu'en Italie, l'usage fréquent des aliments farineux, l'habitation dans une chambre humide, obscure, dont la construction est souvent à peine achevée et où logent ensemble, parfois cinq ou six personnes qui, vu la cherté des loyers, sont forcées d'approprier cette unique pièce à tous les besoins de la vie ; enfin, le grand nombre de manufactures dans lesquelles se dégagent, d'une manière permanente, certains gaz impropres à la respiration, ou imprégnés de produits dus à une décomposition organique, etc. De l'exposé de toutes ces conditions anti-hygiéniques, il résulte que le genre de vie de la classe pauvre et ouvrière de Vienne n'est nullement de nature à diminuer le chiffre de la mortalité de la pneumonie. La chose est si évidente par elle-même, qu'il nous semble superflu

de nous étendre plus longuement sur ce sujet. Si quelqu'un de nos lecteurs est d'avis contraire, nous aurons occasion, en parlant de l'influence des conditions météorologiques, de démontrer que les circonstances défavorables, inhérentes au genre de vie de nos malades sont encore rendues plus nuisibles par l'inconstance du climat.

La faible mortalité, accusée par M. Oppolzer, ne provient certes pas non plus d'influences climatériques favorables à la maladie en question; pour fournir la preuve de notre assertion, nous nous trouvons dans la nécessité de donner une idée générale, mais précise, du climat de la ville de Vienne.

S'il est une ville en Europe qui, par sa position géographique et par sa situation topographique spéciale, mérite d'être considérée comme la résidence où Éole exerce tout spécialement son pouvoir tyrannique, c'est sans nul doute la capitale de l'Autriche. Cette grande cité occupe une plaine découpée çà et là par de petites collines qui s'appuient sur la rive droite du Danube, et entourée par une masse irrégulière de montagnes et de collines séparées par de larges vallées ; par suite de ces conditions topographiques spéciales elle est exposée à la furie des vents qui y ont un libre accès, à tel point que dans le courant d'une année on y compte 320 jours de vent et 45 jours seulement pendant lesquels règne un calme relatif. Dans le courant d'une année tous les vents s'y succèdent tour à tour, au point d'offrir parfois le rare spectacle de trois ou quatre variations en une seule journée (1).

La conséquence naturelle de cette rapide et continuelle succession des vents est une inconstance de température, qui rend le climat de Vienne très-dangereux et nuisible à la santé. Il existe peu de villes où le thermomètre subit en un même jour autant d'oscillations qu'à Vienne; du matin au soir ou vice-versâ il accuse parfois une différence de température de 10° R. (2). Du reste, cette ca

(1) Dans la crainte que le lecteur nous taxe d'exagération, nous reproduisons ici un tableau publié par l'astronome de Vienne, M. Friesnegger, qui, après quinze ans d'observations sur la direction des vents, a fait connaître les résultats ci-après :

Le vent du nord domine 28 10/15 jours, dans l'espace d'une année et s'accompagne d'un temps beau, mais froid et sec.

Le nord-est règne 9 3/15 jours par an, et amène la pluie ou la neige.

Le nord-ouest s'observe 75 15/15 jours par an, et pendant sa durée le temps est trèsvariable.

Le vent d'est est rare; pendant le cours d'une année on ne l'observe que 4 7/15 jours; il s'accompagne d'un temps sec.

Le sud-est est plus fréquent; il souffle 64 3/15 jours par an et amène la pluie. Le vent du sud s'observe 55 1/15 jours sur une année, avec un temps très-pluvieux. Le sud-ouest est aussi rare, car il ne domine que 6 7/15 jours chaque année, et, comme le vent du sud, il apporte un temps pluvieux ou inconstant

Le vent d'ouest est le plus fréquent; dans l'espace d'un an il souffle pendant 95 6/15 jours, et amène un temps inconstant.

Les jours privés de vent sont au nombre de 45 4/15.

(2) Les notions météorologiques indiquées sont empruntées aux travaux de :

1o Baumgartner und Ettinghausen; ueber den Barometer, und Thermometerstand in Wien, nach achtjährige Beobachtung, publié dans le Zeitschrift für Physik und Mathematiek, Band. VI.

20 Jacquin, Ombrometrische Messung, und thermohygrometrisch. Beobachtung, publié par le Medicinische Jahrbücher, Band. XIV, XV et XVI.

pitale jouit d'un climat tempéré en hiver le froid moyen est de 4o au dessous de zéro, le froid maximum de 19° R., et en été la chaleur moyenne est de 16o R., le maximum de 29° R.

Pour compléter ces renseignements, nous devons encore faire connaître les variations offertes par la pression atmosphérique et par l'état hygrométrique de l'air.

La pression atmosphérique moyenne est de 27,594 le maximum s'observe en février, le minimum en avril, la moyenne au mois d'août. Le degré moyen d'humidité est de 72,279; la quantité moyenne de vapeur aqueuse est de 45,45 grains pour un pied cube; le maximum de vapeur aqueuse se constate en juin (11,10 grains) et le minimum en mars (1,14 grains).

Des renseignements qui précèdent il résulte que le climat de Vienne est tempéré, mais assez inconstant, et doit contribuer à rendre fréquentes les affections des organes de la respiration; il exerce donc pour le même motif une influence fâcheuse sur leur marche, et en rend en même temps le pronostic plus grave et la guérison plus lente. Ceci s'applique également à la pneumonie: on comprend que les oscillations thermométriques continuelles qui, malgré toutes les précautions, ne permettent pas d'entretenir un degré de chaleur uniforme dans les salles des malades, sont une cause fréquente d'exacerbations dans la marche de la maladie, et une source de dangers réels.

Si, comme nous venons de le prouver, le climat de Vienne est plutôt susceptible d'augmenter que de diminuer la mortalité, on ne sera pas autorisé à attribuer à l'élément circumfusa les succès du professeur Oppolzer, et il faudra nécessairement les rapporter à des causes d'une autre nature.

On ne peut pas prétendre non plus que les cas de pneumonie observés par nous ont offert généralement une gravité moindre que ceux qui ont été recueillis dans d'autres pays.

Le chiffre de sept pneumonies bilatérales sur un total de trente-neuf cas serait suffisant pour prouver combien cette supposition serait erronée. Mais pour enlever jusqu'à l'ombre d'un doute à ce sujet, nous croyons opportun de passer en revue chacun des symptômes de la maladie, pour avoir ainsi l'occasion de confronter nos chiffres statistiques avec ceux qui ont été fournis par d'autres observateurs.

Et d'abord, parlons de la fièvre dans tous les cas, elle a été intense; outre la chaleur excessive de la peau, sans parler des autres symptômes fébriles, le pouls n'a pas donné moins de 100, ni au-dessus de 160 pulsations : ce dernier chiffre a été observé une seule fois dans un cas qui s'est terminé par la mort.

Quant aux symptômes nerveux, nous avons eu occasion de les constater dans six cas; une fois nous avons observé l'agrypnie, deux fois le coma, trois fois le délire signalons ici, en passant, que l'un des trois individus atteints de délire. appartenait au sexe féminin. La fréquence de cette complication a donc été de 7 pour 100: ce chiffre diffère beaucoup de celui obtenu par Louis, lequel affirme

que dans la pneumonie le délire se manifeste dans la proportion de 12 pour 100. La différence qui existe entre ce dernier chiffre et le nôtre s'explique naturellement; on sait, en effet, que chez les malades appartenant à une nation douée d'une vive imagination, le délire est plus fréquent que chez ceux qui sont doués à un moindre degré de cette qualité intellectuelle. D'autre part, la coïncidence du délire observée par M. Louis peut s'expliquer encore par certaines lésions fonctionnelles du canal intestinal, car dans deux cas il a existé une violente diarrhée.

L'herpès s'est manifesté 5 fois; soit dans la proportion de 12 pour 100; dans un cas seulement il s'est montré en même temps que les premiers symptômes fébriles, tandis que dans tous les autres il n'est apparu qu'au déclin de la fièvre. Ici encore, nous avons eu occasion de confirmer l'opinion, aujourd'hui généralement admise, que l'herpès n'offre aucune valeur au point de vue du pronostic, car chez les malades qui ont présenté ce symptôme, la résolution de la pneumonie a eu lieu tardivement, et par suite l'affection a duré plus longtemps; c'est-àdire que dans un cas, la résolution s'est accomplie le neuvième jour, dans deux, le septième jour, et dans les deux autres enfin, elle a eu lieu le sixième jour.

La dyspnée, la toux, la douleur existaient, dans tous les cas, à un degré plus ou moins caractérisé pour ce qui concerne la douleur, nous n'avons pu recueillir des données statistiques précises; cependant, ce symptôme s'est manifesté avec plus ou moins d'intensité dans les trente-neuf cas. Ce fait étonnera peut-être quelques-uns d'entre nos lecteurs, s'ils le comparent aux résultats consignés dans l'ouvrage classique de Grisolle, lequel a vérifié que sur trois cents et un cas la douleur avait fait 29 fois défaut. Toutefois cette contradiction entre nos résultats et ceux du célèbre professeur français n'est qu'apparente; d'après les recherches de ce dernier, la douleur ne se montre pas, en général, chez les enfants, tandis qu'on l'observe presque constamment chez les adultes or, nos pneumoniques avaient tous atteint l'âge adulte; il n'est donc pas étonnant que sur notre chiffre restreint de malades, la douleur ait été constamment observée.

La résolution de la maladie a eu lieu, en général, entre le quatrième et le onzième jour, soit 3 fois (7 pour 100) le quatrième jour, 11 fois (28 pour 100) le cinquième, 5 fois (12 pour 100) le sixième, 6 fois (15 pour 100) le septième, 5 fois (12 pour 100) le huitième, 1 fois (2 pour 100) le neuvième, et 4 fois (10 pour 100) le onzième jour de maladie. Dans les autres cas les sujets ont succombé avant la résolution de la pneumonie.

La cyanose a été observée 7 fois, mais nous nous étendrons plus au long sur ce symptôme en parlant de la médication.

Neuf cas ont offert des complications plus ou moins graves, c'est-à-dire que 2 fois on a constaté la diarrhée, 1 fois une tumeur de la rate, 1 fois aussi un thrombus de la veine crurale, et enfin un seul cas s'est compliqué de décubitus; il est à remarquer que ce dernier malade était atteint de typhus.

Enfin, la durée de la maladie a varié entre douze et quarante jours, bien en

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