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était plat et indolore, le sommeil de la nuit avait été bon; la peau était moite et modérément chaude, le pouls, régulier et de force normale, battait 96 fois par minute, la langue était humide et bonne. Les points de suture furent enlevés, de nouvelles bandelettes de sparadrap posées et le pansement terminé comme la première fois. Deux vomissements et un peu de douleur survenus quelques heures après l'opération furent les seuls accidents à combattre; des boissons glacées et deux lavements laudanisés en firent prompte justice. Je revis plusieurs fois la malade ensuite; il ne lui restait comme souvenir de l'opération qu'une petite cicatrice linéaire à la partie médiane de l'abdomen.

Dans ces deux cas il est évident qu'il eût mieux valu ne pas tenter l'opération s'il avait été possible de reconnaître avec certitude, par les symptômes extérieurs, les conditions dans lesquelles se trouvaient les tumeurs. Mais cette certitude pouvait-elle être obtenue sans ouvrir l'abdomen? La grande pratique et la science bien établie des opérateurs que je viens de citer, suffit pour prouver que dans ce cas l'incision de l'abdomen était seule capable de conduire à une connaissance parfaite de l'état des organes malades. L'obscurité qui, de l'avis de tous les auteurs qui se sont occupés de la question, entoure souvent le diagnostic des affections ovariques rend les erreurs de ce genre inévitables et partant pardonnables.

Les résultats de ces opérations ne portèrent, du reste, aucun préjudice à l'état des patientes, et permirent aux chirurgiens, en les éclairant définitivement sur l'état des choses, de porter, dans le premier cas, un pronostic certain et irrémissible; dans le second, d'être mieux guidé dans la voie des décisions à prendre pour établir le traitement consécutif.

En s'abstenant d'agir, M. Baker-Brown laissait peut-être échapper le dernier moyen de salut qui se présentait et qu'il avait toutes raisons de croire praticable; l'opération lui prouva qu'il avait trop espéré, sans lui faire regretter d'avoir agi.

Chez l'opérée de M. Spencer Wells, le diagnostic était aussi obscur: avait-on affaire à un kyste ovarique très-développé accompagné dans le même ovaire, comme cela se rencontre souvent, de petits kystes en voie de développement? Ou bien était-ce une tumeur dure de l'ovaire nageant dans un liquide ascitique considérable? Dans un cas comme dans l'autre, la ponction simple, évacuatrice, ne pouvait conduire à une certitude absolue. L'ascite, ne résultant pas des causes organiques qui la produisent le plus communément, n'avait pas de raisons suffisantes pour s'affirmer sans conteste. La poche kystique, si c'en était une, une fois vidée permettrait de reconnaître l'existence d'autres tumeurs ovariques grou pées, dont les caractères constitutifs seraient difficiles à établir. Dans les deux cas, après la ponction, le liquide pouvait reparaître sans qu'il fût possible de spécifier s'il était le résultat de la sécrétion de la membrane interne d'un kyste ou de la séreuse péritonéale. Quel traitement employer alors? La ponction simple plusieurs fois répétée? Mais ce mode de traitement n'était que palliatif, et répété souvent il exposait à des dangers toujours nouveaux. L'injection iodée ? Celle-ci devait être excessivement grave si l'on avait affaire à une ascite, elle

pouvait être inutile si c'était un kyste; car, en supposant qu'elle eût produit son meilleur effet, le kyste principal une fois guéri, les autres pouvaient s'accroître et nécessiter plus tard une nouvelle opération. La ponction suivie d'injection iodée, qui est loin d'être une opération innocente, même quand elle paraît le mieux indiquée, devait être rejetée dans ce cas à cause du doute même qui entourait le diagnostic. Il ne restait donc que l'incision abdominale; celle-ci seule pouvait éclairer la question; elle était, du reste, le premier pas fait dans la voie du seul traitement curatif possible. Cette opération n'a pas d'ailleurs toute la gravité qu'on pourrait lui attribuer; les deux faits que nous venons de citer plaident en sa faveur et viennent une fois de plus corroborer ce que d'autres, que nous citerons plus loin, avaient déjà commencé à établir.

Les quatre autres opérations purent être terminées, et les patientes débarrassées d'un mal dont les progrès mettaient chez toutes les jours en péril. Trois de ces opérations furent pratiquées par M. Spencer Wells, deux à Samaritan Hospital, une dans sa pratique particulière; la quatrième par M. Fergusson à King's College Hospital.

La première malade était âgée de 36 ans, non mariée, d'une bonne constitution, d'un tempérament lymphatique. La présence de la tumeur avait été constatée chez elle il y a deux ans, elle s'était accrue lentement d'abord, depuis six mois elle avait pris une marche rapide. Ponctionnée le 1er février, elle avait donné 36 livres anglaises (1) d'un liquide visqueux qui n'avait pas tardé à se reproduire puisque, un mois après, la tumeur avait acquis de nouveau un volume analogue à celui qu'elle présentait lors de la ponction. La circonférence du corps au niveau de l'ombilic mesurait 48 pouces anglais (2); la distance de l'appendice xyphoïde à la symphyse pubienne, 24. La distance de l'ombilic à chaque épine iliaque était égale, elle mesurait 51 pouces de chaque côté. La fluctuation était manifeste dans les parties antérieure et inférieure de la tumeur. Le flanc gauche était le siége d'une matité complète et très-étendue. L'utérus était central, mobile et tout à fait normal.

De ces données, et de celles que l'on avait pu acquérir par l'examen de la tumeur après la ponction, on conclut à l'existence d'un kyste multiloculaire de l'ovaire gauche. La rapide reproduction du liquide après son évacuation, sa nature, et la multiplicité des loges de la tumeur, indiquaient l'ovariotomie comme seul traitement à employer.

L'opération est pratiquée le 2 mars à deux heures de l'après-midi, d'après les règles ordinairement suivies par M. Spencer Wells et que nous donnerons en détail plus loin. La tumeur est mise au jour par une incision abdominale pareille à celles que nous avons indiquées plus haut; l'opérateur passant la main entre le kyste et le feuillet pariétal du péritoine y constate l'existence de brides

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cellulo-membraneuses assez abondantes, mais lâches; il les déchire par des mouvements en divers sens imprimés à sa main. Une fois débarrassée de ces adhérences, la tumeur est ponctionnée; quand elle fut réduite à un volume tel qu'il fut possible de l'attirer au dehors, on la fit sortir de l'abdomen en ayant soin d'empêcher le liquide qu'elle contenait encore de s'épancher dans la cavité péritonéale. Le kyste principal une fois sorti, il reste à enlever les petits kystes secondaires qui se trouvent derrière lui; en ce faisant, et à cause d'adhérences qui existaient entre ces tumeurs et les organes voisins, quelques-unes de celles-là se déchirent et laissent écouler leur contenu visqueux dans le petit bassin. On parvient cependant à faire sortir le tout. Le pédicule amené au dehors est comprimé entre les branches d'un clamp, et la tumeur est enlevée par une section faite un peu au-dessus de l'instrument compresseur. On enlève ensuite à l'aide de plusieurs éponges, introduites successivement dans l'abdomen, tout le liquide qui s'y était épanché; on constate l'état de l'ovaire droit, qui est trouvé parfaitement sain; l'on s'assure que les brides celluleuses détruites ne donnent pas de sang, l'une de ces brides en laissant couler un peu, on y applique une ligature que l'on maintient au dehors en la rapprochant de l'instrument destiné à retenir le pédicule. On pose trois points de suture de soie distants l'un de l'autre de deux travers de doigt, comprenant toute l'épaisseur des lèvres de la plaie, et dont l'inférieur est aussi près que possible du pédicule; ceux-ci posés on en applique entre eux d'autres, plus superficiels, qui ne comprennent que la peau. Le pédicule est placé à l'angle inférieur de la plaie et maintenu par le clamp; on interpose entre l'instrument et les léguments, pour garantir ceux-ci, de petites compresses cératées. Des bandelettes agglutinatives et un pansement comme ceux indiqués plus haut complètent le tout. La malade est transportée dans son lit étant encore sous l'influence du chloroforme dont on lui avait fait respirer les vapeurs, autant que de nécessité, pendant tout le cours de l'opération. Le tout avait duré vingt minutes.

Le lendemain matin, quinze heures après l'opération, la malade qui l'avait supportée était d'un calme parfait, couchée tranquillement dans son lit, ayant le sourire sur les lèvres, la physionomie bonne et éveillée, ne souffrant pas du tout, n'ayant pour ainsi dire pas souffert; elle avait eu six heures de bon sommeil la nuit; son pouls régulier, modérément développé, battait 94 fois pas minute. La peau était moite et de chaleur normale, la langue humide et rosée; le ventre indolent et plat. Elle accusait de l'appétit; on l'autorise à prendre de l'eau d'orge.

Cet état de tranquillité et de calme qui succède ordinairement à ces opérations, est certainement l'un des plus étonnants phénomènes qui se puisse voir et celui qui frappe le plus vivement celui qui n'en a pas encore été témoin. Le péritoine que l'on avait toujours considéré comme doué d'une sensibilité telle que l'on n'osait y toucher qu'en tremblant, s'exposant aux accidents les plus formidables et souvent foudroyants, est ici taillé, tiraillé, épongé, frotté

de toutes façons, le tout au prix de quelques douleurs que l'on combat à l'aide de l'opium, de quelques vomissements qui cèdent sous l'influence de l'ingestion de boissons glacées (1).

Dans ce cas deux lavements, contenant chacun 20 gouttes de laudanum, avaient été passés dans la soirée qui suivit l'opération; ils avaient suffi, comme nous l'avons vu, pour procurer une bonne nuit; on avait aussi, à l'aide de glace donnée à sucer à la malade, arrêté les vomissements qui ne se présentèrent que deux fois.

Quarante-huit heures plus tard l'on enlevait les points de sutures; la réunion par première intention avait été obtenue dans toute l'étendue de la plaie.

Le 5 mars, le pouls était plus fréquent et plus faible; il y avait une légère réaction fébrile, indice probable du travail de suppuration éliminatrice qui s'établissait autour du pédicule comprimé; cette fièvre disparut, en effet, quand la suppuration fut bien établie. Rien de particulier ne se passa plus dans la marche de la maladie dès ce jour; et quand je revis une dernière fois l'opérée, la veille de mon départ, quinze jours après l'opération, elle pouvait alors être considérée comme guérie ; il ne lui restait qu'une petite surface suppurante, de l'étendue d'une pièce d'un centime et d'un aspect très-rassurant à l'endroit où le pédicule avait été retenu.

Les deux autres opérées de M. Spencer Wells étaient aussi, je le répète, lorsque je quittai Londres, dans de très-bonnes conditions. L'une, âgée d'une trentaine d'années, avait subi l'extirpation d'un kyste ovarique multiloculaire, n'adhérant ni aux parois abdominales, ni aux organes voisins, pesant 58 livres, et contenant un liquide visqueux, brunâtre. L'opération avait marché avec une régularité parfaite, on n'avait rencontré aucune des complications qui avaient rendu la précédente si grave; tout enfin devait faire prévoir une réussite complète.

La seconde, opérée le 9 mars, d'un kyste multiloculaire du poids de 50 livres, était le 18 dans des conditions telles que l'opérateur m'assura qu'il pouvait répondre du succès (2).

(La suite au prochain No.)

(1) Cette observation que nous rapporta M. Spencer Wells, et qui lui fut faite par une mère dont il venait d'opérer la fille, dépeint bien le calme dont jouissent les opérées après l'ovariotomie: «Ma fille, lui disait cette dame, se trouve beaucoup mieux aujourd'hui, un jour après l'opération, que je ne me suis jamais trouvée le lendemain de mes couches. » Ses couches avaient cependant toujours été naturelles. Un fait à noter et que je tiens aussi de M. Spencer Wells, c'est que la péritonite est, de toutes les causes de mort qui suivent l'opération, la plus rare; le tétanos, les troubles nerveux suivis d'adynamic produits par l'ébranlement que cause l'opération, et la résorption purulente sont les plus fréquentes.

(2) Il ne s'est pas trompé, nous venons (le 5 mai) de recevoir de lui la nouvelle que ses trois opérées de mars sont guéries et complétement bien.

Compte-rendu STATISTIQUE DES CAS DE PNEUMONIE TRAITÉS pendant l'année 1861, dans le service clinique de M. le professeur OPPOLZER, de Vienne; par M. le docteur L. MONTI, membre correspondant, à Vienne. - Traduit de l'italien, par le docteur E. JANSSENS, secrétaire-adjoint de la Société.

L'accueil bienveillant qu'a reçu notre Monographie de la pneumonie, rédigée d'après les leçons du célébre professeur Oppolzer, et qui a eu l'honneur d'être traduite en français (1), par notre honorable ami, M. le docteur E. Janssens, nous décide à appeler de nouveau l'attention du public médical sur le même sujet, dans le but de prouver à l'aide des données éloquentes de la statistique, l'efficacité de la méthode de traitement exposée dans notre précédent travail (2).

En faisant connaître le résultat de nos recherches statistiques, nous sommes heureux de satisfaire en même temps à un désir de M. le professeur Oppolzer, chez lequel les qualités éminentes de l'esprit sont rehaussées par celles du cœur, et par la bienveillance avec laquelle il prodigue ses conseils précieux aux nombreux élèves qui de toutes parts viennent puiser à la source abondante de son vaste savoir et de son immense expérience. Grâce à son obligeance, nous avons eu à notre disposition tous les matériaux et le recueil d'observations de la clinique qu'il dirige. Hâtons-nous de dire toutefois qu'en rédigeant ce travail, nous n'avons nullement eu l'intention de vanter outre mesure les succès obtenus par l'illustre professeur viennois : nous avons cédé à un mobile bien différent, celui de justifier par des faits les aphorismes thérapeutiques, qui paraissent avoir reçu un accueil favorable à l'étranger et surtout en Belgique, et qui ont paru généralement satisfaire aux exigences de la pratique.

La clinique médicale du professeur Oppolzer dispose de riches et nombreux matériaux, recueillis, d'une part dans les deux vastes salles destinées à l'enseignement clinique et qui comptent quarante-huit lits, d'autre part chez les nombreux malades de la ville, des faubourgs et des régions voisines de la capitale, qui affluent chaque jour à la consultation gratuite du célèbre praticien. On n'aura donc pas lieu de s'étonner du nombre considérable des cas de pneumonie que nous allons exposer.

Pendant l'année 1861, le chiffre total des pneumonies observées à la clinique s'est élevé à 39, dont 29 à partir du mois de janvier jusqu'au 15 juillet de l'année académique précédente, et 10 pendant les mois d'octobre, novembre et décembre de l'année académique actuelle.

Ces 39 cas de pneumonie se décomposent comme suit 20 pneumonies à gauche, 12 à droite, 7 bilatérales, soit pour 100 cas 51 à gauche, 30 à droite et 18 des deux côtés. En comparant ces chiffres avec ceux qui ont

(14) La traduction dont il s'agit a paru dans le Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie de Bruxelles, année 1864, vol. XXXIII, pag. 541.

(2) Notre travail a été publié primitivement dans la Gazzetta medica Lombarda, année 1860, No 55. — 1861, Nos 1 à 26.

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