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Antony battait avec Dante
Un andante;

Émile ébauchait vite et tôt
Un presto.

Sainte-Beuve faisait dans l'ombre
Douce et sombre,

Pour un œil noir, un blanc bonnet,
Un sonnet.

Et moi, de cet honneur insigne
Trop indigne,

Enfant par hasard adopté
Et gâle,

Je brochais des ballades, l'une

A la lune,

L'autre à deux yeux noirs et jaloux, Andaloux.

Cher temps, plein de mélancolie,

De folie,

Dont il faut rendre à l'amitié

La moitié!

Pourquoi, sur ces flots où s'élance
L'Espérance,

Ne voit-on que le Souvenir
Revenir?

Ami, toi qu'a piqué l'abeille,
Ton cœur veille,

Et tu n'en saurais ni guérir
Ni mourir;

Mais comment fais-tu donc, vieux maître,
Pour renaître?

Car tes vers, en dépit du temps,
Ont vingt ans.

Si jamais ta tête qui penche
Devient blanche,

Ce sera comme l'amandier,
Cher Nodier.

Ce qui le blanchit n'est pas l'âge,
Ni l'orage;

C'est la fraîche rosée en pleurs

Dans les fleurs.

Août 1843.

A MON FRÈRE, REVENANT D'ITALIE.

Ainsi, mon cher, tu t'en reviens
Du pays dont je me souviens
Comme d'un rêve,

De ces beaux lieux où l'oranger
Naquit pour nous dédommager
Du péché d'Ève.

Tu l'as vu, ce ciel enchanté
Qui montre avec tant de clarté
Le grand mystère ;

Si pur, qu'un soupir monte à Dieu
Plus librement qu'en aucun lieu
Qui soit sur terre.

Tu les as vus, les vieux manoirs
De cette ville aux palais noirs
Qui fut Florence,

Plus ennuyeuse que Milan

Où, du moins, quatre ou cinq fois l'an,

Cerrito danse.

Tu l'as vue, assise dans l'eau,
Portant gaîment son mezzaro,
La belle Gênes,

Le visage peint, l'œil brillant,
Qui babille et joue en riant
Avec ses chaînes.

Tu l'as vu, cet antique port,
Où, dans son grand langage mort,
Le flot murmure,

Où Stendhal, cet esprit charmant,
Remplissait si dévotement

Sa sinécure.

Tu l'as vu, ce fantôme allier
Qui jadis eut le monde entier
Sous son empire.

César dans sa pourpre est tombé;
Dans un petit manteau d'abbé
Sa veuve expire.

Tu t'es bercé sur ce flot pur
Où Naple enchâsse dans l'azur
Sa mosaïque;

Oreiller des lazzaroni

Où sont nés le macaroni

Et la musique.

Qu'il soit rusé, simple ou moqueur, N'est-ce pas qu'il nous laisse au cœur Un charme étrange,

Ce peuple ami de la gaîté

Qui donnerait gloire et beauté

Pour une orange?

Catane et Palerme t'ont plu.

Je n'en dis rien; nous t'avons lu.
Mais on t'accuse

D'avoir parlé bien tendrement,
Moins en voyageur qu'en amant,
De Syracuse.

Ils sont beaux, quand il fait beau temps, Ces yeux presque mahométans

De la Sicile;

Leur regard tranquille est ardent,
Et bien dire en y répondant
N'est pas facile.

Ils sont doux, surtout quand le soir
Passe dans son domino noir

La toppatelle.

On peut l'aborder sans danger,
Et dire « Je suis étranger,
» Vous êtes belle. >>

Ischia ! C'est là qu'on a des yeux,
C'est là qu'un corsage amoureux
Serre la hanche.

Sur un bas rouge bien tiré
Brille, sous le jupon doré,

La mule blanche.

Pauvre Ischia ! bien des gens n'ont vu Tes jeunes filles que pied nu

Dans la poussière.

On les endimanche à prix d'or;
Mais ton pur soleil brille encor
Sur leur misère.

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