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menstruée, et depuis la même époque, elle avait été prise de douleurs dans les membres inférieurs. Ces douleurs empêchaient la marche; elles s'étaient ensuite concentrées vers le genou gauche, lequel s'était tuméfié. Cette malade fut traitée par les bains sulfureux, le vin de colchique, l'extrait d'aconit et plusieurs applications du marteau de Mayor: il y eut soulagement mais non entière guérison.

Hippocrate avait avancé que les femmes devenaient sujettes à la goutte quand leurs règles avaient cessé de couler (1). Madame S...., âgée de 40 ans, n'était plus réglée depuis 4 ans, lorsque des douleurs vagues se firent sentir dans les articulations. Ces douleurs devinrent très-intenses aux gros orteils et suivirent la direction des premiers métatarsiens : il y avait du gonflement, plus tard les articulations tibio-tarsiennes furent affectées. Parfois une phlegmasie catarrhale alterne avec cette disposition arthritique.

Les femmes qui ont passé l'âge critique présentent très-souvent des altérations dans la forme des doigts, des nodosités autour des articulations, à peu près semblables aux tophus des goutteux. Serait-ce une forme de goutte propre aux femmes arrivées à cet âge? C'est un point à examiner.

3° Tempérament, constitution. D'après Baillou, Cullen, Barthez, M. Chomel, le tempérament sanguin dispose au rhumatisme. Ce dernier médecin dit, dans sa thèse, que sur 72 individus atteints de rhumatisme, chez lesquels il fut possible de bien déterminer la nature du tempérament, 53 offraient une prédominance sanguine très-prononcée. Hippocrate dit, à la fin du 2e livre des Prorrhétiques, que les individus qui ont eu dans leur enfance de fréquentes epistaxis deviennent sujets au rhumatisme. M. Chomel ayant demandé à 42 malades s'ils avaient eu dans leur jeune âge des hémorrhagies nasales, obtint 23 réponses affirmatives.

Nous avons apprécié assez exactement, chez 83 malades, l'espèce de tempérament, et nous avons trouvé qu'il y en avait 46 avec prédominance sanguine, 34 avec tempérament lymphatique, 3 avec développement du système nerveux. Cette dernière série qui, dans les hôpitaux, est la plus stérile, devient l'une des plus fécondes dans la pratique civile. Scudamore a observé souvent le rhumatisme chez des individus maigres, à peau fine et délicate (2).

Un certain degré de faiblesse unie à une excitabilité nerveuse exagérée, dispose aux affections rhumatismales, mais moins qu'une constitution forte. Sur 114 individus dont la constitution est indiquée dans nos observations, 95 étaient robustes et 10 étaient d'une faible complexion.

D'après Hippocrate, les eunuques ne seraient pas sujets au rhumatisme. Au lieu de rechercher à expliquer pourquoi, il faudrait d'abord savoir si cela est, car il paraît que l'expérience a démenti cette assertion, s'il faut s'en rapporter à Musa Brassavolo (3).

Mais, une circonstance plus positive, c'est la disposition au rhumatisme que procure une première attaque de cette maladie; c'est la tendance à la récidive ou à la recrudescence.

4° Hérédité. Parmi les différences que l'on a établies entre la goutte et le rhumatisme, l'hérédité n'a point été oubliée. On l'a regardée comme à peu près nulle relativement à la production de ce dernier. Mais cette proposition est inexacte, le rhumatisme s'est souvent montré héréditaire. Nous l'avons observé plusieurs fois. En voici un exemple : Madame de B.... est mère de six fils; parmi ceux-ci, trois ont

(1) Aph. 29, sect. VI,

(2) P. 373

(3) Epist. 47, act. í.

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été maintes fois atteints de rhumatisme, et même les deux plus jeunes en ont été affectés dès l'âge de 14 ans. Madamé de B.... a elle-même les articulations tibio. fémorales et tibio-tarsiennes, habituellement tuméfiées et douloureuses, elle est d'un tempérament éminemment sanguin et pléthorique, il faut souvent la faire saigner. Ce fait confirme ceux donnés par Morgagni (1) et par MM. Chomel (2) et Andral. Il suit aussi de leurs observations et des miennes que le rhumatisme héréditaire se développé ordinairement dans l'adolescence.

·5o Professions. Il est des professions qui exposent au rhumatisme, parce qu'elles exposent les individus qui les exercent, à subir l'influence des vicissitudes atmosphériques, ou à passer par des transitions brusques de température. Rouppe, dans son Traité des maladies des navigateurs, avait noté la fréquence du rhumatisme chez les marins.

Dans nos observations, nous n'avons noté la profession que 312 fois ; dans les autres cas, il s'agissait d'individus sans état ou à états variables, allant travailler à la journée de diverses façons.

Nous diviserons ces professions en celles, 1o qui exposent les personnes qui s'y livrent à l'action des variations atmosphériques, pluie, vent, froid, chaud, etc.; 2o qui exposent à faire passer subitement d'une forte chaleur à une température ordinaire ou froide; 3° celles qui sont sédentaires, à l'abri de ces influences fâcheuses; 4° celles qui portent un caractère mixte.

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Dans cette dernière catégorie, les domestiques sont en grand nombre, parce que l'hôpital est leur refuge ordinaire, dès qu'ils sont malades, n'ayant ni domicile fixe, ni famille; il en est à peu près de même des terrassiers, qui mènent la plupart une vie errante.

Il résulte de ces relevés, que les professions qui soumettent aux vicissitudes

(1) Epist. 47, art. 4.

(2) P. 135.

atmosphériques, sont aussi celles qui favorisent le plus l'invasion du rhumatisme; viennent ensuite celles qui font passer par des alternatives brusques de température. Elles nuisent en exposant à des suppressions de transpiration.

Causes efficientes. — Il est des causes immédiates ou locales consistant en des contusions, des distensions, des efforts qui irritent plus ou moins les tissus fibreux articulaires ou musculaires, et agissent exclusivement par elles-mêmes, ou ajoutent aux causes du rhumatisme. C'est ce que l'on observe à l'égard du lumbago. Scudamore regarde comme fréquentes, ces causes externes locales ou traumatiques.

Nous en avons eu un exemple assez remarquable.

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4le OBS. Croisy, âgé de 49 ans, paveur, d'une constitution sèche, taille élevée, tempérament lymphatico sanguin, reçut au mois de janvier 1840, une percussion forte au-dessous de la rotule droite, le genou se tuméfia et devint douloureux; le malade entra à l'hôpital et fut placé dans une salle de chirurgie. On fit des saignées locales, la douleur diminua, mais quelque temps après, elle se fit sentir dans le genou opposé, lequel se túméfia; des saignées locales furent de nouveau employées, mais bientôt l'articulation scapulo-hùmérale droite devint douloureuse, et le membre supérieur du même côté fut mis dans une entière immobilité. Cet état persistant, le malade fut envoyé dans l'une des salles de clinique interne,

Examiné le 30 mars, il nous montra les articulations tibio-fémorales gonflées, sans rougeur, sensibles à la pression, presque immobiles, les articulations tibiotarsiennes également affectées, celle de l'épaule droite douloureuse, surtout à sa partie postérieure, et très-gênée dans les mouvements. Il y avait un peu de fréquence du pouls, les organes digestifs et respiratoires étaient dans l'état normal. Cette affection se prolongea jusqu'en mai, diminua en juin, et guérit en juillet. Elle n'offrit dans son cours d'autre particularité saillante qu'une douleur au pharynx, s'étendant jusqu'à la nuque. Les moyens employés furent deux saignées du bras, des sinapismes et des vésicatoires volants sur les parties affectées, les bains alcalins et sulfureux, la teinture de colchique, quelques drastiques, etc.

Y avait-il chez ce malade une disposition primitive au rhumatisme que la contusion fit éclater, ou cette contusion fut-elle la cause première de cette disposition? Il serait difficile de résoudre positivement ce problème; il y a des raisons assez bonnes pour les deux solutions. Ce fait rappelle celui de l'observation 35o, dans lequel une affection arthritique générale parut naître sous l'influence purement locale et traumatique d'une distension articulaire.

2o Parmi les causes générales ou sympathiques du rhumatisme, l'une des plus fréquentes est la suppression de transpiration. Ainsi, l'impression d'un air froid et humide sur le corps qui vient d'être exposé à une haute température, la substitution de vêtements légers à des vêtements chauds, l'immersion dans l'eau froide, le contact d'un corps froid et humide sur une partie, l'ingestion d'une boisson trèsfraiche dans les voies digestives pendant que la surface du corps est couverte de sueur, sont des causes fréquentes de rhumatisme.

Ces causes agissent avec plus d'intensité pendant le sommeil que durant la veille, sans doute parce que, dans cet état, l'organisme réagit moins, reçoit d'une manière passive les impressions et y cède. Il est certain que l'habitation d'une maison récemment construite, dont les plâtres ne sont pas encore secs, a souvent fait naître des douleurs rhumatismales (1). On a même remarqué que celles-ci se montraient surtout du côté correspondant au mur humide contre lequel le lit était appliqué ; on a vu maintes fois, des individus qui s'étaient endormis sur l'herbe

(1) M. le docteur Requin en a fait l'expérienee sur lui-même. le rhumatisme, p. 131.

Leçons de M. Chomel sur

humectée par la rosée ou la pluie, contracter des affections rhumatismales. Tel est le cas de l'individu dont j'ai rapporté l'histoire dans la 11 observation. Il est impossible de méconnaître l'action directe d'un corps humide et froid sur une partie plus ou moins étendue, contact qui fut prolongé et dont l'effet fut favorisé par l'inaction absolue, l'état entièrement passif de l'individu qui le recevait. Nous avons eu sous les yeux un autre malade qui devait une affection rhumatismale de la cuisse droite, propagée à la jambe et au pied, à son séjour habituel dans une boutique başse, humide et froide. Cet individu exerçait la profession de tisserand. - Olaus Borrichius parle d'un Polonais qui fut pris d'un rhumatisme par suite de l'habitude qu'il avait d'écrire les bras nus, sur une table de marbre sans tapis (1).

Les saisons, qui, par leurs vicissitudes fréquentes, exposent le plus aux suppressions de transpiration, sont aussi celles durant lesquelles le rhumatisme se développe le plus fréquemment. C'est surtout au printemps et en automne que ces variations brusques et réitérées s'observent; c'est aussi vers ces époques que le rhumatisme se montre le plus souvent. Hippocrate en avait fait la remarque (2). Elle a été confirmée par Stoll et Roussel. Sydenham a vu cette affection régner principalement en automne, et Haygarth en hiver (3). Pour établir quelques chiffres exacts, j'ai rapproché les 333 cas de rhumatisme recueillis dans les cinq dernières années, sur lesquels est basée la partie expérimentale de ce mémoire et je les ai distribués selon les époques de l'admission des malades. Voici les résultats de cette distribution :

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Ainsi les mois de mars, avril, mai et juin ont été les plus riches, puis vient celui de septembre. On peut donc dire que le printemps est la saison la plus favorable à la production du rhumatisme, l'automne l'est moins.

Les climats tempérés, dans lesquels les variations atmosphériques sont trèsordinaires, ressemblent sous ce rapport aux saisons que je viens de signaler Aussi en France, en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, le rhumatisme est-il très-répandu, tandis qu'il est rare en Laponie, dans le nord de l'Amérique (4) et dans le midi de l'Europe, à Naples, par exemple (5).

Des diverses considérations que je viens de présenter, il paraît naturel de conclure, que la suppression de transpiration est l'une des causes les plus communes du rhumatisme. Cependant, au rapport de M. Grizolles, sur neuf cas observés. à l'Hôtel-Dieu en novembre et décembre 1835 et janvier 1836, cette cause n'avait agi évidemment que deux fois (6), M. Samuel Farry, médecin en chef de l'armée des Etats-Unis, ayant fait des recherches statistiques sur l'étiologie des affections rhumatismales, en conclut, que l'humidité et les changements de température n'avaient pas l'influence fâcheuse qu'on leur attribue (7). Quant à nous, nos obser

(1) Actes de Copenhague, 1676, et Collect. acad, p. étrang. T. 7, p. 32.

(2) Aph. 55. sect. VI.

(3) Annales de littérature méd, étrangère. T. 5, p. 300.

(4) Barthez; Maladies goutteuses. T. 1, P. 308.

(5) Requin; Leçons sur le rhumatisme, p. 130.

(6) Journal hebdomad., 1856, no 13.

(7) Gazette méd., 1841, p. 455.

vations nous prouvent la réalité de cette influence. En effet, dans 112 cas sur 333, c'est-à-dire, sur un tiers, elle a été prouvée par le commémoratif. Si, dans les deux autres tiers, elle n'a pas été consignée, c'est que le plus souvent les malades n'ont pas su donner des renseignements exacts. — Il y a eu chez eux ignorance des causes, celles-ci ayant agi à leur insu. D'ailleurs, tous les observateurs le savent, rien n'est plus difficile que d'obtenir des malades qui fréquentent les hôpitaux des souvenirs fidèles, des réponses justes, des récits exacts. Mais je crois suffisants les documents qu'il nous a été donné de recueillir, pour pouvoir admettre comme causes assez ordinaires du rhumatisme les vicissitudes atmosphériques. C'est principalement à cet ordre de causes, qu'il faut rattacher les épidémies qui ont été plusieurs fois observées, qui l'ont été surtout par Baillou, Huxam, Pringle, Stoll, Storck, Mertens, Saalman, etc. Il serait inutile de reproduire les histoires relatées par ces auteurs, il est d'ailleurs certain que durant certaines années remarquables par l'inconstance du temps, on voit les affections catarrhales et rhumatismales extrêmement répandues: c'est ce que nous avons vu en 1842.

L'une des plus curieuses épidémies de rhumatisme, est celle qui régna aux Antilles en 1827 et 1828. M. Moreau de Jonnes en rendit compte dans la séance de l'Institut du 18 août 1828.. Cette épidémie offrit tous les caractères du rhumatisme articulaire aigu, parfois compliqué d'une éruption analogue à la scarlatine. Elle atteignit tous les âges et les nègres aussi bien que les blancs. C'est la même affection qui régnait en même temps dans les îles de St.-Thomas et de Sainte-Croix, et dont le docteur Stedman a donné dans le journal d'Edimbourg (T. 30. p. 227 ) une description intéressante. Cette maladie fut extrêmement commune, son invasion était subite, une douleur vive s'emparait de la plupart des articulations, quelquefois elle commençait par un doigt, surtout par le petit, il y avait roideur des parties affectées, il survenait de la fièvre, des nausées, des vomissements, etc. Quelle fut la modification atmosphérique qui engendra cette affection? il est impossible de la déterminer. Mais je ferai remarquer que sans doute cette cause fut générale, demeurant inaperçue en certains lieux et se manifestant en d'autres sous telles ou telles apparences. C'est à la même époque qu'on vit surgir à Paris cette maladie épidémique fort singulière à laquelle fut donné le nom d'acrodynie.

3o La suppression des menstrues peut occasionner le rhumatisme. M. Chomel l'a observé (1), mais la cause qui produit l'aménorrhée, par exemple, le refroidissement des extrémités inférieures, ne serait-il pas en même temps et immédiatement, l'agent provocateur de la phlegmasie des organes fibreux.

4o La cessation brusque d'une hémorrhagie habituelle peut avoir le même résultat, c'est ce que constata sur lui-même M. le docteur Requin très-sujet aux épistaxis (2).

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5o La trop rapide terminaison d'un exanthème peut aussi entraîner la production du rhumatisme. La scarlatine a été souvent suivie de ce genre d'affection, bien qu'elle n'ait pas paru s'effacer par une pure délitescence. Murrey en a cité des exemples. M. Pidoux a vu, sur 8 cas de scarlatine dans lesquels l'éruption avait été peu prononcée, 6 fois le rhumatisme se déclarer peu de temps après la disparition des plaques rouges. Quelquefois la desquamation ne s'est opérée qu'après la guérison du rhumatisme (3). M. Grisolle a recueilli deux cas dans lesquels cette dernière affection se montra, dans l'un, pendant le cours d'une scarlatine régu

(1) Leçons sur le rhumatisme, Ire observation.

(2) Ibidem, p. 151.

(3) Journal des connaissances medico-chirurg., 3e année, p. 27.

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