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de résistance où de cohésion du tissu qui en est le siége. Selon que l'ulcère est à son début et superficiel, ou ancien et déjà étendu, il est susceptible ou non d'être guéri. Les médications pharmaceutiques ou internes sont, il faut bien le reconnaître, générale ment inefficaces; peut-être que combinées avec des soins hygiéniques convenables, et employées dès le jeune âge, elles pourraient modifier quelquefois la disposition des dents à s'irriter, à se ramollir, à se carier, et contribuer à leur donner comme aux autres parties de l'organisme, plus de solidité; mais lorsque la maladie existe, c'est principalement, si ce n'est exclusivement, sur les applications locales que le médecin doit compter pour la combattre.

» Parmi les moyens de ce genre, l'un des plus simples consiste à enlever la partie malade, à pénétrer jusqu'aux couches encore saines de l'organe, et à le préserver ainsi des progrès de l'irritation morbide, dont on soustrait le foyer. Pour plus de sûreté, après l'ablation des parties altérées, il est d'usage assez général de cautériser le tissu sain mis à découvert. Cette cautérisation, sur laquelle je m'occupe de rassembler des faits et de tenter des expériences dont je me propose de rendre compte à l'Académie; cette cautérisation, dis-je, présente alors le double avantage d'achever de détruire les portions malades que la lime aurait pu épargner, et de convertir en nécrose les surfaces touchées par le cautère, de telle sorte qu'au-dessous d'elles il se forme une cicatrice osseuse solide.

Lorsque la lime ne peut être employée, à raison de la profondeur des cavités creusées par la carie, il est parfois possible encore de ruginer celles-ci, et de les cautériser; mais alors le feu n'agissant pas immédiate ment sur le tissu sain, l'opération ne jouit que d'une efficacité bien moindre.

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Enfin, dans le plus grand nombre des cas, un des procédés les plus généralement employés, un de ceux dont l'expérience a le mieux constaté les avantages, est le plombage des dents. Obturer la cavité cariée d'une dent, préalablement ruginée avec soin et desséchée exactement, à l'aide d'une substance résistante, compacte, impénétrable, qui fasse corps avec l'organe et ne se laisse attaquer ni mécaniquement, ni chimiquement par les liquides buccaux ou les matières alimentaires, telles sont les conditions que le plombage des dents, pour me servir de l'expression consacrée, doit remplir. Soustraire la surface ulcérée au contact de l'air, à ses vicissitudes, à l'action des aliments et des boissons, aux instruments offensifs et aux titillations irritantes des malades, tel est le mode d'action de ce procédé;

il ne guérit pas toujours, mais en écartant des parties affectées des causes incessantes d'irritations et de douleurs, en appliquant sur elles une sorte d'appareil inamovible, il suspend, il ralentit les progrès du mal; et telle dent qui semblait devoir être prochainement usée et détruite, a pu être conservée, grâce à lui, durant un grand nombre d'années encore.

» Si ces considérations sont fondées, il est évident que la substance la plus malléable, la plus facile à disposer en couches solides au fond des cavités morbides, la plus réfractaire aux agents externes et aussi la moins susceptible d'exercer une action nuisible sur la substance dentaire, est celle qui, entre toutes, mérite la préférence. Mais les substances douées de ces propriétés sont d'un prix assez élevé, leur application méthodique exige de la patience, de l'habileté, des ménagements et des précautions dont tout le monde ne comprend pas la nécessité. Il a paru bien plus simple à quelques personnes, et spécialement à nos confrères d'outre-Manche, de s'attacher à la recherche d'une pâte qui serait introduite à l'état mou dans la cavité dentaire convenablement préparéc, où elle se durcirait et dont elle remplirait les anfractuosités.

>> Parmi ces pâtes, il en est plusieurs, dont l'usage ne s'est que trop répandu et qui produisent des effets désastreux, que je considère comme un devoir de signaler. Je veux parler des pâtes dans la composition desquelles entre le mercure, et qui reçoivent de la présence de ce métal, la propriété de se ramollir, puis de se durcir successivement par l'évaporation ou l'absorption du principe qui les ramollissait. »

Afin de mieux faire comprendre tout le danger des amalgames mercuriaux employés au plombage des dents, l'auteur rappelle ici les effets spéciaux et funestes que le mercure administré à l'intérieur ou en frictions exerce trop fréquemment sur le système dentaire.

Un fait des plus remarquables et dont un grand nombre d'exemples se sont offerts à son observation et dont il cite des exemples, est que, chez les personnes dont les dents sont altérées par suite de l'emploi du mercure, les caries les plus légères et les plus superficielles, deviennent promptement douloureuses au point de faire horriblement souffrir les malades. Aucun topique, aucun procédé opératoire, ne peut alors calmer ces douleurs, et il faut absolument recourir presque immédiatement à l'extraction, tandis que chez des personnes qui n'ont pas fait usage de mercure, les caries au même degré sont facilement plombées, guéries ou du moins ralenties dans leur marche, di

manière à ce que les dents peuvent rester en place et remplir leurs fonctions durant un grand nombre d'années.

L'auteur est ainsi amené à parler de l'importance du choix des matières employées au plombage ou à l'obturation des cavités morbides des dents. I continue ainsi :

« Les matières colorantes, liquides, solubles, ténues, introduites dans la cavité d'une dent cariée jusqu'à la pulpe ou à son voisinage, que cette dent soit encore dans la bouche, ou qu'elle vienne d'en être ôtée, pénètrent assez promptement non-sculement le tissu osseux, mais, jusqu'à un certain point, l'émail lui-même. C'est une expérience qu'il est facile de vérifier. Le mercure en particulier jouit à un haut degré de cette propriété de s'infiltrer au loin par imbibition. Aussi les dents plombées avec la pâte d'argent, ou le succedanéum minéral, deviennent-elles très-rapidement bleuâtres ou d'un noir à reflet bleu. Le métal ne tarde pas, effectivement, à s'oxyder par l'action des sucs buccaux acides, qui pénètrent entre le mastic et les parois de la dent; cet oxyde prend une couleur très-noire en se saturant d'hydrogène sulfuré, et, dissous par les liquides qui ont déterminé sa formation, il imbibe et pénètre de proche en proche tous les tissus dentaires.

» Je suis porté à croire, d'après des observations déjà nombreuses, que le mercure appliqué directement avec les amalgames employés pour le plombage, peut se dégager par la chaleur de la bouche, passer dans le tissu de la dent, et y déterminer les mêmes phénomènes d'irritation et de maladie, que s'il avait été administré à l'intérieur ou en frictions. J'ai été témoin d'accidents graves survenus à la suite de cette manière de plomber les dents. » (Suivent plusieurs observations.)

« Il me serait facile de multiplier jusqu'à l'infini les exemples qui démontrent les mauvais effets des pâtes d'argent et de mercure employées au plombage des dents; mais ces redites multipliées n'ajouteraient rien à l'autorité des faits qui précèdent. Mon but est de prévenir le mal, et de signaler aux dentistes les inconvénients et les dangers qui résultent de l'introduction dans les cavités des caries, de toute pâte ou mastic, à mélange de mercure, véritable poison pour les dents.

» Au point de vue de l'application, il est à regretter que la méthode dont il s'agit soit aussi pernicieuse, car, par elle, l'opération du plombage est facile, d'une promptitude extrême, accessible à toutes les intelligences, à toutes les mains, et n'exige

aucune de ces pressions qu'il faut apprendre à ménager, si l'on ne veut s'exposer à développer des douleurs parfois assez vives. Certes, il a fallu que les faits relatés par les pathologistes m'imposassent d'abord une grande réserve, et que plus tard l'expérience parlât bien haut, pour m'empêcher d'adopter cette manière de plomber les dents. Depuis 1819, époque à laquelle elle fut préconisée sous le nom de mastic de Bell, j'ai suivi cette méthode dans ses transformations successives; c'est elle que l'on déguisa, il y a quelques années, par la dénomination de pâte d'argent de Taveau, et qui reçut, dans ces derniers temps, le titre plus prétentieux de succedanéum minéral. J'avoue que j'y attachai d'abord de l'intérêt. Séduit au premier moment, de même que plusieurs personnes, par la facilité pratique du procédé, je tentai quelques essais, et pensant que peut-être l'amalgame avec l'or offrirait plus de stabilité qu'avec l'argent, je composai, d'après cette donnée, un mastic d'or et de mercure aussi blanc que le succédanéum, mais qui détermina les mêmes phénomènes, et je dus y re

noncer.

» La méthode anglaise n'est déjà que trop répandue sur le continent, où quelques hommes, la honte d'une profession honorable, osent encore en faire un secret, la donner comme nouvelle, ou même se l'approprier à titre d'invention. Elle multiplie ainsi, par l'intermédiaire de moyens de toute nature, le nombre de ses dupes, et produit d'autant plus de mal qu'en pareille matière le public n'est jamais désabusé qu'à ses dépens, et après avoir été victime lui-même.

» Il importe d'ajouter ici, que le mode de plombage contre lequel je m'élève, alors même qu'il ne détermine pas d'accident et qu'il semble le mieux supporté, n'empêche nullement la carie de continuer ses progrès, lents et obscurs d'abord, rapides et ostensibles après un temps quelquefois trèscourt. En effet, le mastic ou amalgame devient poreux, à raison de la perte de mercure qui s'évapore par la chaleur de la bouche ou qui pénètre le tissu des dents, et il en résulte que les humidités buccales peuvent s'insinuer de nouveau dans l'intérieur de la cavité cariée, séjournent entre les parois et le corps obturateur, détachent graduellement celui-ci, le rendent mobile et déterminent sa chute, en même temps que l'excavation s'est agrandie dans des proportions considérables. Ces résultats sont accélérés par la décomposition des liquides alimentaires et buccaux qui croupissent, dégagent des odeurs infectes, deviennent acides et réagissent plus active

ment contre le plombage d'une part, et de l'autre, contre le tissu dentaire.

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Ainsi que j'ai eu l'occasion de le démontrer dans un Mémoire précédent sur la conservation des dents, les substances les moins altérables, celles qui, tout en prenant exactement la forme des cavités morbides, résistent le mieux à l'oxydation et se tassent en masse compacte que les liquides ne peuvent traverser, sont celles qui conviennent le mieux pour le plombage des dents. L'or, l'étain, en feuilles très-minces, sont les seuls métaux connus jusqu'à présent que l'art puisse employer avec une entière sécurité, vu qu'il ne s'agit pas de modifier autrement les surfaces morbides qu'en les soustrayant à tous les contacts offensifs, en les protégeant, et les plaçant dans les conditions où elles seraient, si des parties organiques saines les recouvraient

encore. »

(Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique, 1845.)

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Traitement abortif du coryza aigu par la solution de nitrate d'argent; par le docteur TEISSIER, de Lyon. Le rhume, dit de cerveau, ou coryza, est une affection généralement légère, de peu de duréc, occasionnant une incommodité plus ou moins grande, plutôt qu'une véritable souffrance, et sur laquelle la médecine n'avait que peu de prise, sans nul doute parce qu'elle ne s'était jamais occupée sérieusement d'une affection de si peu d'importance. Quoi qu'il en soit, guérissez-moi un rhume de cerveau en 24 heures et je croirai à la vérité de la médecine, est la phrase banale qu'on adresse tous les jours aux médecins. Aujourd'hui ce défi ne pourra plus nous être porté, grâce au moyen proposé par M. Teissier, et que personne n'avait encore songé à appliquer au traitement du coryza. Mais comment se fait-il que la solution de nitrate d'argent, que nous employ ons tous les jours avec tant d'avantages pour combattre un grand nombre de phlegmasies des muqueuses, n'ait jamais été employée dans la phlegmasie de la muqueuse des fosses nasales? C'est que jusqu'ici, c'est moins le siége que la spécificité des phlegmasies, qui a paru une indication de l'emploi des topiques, que MM. Trousseau et Pidoux ont appelés les agents de la médication irritante substitutive. Ces agents n'ont pas été mis en usage dans le traitement des phlegmasies simples; or, le coryza devant son développement à l'influence des alternatives de chaud et de froid, ou à celle du froid humide, appartient à cette espèce de phlegmasie. Si le coryza avait été d'une nature tant soit peu spécifique, il est probable que le traitement abor

tif, proposé par M. Teissier, serait depuis longtemps banal dans cette affection. C'est à ce titre, en effet, que le nitrate d'argent est aujourd'hui si vulgairement et si inutilement employé dans les blennorrhagies, les angines couenneuses, diphtéritiques, les ophthalmies scrofuleuses, en un mot, dans toutes les phlegmasies qui reconnaissent pour cause des affections de mauvaise nature. Quoi qu'il en soit, l'expérience paraît avoir démontré à M. Teissier l'utilité de ce moyen pour procurer l'avortement des coryzas aigus les plus vulgaires. Ce médecin le conseille surtout dans les cas assez communs, où, sous l'influence du moindre refroidissement, les coryzas se déclarent de manière à constituer, par leurs fréquentes répétitions une sorte de coryza chronique formé d'accès aigus revenant presque coup sur coup. On peut y avoir recours aussi lorsqu'un coryza intense se déclare chez une personne qui, pour certaines raisons qui se rencontrent souvent dans le monde et dans les affaires, ne peut sans préjudice, attendre du temps et des soins domestiques, la solution naturelle du catarrhe aigu des fosses nasales.

Le manuel opératoire est des plus faciles, Il suffit de prendre un petit tampon de charpie fine, de le tremper dans une solution de 16 à 50 centigrammes de nitrate d'argent pour 30 grammes d'eau, de l'exprimer un pcu afin que le liquide ne tombe pas sur les lèvres (ce qui aurait l'inconvénient de les noircir), d'introduire ce bourdonnet ainsi mouillé et exprimé, dans les fosses nasales, et de le promener pendant six ou huit secondes sur toute la partie antérieure et inférieure de ces cavités. Il vaut mieux faire cette application le soir, avant de se mettre au lit. On évitera ainsi de s'exposer de nouveau à l'air froid, ce qui pourrait annihiler les bons effets de la cautérisation; puis, le malade se couchant après sur le dos, et la tête renversée, on comprend que le liquide caustique pourra couler en arrière et étendre son action aux parties de la muqueuse situées plus profondément, tandis qu'il risquerait de couler en dehors si l'on demeurait debout après l'opération. Souvent une seule application suffit pour faire avorter le coryza; mais quand on a affaire à un coryza intense et qui dure déjà depuis un certain nombre de jours, il peut être nécessaire de répéter l'application plusieurs jours de suite pour en obtenir un résultat complet.

M. Teissier assure, du reste, que ce traitement n'occasionne aucune douleur, pourvu qu'on n'approche pas trop le bourdonnet des sinus frontaux. (Bulletin de thérapeutique.— Journ. de medecine. Octobre 1845.)

Chimie médicale et pharmaceutique.

Faits pour servir à l'histoire chimique de la gratiole; par EUGÈNE MARCHAND, de Fécamp. La gratiole (gratiola officinalis, L.) est une plante douée de propriétés purgatives extrêmement énergiques, et à ce titre elle est quelquefois employée dans la médecine populaire, sous le nom d'herbe à pauvre homme. Considérée comme l'une des plantes les plus actives et les plus dangereuses qui croissent en France, on est en droit de s'étonner qu'elle n'ait pas encore fixé depuis longtemps l'attention des pharmaciens et des chimistes, car un seul, le savant Vauquelin, a publié, en 1809, le résultat de ses recherches sur sa constitution; mais les moyens que la science mettait alors à la disposition du chimiste, étaient loin d'atteindre ce degré de perfection et de précision que l'analyse organique a atteint depuis cette époque. Il ne faudra donc pas s'étonner si des plantes, analysées au commencement de ce siècle, cèdent de nos jours au chimiste qui les analysera de nouveau, des principes dont ses devanciers étaient loin, même, de soupçonner l'existence.

Ceci étant dit pour me justifier d'avoir osé reprendre l'analyse d'une plante qui avait mérité l'honneur d'être examinée par Vauquelin, je vais chercher à démontrer aujourd'hui que la matière résinoïde extrêmement amère qu'il a reconnue exister dans la gratiole, et à laquelle il en attribue les propriétés, n'est pas un principe immédiat, mais bien une matière complexe, dont une partie seulement lui communique ses propriétés et son énergie thérapeutique.

Mais avant d'aller plus loin, prenons la liste des principes que Vauquelin a trouvés dans cette plante. Ce sont une matière résinoïde extrêmement amère, une matière animale, de la gomme colorée en brun, un acide végétal, que Vauquelin croit être le malique ou l'acétique, et qui est en combinaison avec la potasse, la soude et la chaux; des phosphates de chaux et de fer, de l'oxalate chaux, du chlorure de sodium, de la silice et du ligneux. (Vauquelin. Bulletin de pharmacie, t. I, p. 481.)

On remarquera qu'au nombre de ces principes, Vauquelin n'a pas signalé l'acide

tanique, qui cependant existe dans la gratiole. C'est qu'à l'époque où Vauquelin entreprenait son travail, on n'avait encore que des idées très-vagues sur la constitution des matières organiques, et sur les caractères qu'elles peuvent présenter dans leurs combinaisons réciproques. Quoique aujourd'hui la science n'ait pas encore dit son dernier mot sur ces intéressantes questions, il ne nous est pas moins permis, dans une foule de circonstances, de mieux disséquer la nature, et de parvenir ainsi à reconnaître des lois et des corps qu'elle nous cache si obstinément.

Tout l'acide tanique qui existe dans la gratiole se retrouve dans la matière résinoïde obtenue par Vauquelin, et il y existe en combinaison avec d'autres principes, parmi lesquels il s'en trouve au moins un qui devra prendre place auprès de la digitaline. En effet, si on reprend par de l'alcool la matière résinoïde de Vauquelin; si on ajoute à la liqueur du sulfate ferrique jusqu'à ce que la liqueur ne bleuisse plus, si on ajoute au mélange la quantité d'hydrate de chaux nécessaire pour saturer l'acide sulfurique libre et décomposer l'excès de sulfate ferrique employé; si l'on étend la liqueur alcoolique d'un peu d'eau pour la filtrer ensuite (après l'avoir décolorée au charbon animal, dans le cas où cela serait nécessaire); puis, si l'on évapore cette liqueur dans le vide, où plutôt dans un espace d'où la vapeur aqueuse sera incessamment enlevée par l'acide sulfurique concentré, on obtiendra pour résidu une matière blanche, qui sera encore une matière complexe.

Cette matière traitée par l'eau, s'y dissout en petite quantité en lui communiquant une saveur excessivement amère. Ce traitement par l'eau a pour but d'enlever les particules salines minérales qui accompagnent souvent, sinon toujours, dans cette première partie de l'opération, le principe amer de la gratiole.

Le résidu du traitement par l'eau est une substance pulvérulente. Lorsqu'on la traite par de l'éther hydraté, elle se ramollit, se dissout en partie dans ce véhicule, tandis que la partie qui reste indissoute se réunit

au fond du vase, sous forme de sirop. Ce liquide, séparé de la couche éthérée qui le surnage, et étendu d'alcool, ne se trouble pas; et si, après l'avoir ainsi mélangé d'alcool, on l'abandonne à l'air libre, on obtient, lorsque le liquide est vaporisé, une masse blanche, dans laquelle on peut reconnaître une foule de globules réunis sous forme de mamelons. Cette matière est, pour moi, à la gratiole, ce que la digitaline est à la digitale; et je me crois autorisé à proposer pour elle le nom de gratioline ou, mieux encore, de GRATIOLIN, pour désigner que cette substance n'est pas alcaloïde, la terminaison ine devant, selon moi, être réservée exclusivement pour cette classe de corps.

Quoi qu'il advienne de cette proposition, je ne m'y arrêterai pas davantage. Je passe de suite à l'énumération des caractères que m'a présentés ce nouveau principe.

Il se présente sous forme d'une masse blanche mamelonnée : il est très-peu soluble dans l'eau, à laquelle il communique cependant une saveur très-amère, qui, de même que cela arrive pour la digitaline, se fait sentir surtout à l'arrière-bouche; une petite quantité d'alcool la rend un peu soluble dans ce liquide; l'alcool la dissout trèsbien, et la liqueur devient laiteuse quand on l'étend d'eau; il est légèrement soluble dans l'éther.

Placé dans l'eau, et soumis à l'action de a chaleur jusqu'à ce que ce liquide entre en ébullition, il se ramollit et vient se rassembler à la surface sous forme d'une gouttelette oléagineuse.

Placé dans une capsule de platine et chauffé à feu nu, il seramollit, se boursoufle, entre en fusion, sc colore, s'enflamme, brûle en répandant de la fumée, et laisse enfin pour résidu un charbon noir, qui disparaît par une calcination prolongée. Cependant, je dois dire que dans toutes mes expériences, il est toujours resté, après cette calcination, une petite quantité de cendres blanches.

L'acide sulfurique jaunit le gratiolin; puis, en le dissolvant, acquiert une couleur pourpre. La solution ne verdit pas quand on l'étend d'eau; elle se trouble seulement un peu, et se décolore.

Que l'on me permette, à propos de cette réaction, de présenter quelques réflexions sur la coloration rouge que plusieurs substances contractent aussi sous l'influence de l'acide sulfurique concentré. Il y a déjà longtemps que M. Raspail a indiqué comme une propriété caractéristique du sucre, la faculté que possède ce corps de développer une très-belle couleur rouge, quand, après l'avoir mélangé d'albumine ou d'huile, on le soumet à l'action de l'acide sulfurique

concentré. Tout récemment encore, M. Pettenkofer a reconnu que lorsque dans cette expérience on remplace l'albumine ou l'huile par de la Biline, la couleur rouge apparaît encore. Dès 1858, le premier de ces deux chimistes, en parlant de la couleur rouge que prend la salicine toujours au contact de l'acide sulfurique, émettait cette opinion, que la salicine pourrait peut-être bien n'être qu'une combinaison de sucre et d'un principe qu'il désignait sous le nom de résineux, et qui pouvait servir, dans ce cas, à provoquer la réaction caractéristique du sucre. Depuis cette époque, des chimistes distingués sont venus donner une nouvelle autorité à l'opinion de M. Raspail, car, dès 1859, M. Liebig était amené à envisager la salicine comme une combinaison de sucre de raisin et de salirétine. Plus récemment, M. Piria, par des expériences fort remarquables, a été amené, à son tour, à considérer le même corps, la salicine, comme une combinaison de sucre avec un autre corps découvert par lui, et qu'il désigne sous le nom de saligenine. Comme on le voit, quelle que soit la constitution de la salicine, les chimistes admettent toujours le sucre au nombre de ses éléments, et l'opinion de M. Raspail se trouve entièrement confirmée.

Passant à la digitaline et au gratiolin, qui contractent aussi une très-belle couleur rouge au contact de l'acide sulfurique concentré, en considérant que ces corps, de même que la salicine, sont des corps neutres, ne serait-on pas en droit de présumer que le sucre entre aussi dans leur constitution? Je sais que cette question ne pourra être résolue que lorsqu'on connaitra bien la composition élémentaire de ces substances, mais c'est un sujet d'études qui paraît devoir conduire à des résultats intéressants, et il serait à désirer que des chimistes, placés dans des conditions favorables pour entreprendre un semblable travail, s'en occupassent. Je suis persuadé qu'ils seraient amplement dédommagés de leurs peines.

Après cette digression, je reprends l'exposition des caractères chimiques du gratiolin;

rer.

L'acide azotique le dissout sans le colo

L'acide chlorhydrique le dissout en prenant une couleur jaune.

La potasse caustique lui communique une couleur vert sale, qui finit par passer au jaune verdâtre, et enfin au blanc.

L'ammoniaque caustique lui communique une couleur bleue caractérisée sans être belle. Cette réaction s'opère vivement et en fort peu de temps; la masse redevient blanche. Il est utile de remarquer que, sous l'influence de ces deux réactifs, le gratiolin

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