Images de page
PDF
ePub

en aucune manière changé la couleur de la peau. Elle fut prise d'abord pour un dépôt par congestion, d'autant plus que la fluctuation très-sensible, quoique profonde, semblait annoncer qu'il y avait un liquide renfermé dans cette tumeur. Mais bientôt l'auteur fit réflexion, que si la chose était ainsi, la malade ne jouirait pas d'une santé aussi parfaite, et que, s'il y avait un liquide, il devait être toute autre chose que du pus : l'ailleurs, le balancement de cette fluctuation lui parut plus prompt et conséquemment plus fluide que celui qu'on ressent dans un dépôt purulent.

A chaque pression, la malade éprouvait une douleur assez vive qui ne s'étendait pas plus loin que la circonscription de la tumeur.

La profondeur du foyer fit reconnaître qu'il gisait sous les parties tendineuses et aponevrotiques du muscle transverse, en bordant le muscle carré des lombes et qu'il s'appuyait sur le péritoine qui en soutenait la base.

Le dépôt fut ouvert le 15 suivant. Le premier coup de bistouri divisa transversalement l'aponévrose du muscle transverse et le second pénétra dans son intérieur. Il en sortit d'abord avec jet une liqueur très-limpide et jaune. Cette liqueur écoulée, il se présenta à l'ouverture une pellicule blanchâtre et sphéroïde qui la fermait. L'opérateur agrandit l'ouverture, et par ce moyen il sortit d'abord une hydatide de la grosseur d'un cœuf de poule, qui fut suivie d'une foule d'autres de différentes grosseurs et contenant une liqueur limpide, aqueuse, claire, transparente et d'un goût salé. Toutes ces hydatides n'avaient aucun pédicule et flottaient isolées dans le liquide jaune qui s'était d'abord échappé. Ayant constaté l'existence d'un kyste qui renfermait ces hydatides, M. Jannin le saisit avec des pinces et en fit l'extraction sans nul effort. Ce kyste renfermait encore une quantité assez nombreuse de petites hydatides flottantes dans un liquide jaune, épais, tenace et gras au toucher, etc.

Il pansa la plaie avec un bourdonnet de charpie sèche et des plumasseaux recouverts de compresses trempées dans l'eau et le vin, le tout maintenu par un bandage de corps, et il prescrivit un régime approprié.

Le 16, il leva l'appareil et fit sortir encore une douzaine de bulles dont la plus grosse égalait un œuf de pigeon. Après avoir fait des injections avec de l'eau et du vin tièdes, il porta son doigt dans la plaie et il s'assura que le foyer ne descendait en aucune manière dans le bassin, mais se portait sous le muscle tranverse du bas-ventre et montait obliquement vers l'hypocondre droit. Il ne put d'ailleurs en sentir la profondeur, son doigt n'étant pas assez long. Dans cette investigation, il écrasa encore plusieurs hydatides dont les enveloppes suivirent son doigt lorsqu'il le retira.

L'auteur crut prudent de s'en tenir à ces explorations ; il pansa la plaie avec l'onguent digestif, et les compresses furent imbibées d'eau et de vin.

Le 18, il sortit encore deux bulles grosses comme deux noisettes. On pratiqua des injections avec de l'eau d'orge miellée, et le pansement fut continué de la même manière.

Le 20, l'air étant froid et humide, la malade, qui avait commis quelque erreur de régime, ressentit des frissons auxquels succéda une fièvre violente avec vomituritions, et le soir, il se déclara un érysipèle phlegmoneux sur la main et l'avant-bras droits.

Les jours suivants, la fièvre et l'érysipele diminuèrent successivement d'intensité, sous l'influence de la diète, de boissons délayantes, de lavements et d'applications locales de compresses trempées dans de l'eau de fleurs de sureau. Du reste, la plaie, toujours soumise au même pansement et aux mêmes injections, commença à fournir un pus plus lié, de séreux et roussâtre qu'il était auparavant.

Le 24, apyrexie, érysipele moindre, suppuration de meilleur aspect. Il sortit

encore deux petites hydatides. Même traitement. On permit un peu de nourriture. Amélioration progressive.

A la fin du mois on ne pratiquait plus d'injection.

Quelque temps après, le fond du foyer s'est consolidé et la malade a été entièrement guérie, sans la moindre trace de plaie fistuleuse consécutive, et sans que, par la suite, il se soit formé un nouvel amas d'hydatides.

II. REVUE ANALYTIQUE ET CRITIQUE.

Médecine et Chirurgie.

Un cas de fièvre jaune à Paris. Une manifestation morbide, nouvelle dans notre climat, vient d'être observée; elle est importante, et nous lui consacrerons exclusivement notre article d'aujourd'hui.

Rapportons d'abord le cas qui nous l'a présentée. Nous le résumerons ensuite dans ses traits principaux, que nous rapprocherons de ceux qui caractérisent la fièvre jaune. Notre tâche ne sera pas finie là; nous essaierons de préciser la nature de cette dernière, puis nous rapprocherons d'elle également la grande endémique des climats intertropicaux, ainsi nommée par les médecins anglais de l'Inde, la fièvre observée par M. Meli, à Castelletto, sur le Tésin et dans les environs, en 1819 et en 1820, et la fièvre d'Écosse. Ces rapprochements nous permettront de déterminer en quoi ces pyrexies se ressemblent, en quoi elles diffèrent, et s'il y a lieu d'en former deux groupes distincts.

Le cas dont il s'agit a été observé dans le service de M. Rayer, à la Charité. Cet observateur, plein de bienveillance envers les jeunes médecins qui cherchent à s'instruire, nous a éclairé de ses avis pour l'élaboration de cet article. Quant à l'observation, elle a été rédigée par un élève distingué, M. Cahen, interne du service.

Le nommé Thomas, fortement constitué, habituellement bien portant, âgé de trentecinq ans, cordonnier, entre à la Charité (salle Saint-Michel, no 25, service de M. Rayer) le 30 juin 1845.

Il répond difficilement aux questions qu'on lui adresse. Nous croyons comprendre cependant que peu de jours avant son admission à l'hôpital il a fait un excès de boisson, qui aurait amené une indigestion accompagnée ou suivie d'ictère. Cet homme est affecté de surdité très-prononcée depuis son enfance.

Il présente uniformément, sur tout le corps, une teinte ictérique extrêmement prononcée, orangée; la peau est sèche,

chaude, et n'est pas le siége de démangeaison; les yeux, la face inférieure de la langue sont aussi d'un jaune très-foncé; la face supérieure de la langue est couverte d'un enduit muqueux abondant. Le malade a de fréquentes envies de vomir, mais ne vomit pas. Le ventre, légèrement météorisé, n'est douloureux au toucher qu'au niveau de l'hypochondre droit. Mesuré à l'aide de la percussion, le volume du foie paraît normal. Les selles sont colorées par la bile, peu abondantes et de bonne nature. L'urine, très-ictérique, teint le linge en jaune.

Rien d'anormal ne se fait remarquer dans la cavité thoracique, soit à l'auscultation, soit à la percussion. Dans les grands efforts d'inspiration, le malade éprouve une douleur aiguë dans la région hépatique.

Le pouls est développé, fréquent, mais régulier.

Le malade ne se plaint que de la douleur de l'hypochondre droit et d'une céphalalgie intense. Une saignée de trois palettes est pratiquée ; le sang se recouvre bientôt d'une couenne inflammatoire épaisse.

Le lendemain, 1er juillet, l'état du malade n'est pas notablement modifié. La douleur de la région hépatique persiste. Des ventouses scarifiées sont appliquées sur cette région, et n'amènent pas d'amélioration sensible. Le même jour, un vésicatoire est appliqué sur l'hypochondre droit; un purgatif salin est administré. Sous l'influence de ce traitement, le pouls devient moins fréquent, l'état général semble s'améliorer.

Cependant, le 2 juillet, sans cause connue, des envies de vomir surviennent et donnent lieu à l'explosion de matières noirâtres, sanguinolentes. Les selles, liquides et abondantes, mais peu fréquentes, sont composées de sang noir et de fèces colorées en jaune. Une épistaxis se déclare et se renouvelle plusieurs fois dans la journée. Le pouls est très-fréquent, peu développé.

Le malade accuse de la céphalalgie. Il est

toujours dans un état de somnolence dont il est facile de le tirer. Il répond lentement, mais juste, aux questions qu'on lui adresse. La langue est sèche, couverte d'un enduit épais et fendillé. Les dents sont encroûtées d'un enduit brunâtre. L'abdomen est légèrement ballonné; il n'est pas douloureux, même dans la région du foie, à une pression modérée.

Toux légère, suivie d'une expectoration muqueuse peu abondante.

Cet état persiste sans changement notable, le 3 et le 4. Dans la nuit du 4, le malade eut un léger délire. A la vérité, il répondit juste aux questions qu'on lui adressa. Il n'a ni frisson, ni rémittence marquée. On ne trouve sur la peau aucune tache, aucune élevure typhoïde; partout elle offre une coloration jaune orangé, comme dans les premiers jours; seulement au pli du bras droit où la saignée a été pratiquée, et autour des ventouses sur la région hypochondriaque droite, on remarque de légères ecchymoses.

Le 6, l'état du malade semble très-notablement amélioré. Le pouls a baissé d'une manière très-remarquable; le délire a cessé; la somnolence a diminué. Un nouveau phénomène est apparu. La peau de tout le corps, celle de la face et des membres supérieurs surtout, est couverte de petites élevures saillantes, coniques, dures sous le doigt, semblables à celles de la variole au début. Le malade porte de profondes cicatrices vaccinales.

Le 7, cette éruption, dont la coloration tranche sur la teinte ictérique de la peau, présente une autre apparence. Elle est formée par de véritables tuches rouges, trèsnombreuses, répandues sur toute la surface du corps, mais la saillie légère qu'elles avaient offerte n'existe plus. Ces taches sont irrégulièrement arrondies; sous la pression du doigt quelques-unes disparaissent, d'autres, en grand nombre, restent sans changer de couleur. Elles sont assez larges, varient de 6 à 12 millimètres de diamètre, et sont plus développées sur les bras et à la face que sur tout le reste du corps. Ces taches rappellent celles des rougeoles hémorrhagiques, mais le malade n'a pas de coryza, pas de bronchite; une lumière vive affecte péniblement les yeux, qui ne sont ni larmoyants, ni injectés. L'éruption n'est pas accompagnée de démangeaison. L'état géné ral parait assez satisfant. Quelques cuillerées de bouillon sont données au malade, qui les prend avec plaisir. Questionné sur son état, il répond qu'il se trouve mieux et qu'il n'éprouve absolument aucune douleur. Il parait avoir de la tendance au sommeil. Le 8, l'état général est moins satisfaisant. On constate l'existence d'une eschare de

5 centimètres de diamètre environ au sacrum. On conseille au malade de quitter le décubitus horizontal dans lequel il reste constamment depuis le début de sa maladie, et de lui-même il se couche et reste couché sur le côté gauche.

Le 10, l'éruption a pâli. On voit bien encore des taches, mais elles sont à peine distinctes. Les urines sont toujours ictériques. Les selles, sanguinolentes, contiennent encore des fèces colorées en jaune. Le mucus bronchique est aussi teint en jaune; le malade reconnait les couleurs; il répond exactement aux questions qu'on lui adresse, mais il est toujours dans un état de somnolence dont il est moins facile de le tirer que les jours précédents. Il a quelques envies de vomir, mais pas de vomissements.

Le 11, l'éruption a disparu. L'ecchymose assez étendue, située autour de la saignée, est toujours très-apparente. Le malade est plus abattu que les jours précédents. Il ne présente d'ailleurs aucun phénomène nou

veau.

Le 12, il reste constamment dans un sommeil profond, presque comateux, et le 13, à cinq heures du matin, il meurt presque subitement, sans agonie, sans avoir présenté aucun symptôme qui pût faire prévoir une terminaison funeste aussi rapide.

L'autopsie est faite vingt-huit heures après la mort.

État extérieur. Le cadavre est dans un état de putréfaction très-avancé. L'épiderme se détache avec la plus grande facilité. Le teint ictérique comme pendant la vie. La roideur cadavérique n'existe plus. L'eschare du sacrum n'est pas très-étendue; le ventre est plat; au niveau de la saignée, on trouve sous la peau un épanchement sanguin assez étendu. Nulle part on ne trouve d'épanchement sanguin dans les espaces intermusculaires.

Thorax. Les poumons sont sains, crépitants; ils contiennent une quantité assez considérable de mucus et de sang. Celui du côté gauche présente quelques adhérences anciennes. Il n'existe pas d'épanchement dans les plèvres.

Le péricarde ne contient que très-peu de sérosité.

Le cœur est mou, d'un volume normal. Les orifices sont sains. Le sang est partout noir; les caillots sont très-mous.

Abdomen. Les intestins, peu distendus, n'offrent à l'extérieur rien de remarquable.

La membrane muqueuse de l'estomac est ramollie, d'une couleur lie de vin, uniforme; quelques arborisations peu marquées au niveau de sa grande courbure. Le duodénum présente aussi quelques traces de suf

fusion sanguine. Cette portion de l'intestin contient de la bile verdâtre. Dans le reste de l'intestin grêle, on trouve du mucus coloré et des matières fécales jaunes. Les plaques de Peyer ne sont pas plus développées que dans l'état sain. Il n'existe aucune alteration dans le gros intestin.

Le foie a son volume ordinaire; il est mou, offre une teinte ictérique uniforme. Incisé en lamelles minces, on n'y découvre ni dépôts de pus, ni aucune altération.

La veine-porte et ses divisions, la veinecave inférieure et ses principales branches sont saines, et contiennent du sang fluide noirâtre.

La vésicule biliaire contient une assez grande quantité de bile d'un vert noirâtre. Son conduit excréteur est sain.

La rate est molle, d'un volume normal. Les reins, colorés en jaune, sont très-ramollis, presque diffluents. Les capsules surrénales offrent une coloration jaune trèsprononcée.

divisée en trois périodes division qui se rapporte d'une manière saisissante à l'une de celles qui ont été données de la fièvre jaune.

A l'autopsie, que trouve-t-on? Presque tous les organes ramollis; et, comme lésion plus spéciale, un ramollissement de la membrane muqueuse gastrique, qui est d'une couleur lie de vin, plus, dans l'estomac, quelques arborisations légères, dont on peut se dispenser de tenir compte, et des tachos de suffusion sanguines dans le duodénum. Il y a eu des selles sanguinolentes, et cependant le gros intestin ne présente pas de lésions.

La marche de la fièvre jaune a été divisée en deux périodes par M. Dalmas. Les symptômes de la première période ne sont pas caractéristiques. La maladie n'a sa physionomie, ne s'individualise que dans la seconde.

Les auteurs de l'article Fièvre, du Dietionnaire des sciences médicales, divisent la marche de la fièvre jaune en trois périodes;

Tête. Le cerveau est très-mou et pré- la première est peu caractérisée; dans la sente une teinte ictérique.

La moelle épinière n'a pas été examinée. La marche de cette maladie peut être divisée en deux périodes. Dans la première, que nous appelons phlogistique, les symptômes sont les suivants : ictère; douleur à l'hypochondre droit ; enduit muqueux abondant de la langue; envies de vomir sans vomissements: selles naturelles, céphalalgie; somnolence; sang très-couenneux. Nous appelons cette période phlogistique, parce que le sang est très-couenneux, et que la couenne, chez un homme fort et bien portant, indique un excès absolu de fibrine, c'est-à-dire un état inflammatoire.

Dans la seconde période, que nous appelons typhoïde, on observe des vomissements noirs, des selles noires, l'épistaxis, des ecchymoses autour des solutions de continuité, une éruption comme pustuleuse qui fait place à de simples taches. Partout le sang transsude à travers ses vaisseaux; il s'épanche dans les cavités muqueuses; il s'infiltre dans l'épaisseur de la peau. On observe aussi la sécheresse, le fendillement de la langue; l'enduit brunâtre des dents; une eschare au sacrum. Un moment, circonstance notable, et, comme on le verra, importante pour la détermination de la nature de l'affection, le malade semble beaucoup mieux; amélioration trompeuse, démentie bientôt par une mort presque subite, dit M. Cahen, et qui surprend tous ceux qui ont suivi la marche de la maladie.

A cause de l'amélioration survenue dans le cours de la seconde période, on pourrait subdiviser cette période elle-même en deux phases. Alors la marche de la maladie serait

seconde, la maladie prend l'aspect qui lui est propre; dans la troisième, les symptômes s'aggravent après une amélioration qui en impose au malade et même aux médecins. C'est ce qui eut lieu dans notre observation, et il est essentiel de faire ressortir cette frappante conformité.

Résumons, d'après M. Littré, les caractères de la fièvre jaune, et procédons au rapprochement annoncé plus haut entre cette pyrexie et celle à laquelle a succombé le malade de la Charité.

État du sang.

«L'état du sang, dit M. Littré, est, dans la fièvre jaune, ce qui appelle avant tout l'attention, et ce qui caractérise le plus cette maladie. L'altération de ce liquide est certainement l'altération la plus grave, la plus étendue et la plus constante que présentent les malades. »

A cette altération, que l'auteur ne définit pas, se rattachent les accidents hémorrhagiques, les selles et le vomissement bruns ou noirs, l'épistaxis, les hémorrhagies buccale, pharyngienne, œsophagienne, oculaire, auriculaire, qui ont été observées quelquefois, ainsi que les épanchements sanguins dans l'épaisseur des muscles et dans les reins.

Si l'altération du sang et les accidents qui en dépendent sont ce qui caractérise le plus la fièvre jaune, assurément la pyrexie que nous avons observée, et dont cet article offre le récit détaillé, était quelque chose de très-semblable à cette fièvre. N'avons-nous pas eu le vomissement noir, les selles noires, l'épistaxis et les taches, plus la sécheresse et le fendillement de la langue, l'enduit brunâtre des dents et l'eschare à la région sacrée ?

La couenne du sang a été observée dans la fièvre jaune, et même M. Rochoux en a fait l'objet d'une étude minutieuse. Elle semble venir à l'appui de notre division en deux périodes, la première phlogistique.

Symptômes relatifs à l'appareil digestif.

[ocr errors]

་་

Dès le commencement, le malade éprouve des nausées. » Notre malade a éprouvé des nausées. Ces nausées, dans la fièvre jaune, sont excitées par le plus léger mouvement. Il n'est pas dit, dans notre observation, qu'il en fût ainsi pour notre malade. « Le mode de vomissement n'est pas moins spécial que la matière du vomissement. » C'est plutôt une régurgitation qu'un vomissement. L'effort expulsif est à peine sensible. Dans deux cas de péritonite, suite de hernie étranglée, nous avons observé ce mode de vomissement, et c'était du sang qui était rendu. Peut-être ce mode de vomissement tient-il à la matière vomie, et appartient-il exclusivement au vomissement du sang. C'est à vérifier. Quoi qu'il en soit, notre observation se tait sur le mode de vomissement. Mais, après tout, ce n'est point là un détail de première importance. «Le fluide évacué est clair, sans couleur, quelquefois aigre, quelquefois insipide. Il est vomi deux ou trois fois par heure durant les deux ou trois premiers jours de la maladie, et ce vomissement constitue le signe diagnostique le plus important et le plus certain il est important, parce qu'il se montre de très-bonne heure, et il mérite vraiment le titre de pathognomonique... Après que le vomissement a duré deux ou trois jours, le fluide évacué perd souvent sa transparence, devenant trouble, brun et finalement noir. » Nous n'avons rien vu de semblable dans notre cas. Le vomissement noirâtre a eu lieu d'emblée, et ce serait entre la pyrexie que nous avons observée et celle à laquelle nous croyons devoir la rattacher une différence capitale; si nous ne pouvions citer inimédiatement le passage suivant du même auteur: « Telle est, généralement, la manière dont survient le vomissement noir, quoique parfois, mais rarement, il se manifeste soudainement sans avoir été précédé, pendant un certain temps, de l'évacuation d'un liquide incolore. » Le vomissement noir, au point de vue pathologique, est, sans contredit, d'un grand intérêt et fortement caractéristique de la fièvre jaune. Si caractéristique, en effet, ajouterons-nous, que les médecins de l'Amérique espagnole s'en sont servis pour la désignation de la maladie (vomito negro).

Les évacuations (alvines) ne deviennent caractéristiques que quand les matières noires s'y mêlent. Nous avons eu ce signe caractéristique.

« Au début de la maladie la langue est toujours humide et nette, rarement un peu blanchâtre. » Notre malade n'a pas été observé au début. « Du premier au troisième jour elle présente des changements notables; tantôt c'est un léger enduit blanchâtre, tantôt une sorte de couche muqueuse. »> Nous avons eu un enduit muqueux abondant. « C'est ordinairement vers le cinquième jour et quand le danger persiste, que la pointe se sèche, que la langue devient noire, fendillée et croûteuse. La sécheresse de la langue est d'un mauvais augure. » (Rochoux.) Le troisième jour après l'entrée à l'hôpital, la langue s'est séchée et fendillée. Quand la fièvre jaune commence, la soif est forte. Dans les cas où l'altération ne se fait pas sentir, il y a presque toujours lésion notable des facultés intellectuelles. Nous ignorons ce qui a eu lieu au début; à l'hôpital, on n'a pas noté que le malade ait manifesté une soif vive.

[ocr errors]

Pouls. Il est d'abord médiocrement fréquent, puis, souvent, il tombe. Dans notre observation, il a baissé remarquablement à un certain moment.

Accidents nerveux. « De tous les symptômes de la fièvre jaune, celui qui frappe le plus l'observateur, est l'effroi qui, dès l'invasion, s'empare des malades. » Ce signe manquait chez notre malade, et cela est naturel. L'effroi ne tient pas à la fièvre jaune; il dépend de la connaissance du danger qui y est attaché. L'idée de ce danger est celle de tout homme qui éprouve les premiers symptômes de cette fièvre partout où elle sévit et où elle est connue. L'homme qui ne la connaît pas n'a pas appris à la redouter, et, quand elle l'atteint, il n'en est pas plus effrayé que d'une autre maladie.

« Le délire ressemble à une rêvasserie peu prononcée, alternant avec de longs intervalles d'assoupissement dont on tire difficilement et momentanément le malade; d'autres fois on observe de violents mouvements de colère ou d'impatience; d'autres fois enfin, au lieu d'un délire fortement prononcé, ou d'un assoupissement profond, les malades ne présentent qu'une sorte d'hébêtement et de langueur, où les idées n'ont aucune suite. » Le délire de notre malade se rapprochait de la première espèce indiquée dans ce passage.

Les soubresauts des tendons, les tremblements partiels des mains, de la langue et de la voix ont été observés, mais rarement, dans la fièvre jaune. Nous ne les voyons pas mentionnés dans notre observation.

Douleurs. La céphalalgie est constante dans la fièvre jaune. Notre malade ne se

« PrécédentContinuer »