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tement appliquée sur les surfaces brûlées; de là l'indication lorsque, chez les jeunes enfants, les brûlures existent aux extrémités inférieures, de prendre des précautions pour que l'appareil ne se salisse pas trop, en le recouvrant au besoin d'une toile cirée fine, etc.

Cataracte monocle avec strabisme interne de l'œil droit; opérations heureuses; guérison. Observation communiquée par le docteur RUL-OGEZ, membre correspondant de la Société, de l'Académie royale de médecine de Belgique, etc.

Au mois d'août dernier M. Kop vint me demander de le débarrasser d'une double affection de l'organe visuel, c'est-à-dire, de la cécité et du strabisme de son œil droit. Agé de 18 ans, d'une bonne santé et d'une constitution avantageuse, il portait sa double infirmité, depuis l'âge de 6 ans ; à cette époque, pendant une maladie dont il ne se rappelle plus le caractère, il contracta une ophthalmie, apparemment de nature scrofuleuse, laquelle, après s'être dissipée, laissa l'œil droit dans l'état suivant, où je l'ai trouvé : strabisme convergent très-prononcé; la moitié de la cornée, qui n'a rien perdu de sa transparence, était cachée dans l'angle interne de l'orbite, sans paralysie du muscle droit externe; l'iris se contractait régulièrement; l'appareil lenticulaire présentait une coloration d'un blanc mat, strié ou veiné; par la dilatation de la pupille au moyen de la belladone, on pouvait remarquer plusieurs points d'adhérence entre l'iris et la capsule opaque ; le sujet distinguait la lumière de l'obscurité, et avait la conscience du passage d'un objet opaque entre l'œil cataracté et le foyer lumineux.

Ces diverses circonstances me démontrèrent que la double infirmité oculaire de M. Kop était curable par deux opérations. Mais fallait-il instituer la strabotomie avant l'opération de la cataracte? Quoique la cataracte n'eût pas empêché le redressement de l'œil après la myotomie, comme l'expérience me l'avait démontré déjà, je crus qu'il y aurait avantage à rendre la faculté visuelle à l'organe avant de le redresser, et cela surtout dans l'intérêt de la conservation du redressement de l'œil.

Les médecins qui s'occupent de la pathologie oculaire, ne sont pas encore aujourd'hui tous du même avis par rapport à l'opportunité de l'opération de la cataracte, lorsqu'il n'y a qu'un seul œil atteint de cécité. De part et d'autre on compte des noms qui font autorité dans la science ophthalmologique. Ceux qui rejettent l'opération, objectent : que la disparition du cristallin d'un côté, donne lieu à un désaccord entre les deux yeux dans la puissance de réfraction, d'où peut naître du trouble dans la vision, de la diplopie, du strabisme, etc.; que l'œil opéré peut se prendre d'inflammation, laquelle non-seulement peut faire échouer l'opération, mais encore se propager par sympathie à l'œil sain et y compromettre la vision; d'autant plus que si l'autre œil perd plus tard la transparence de l'appareil capsulaire, il faudra recourir à une seconde opération et exposer ainsi le malade deux fois aux chances de perdre la vue; qu'à la rigueur un seul œil suffit pour opérer la vision distincte jusqu'au moment où tous deux soient atteints de cataracte; qu'en opérant alors les deux yeux dans la même séance, on a plus de chances de voir réussir l'opération, du moins dans un œil.

Cependant pour peu qu'on y réfléchisse, on obtient bientôt la conviction que ces diverses objections ne supportent pas un examen sérieux et que les partisans de l'opération de la cataracte monocle répondent victorieusement à leurs adversaires :

Que le trouble dans la vision, par la seule absence de l'appareil capsulaire dans un œil, est très-rare et forme exception à la règle tant que la vision peut s'opérer des deux yeux et qu'il ne se montre ordinairement que lorsque le sujet ferme momentanément l'œil non opéré. Cette différence du pouvoir réfringent dans l'un des yeux se rencontre d'ailleurs chez beaucoup de personnes non opérées de cataracte, lesquelles ne s'en aperçoivent qu'en fermant un œil, celui qu'ils appellent leur meilleur, ils voient alors confusément ou en double les objets, souvent même en louchant; hors de là, ils ne s'aperçoivent d'aucun trouble dans la vision; j'ai fait souvent cette expérience sur autrui, tout en offrant cet exemple sur moi-même. Si néanmoins un opéré de cataracte monocle souffrait de l'inégalité du pouvoir visuel des yeux, il ne serait pas difficile d'y remédier au moyen de lunettes pourvues d'un verre lenticulaire du côté opéré, et d'un verre plat ou conforme à la vue du côté non opéré, ce qui suffirait pour rétablir l'harmonie visuele;

Qu'une cataracte peut rester monocle toute la vie; ensuite qu'on a beaucoup exagéré les dangers de l'inflammation après l'opération de la cataracte, vérité qui sera reconnue par tous ceux qui se livrent à cette opération; particulièrement lorsque celle-ci a été faite avec douceur, prudence et habileté; qu'il est rare dans ces cas de voir naître une inflammation assez forte pour amener la perte de l'œil opéré, et infiniment plus rare encore de la voir s'étendre au degré de compromettre la vision dans l'œil sain; des médecins-oculistes célèbres et ayant une pratique fort étendue n'ont jamais observé d'exemple de cette transmission. Qui donc, s'écrie à ce sujet le professeur Aug. Bérard, a songé à proscrire la saignée, parce que l'ouverture d'une veine a parfois fait naître une phlébite mortelle ?

Que l'avantage d'opérer les deux yeux à la fois est chimérique et expose bien plus à une double inflammation que l'opération sur un œil ; d'ailleurs des médecins recommandables blâment même pour ce motif l'usage d'opérer à la fois les deux yeux atteints de cataracte;

Que les avantages qui résultent de l'opération de la cataracte monocle sont nombreux. L'individu cesse d'être borgne, et d'être exposé à tous les inconvénients qui résultent de cette infirmité; il n'aura plus à craindre d'être aveugle, si l'appareil capsulaire de l'œil sain perd sa transparence, jusqu'au moment de la maturité de cette cataracte; de l'aveu même de médecins - oculistes qui font autorité, cette dernière maladie est très-souvent empêchée, retardée ou guérie, si elle a commencé dans un œil, par l'opération de la cataracte sur l'œil qui a perdu la transparence cristalline, comme j'en ai vu des exemples. Il évitera l'affaiblissement amaurotique de la rétine résultant de la privation prolongée de la lumière, ainsi que les adhérences que la capsule cristalline contracte à la longue avec l'iris, lesquelles diminuent les chances de succès.

La puissance des faits ajoutée aux considérations judicieuses des partisans de l'opération de la cataracte monocle, qui offre des avantages bien réels, ont déjà opéré des conversions célèbres, parmi lesquelles il suffira de citer MM. Roux et Velpeau. Dans un autre cas de cataracte monocle que j'ai opéré (Annales d'ocul., tome I, août 1840; p. 219 et Encycl. des sciences médicales, tome 11, août 1840, p. 593) je n'ai eu qu'à me louer du résultat. Convient-il, comme le recommandent quelques praticiens, avant de procéder à l'opération de la cataracte, de faire subir au sujet un traitement préparatoire au moyen de purgatifs, de saignées ou de l'application d'un ou de plusieurs vésicatoires à la nuque, aux bras ou aux cuisses? Je crois qu'il faut rejeter cette méthode de la pratique, sinon comme nuisible du moins comme inutile, et se borner à prescrire et surveiller le régime du sujet et tâcher qu'il soit bien portant et que chez lui toutes les fonctions s'exécutent régulièrement au moment de l'opération; nous doutons que l'on approche

de ce résultat par des purgations, des saignées et des vésications préventives, dont l'action est au moins hypothétique si elle n'altère pas fâcheusement la constitution ou l'état normal de l'homme sain. Nous croyons qu'il est plus rationnel de réserver ces moyens énergiques pour combattre une entité réelle que de les prodiguer pour s'opposer à un fantôme.

Malgré la multiplicité des nouveaux instruments qu'on a cherché à introduire dans la pratique dans ces derniers temps pour opérer l'abaissement de la cataracte, nous croyons que l'aiguille courbe primitive de Scarpa mérite la préférence; les changements qu'on lui a fait subir ne nous paraissent offrir que des avantages imaginaires; c'est ici le cas de dire que la variété de l'instrument contribue peu au succès, la main de l'opérateur beaucoup. Nous ne dirons pas la même chose de l'instrument de Kelley Snoroden pour tenir les paupières écartées; c'est là une innovation heureuse et préférable sous bien des rapports à tous les autres blépharostats; nous avons eu beaucoup à nous louer de son emploi et on a vraiment lieu de s'étonner que les services que rend cet instrument n'aient pas encore été généralement appréciés. Il s'applique avec aisance et sans douleur, il reste fixé et supporté malgré les mouvements désordonnés du patient, attendu qu'il n'a pas besoin d'être tenu par la main ; il économise un aide, vu qu'il permet de terminer l'opération de la cataracte et du strabisme avec le secours d'une seule personne; il se retire après l'opération avec la même facilité que pour son application; il ne pèse que 50 à 60 grains; le peu de surface qu'il présente fait qu'il ne gêne aucunement l'opérateur; enfin, ce blépharostat peut non-seulement servir pour les yeux, mais même pour les deux angles d'un même œil en l'appliquant en sens inverse... Tout paraissant bien disposé chez M. Kop, je l'opérai le 8 août dernier; le sujet était assis devant une fenêtre exposée au nord et avait l'œil gauche couvert d'un bandage monocle; debout devant lui, j'introduisis de la main gauche l'aiguille dans la chambre postérieure de l'œil droit en traversant la sclérotique à une ou deux lignes en arrière de la cornée et près du diamètre transversal de l'œil; la cataracte était membraneuse et le cristallin avait disparu par résorption. Je coupai la capsule en autant de morceaux qu'il me fut possible, en tâchant de détacher ceux qui adhéraient à l'iris et de les éparpiller dans la chambre postérieure pour être livrés à l'absorption. Les yeux furent couverts de fomentations froides pendant trois jours et trois nuits; passé ce temps je leur rendis insensiblement la lumière. Aucun accident ne vint compliquer l'opération et la disparition des lambeaux capsulaires se fit très-rapidement, car douze jours après leur division, le champ pupillaire, quoique dilaté, était parfaitement libre et transparent, et l'opéré put vaquer à ses occupations; néanmoins la rétine était frappée d'amblyopie par suite de l'ancienneté de la cataracte, l'œil distinguait les couleurs et les objets volumineux, mais confusément les petits objets, même au moyen d'un verre lenticulaire. Cependant, vu l'âge du sujet, tout fait espérer que maintenant que la rétine reçoit l'impression directe des rayons lumineux, elle ne tardera pas à acquérir plus d'impressionnabilité, et ce qui confirme ce pronostic, c'est l'amélioration déjà acquise sous ce rapport depuis l'époque de l'opération.

Mais M. Kop guéri de sa cataracte, il restait à le débarrasser du strabisme convergent de l'œil opéré, afin que cet organe pût concourir à la vision; car on sait que les louches ne voient que d'un œil, de celui qui est droit, et qu'ils ne voient de l'œil dévié que lorsqu'ils ferment celui qui ne l'est point; ceci explique pourquoi les louches ne voient pas double; ils voient donc de l'œil louche en fermant celui qui a conservé sa rectitude, mais presque toujours le premier est frappé d'un degré plus ou moins prononcé d'amblyopie par suite de l'inactivité à laquelle il est condamné par le strabisme; c'est cette même diminution dans la faculté visuelle qui décide souvent quel œil il faut opérer, dans les cas où il est douteux quel est

l'organe atteint de strabisme. On voit donc que par la strabotomie il ne s'agit pas seulement de faire une opération de complaisance en rétablissant l'harmonie des organes visuels, mais bien aussi de prévenir dans l'organe dévié le développement d'une amblyopie qui, le plus souvent, augmente par le temps jusqu'à produire l'amaurose complète; il est facile de s'assurer de cette vérité sur des louches d'un âge avancé.

Ce fut le 5 septembre, donc vingt-sept jours après qu'il eut subi l'opération de la cataracte, que je pratiquai sur M. Kop la section du muscle droit interne de l'œil droit avec l'assistance de mon confrère Borrewater; l'opération n'offrit rien de particulier, le muscle fut facilement soulevé par le crochet mousse et divisé au moyen de ciseaux ; le redressement des yeux fut immédiatement parfait; je fis un point de suture pour rapprocher la division de la conjonctive, au moyen d'une fine aiguille courbe armée d'un fil de soie ciré, tenue de la main droite avec une pince à pansements, tandis que de la main gauche armée d'une pince à dents je soulevais le lambeau conjonctival. Je recommandai au sujet de ne pas couvrir l'œil opéré, mais de le lotionner sans cesse avec de l'eau froide; deux jours après, j'enlevai le fil de la suture, la réunion de la solution de continuité s'était faite par première intention; sauf un peu d'injection de la conjonctive vers l'angle interne de l'œil et un bourrelet assez prononcé formé par le segment antérieur du muscle droit interne divisé, que je fus obligé d'enlever dix-neuf jours après l'opération, la vue était et est restée parfaitement redressée; de sorte que M. Kop se trouve aujourd'hui heureux d'être guéri de sa double infirmité monocle, laquelle faisait le tourment de sa vie, l'exposait fréquemment aux railleries de ses compagnons et aurait nui indubitablement à son avenir; mais ce qui est plus important, il assure qu'actuellement la vision s'opère beaucoup mieux et plus complétement que lorsqu'il était borgne et louche.

L'opération du strabisme est aujourd'hui chose jugée ; s'il est vrai de dire qu'on a généralement exagéré ses résultats heureux, il ne l'est pas moins d'affirmer qu'aucune autre opération chirurgicale importante ne compte comparativement autant de succès; il est donc permis à présent de faire connaître avec connaissance de cause les avantages aussi bien que les inconvénients qui suivent cette opération. Sans avoir à invoquer le résultat de centaines d'opérations qui me sont personnelles, j'ai pratiqué environ cinquante fois la myotomie oculaire, je pense que ce nombre suffit pour savoir à quoi s'en tenir. Dans le plus grand nombre de cas, lorsque l'opération a été bien faite, le succès est complet immédiatement, d'autres fois, seulement après quelques heures, et reste permanent; la seule contre-indication fondée à la strabotomie, c'est la paralysie du muscle opposé à celui qui est rétracté; ni les obscurcissements divers de la cornée, ni la cataracte, ni l'amaurose, ne mettent obstacle à la réussite de l'opération; le plus beau succès, le résultat le plus parfait que j'aie à présenter, est un jeune homme atteint d'un nuage sur la cornée de l'œil droit que j'ai redressé par la myotomie il y a deux ans.

Après l'opération du strabisme interne, il est avantageux de faire un point de suture à la conjonctive, comme l'a conseillé M. Cunier; on prévient ainsi la chute de la caroncule lacrymale dans l'angle interne de l'œil, accident qui produit un mauvais effet en détruisant la symétrie des deux coins caronculaires des yeux; on empêche aussi cette chute de la caroncule, en opérant la division de la conjonctive sur le globe oculaire plus près de la cornée transparente, mais alors on éprouve plus de difficultés pour atteindre le muscle, le soulever avec le crochet et le diviser, ainsi que pour rechercher si quelques fibres musculaires n'ont pas échappé à une première division; dans cette circonstance le crochet mousse coupant à sa partie concave, inventé par M. Bernard, est un instrument recommandable ;

cet avantage de la suture est acquis à la science, mais celle-ci ne remédie pas à l'exophthalmie comme le prôneur l'avait avancé et comme il doit en être convaincu aujourd'hui; il serait à désirer que l'on pût découvrir un moyen de prévenir cette saillie plus ou moins prononcée que fait quelquefois le globe oculaire plus ou moins rapidement après l'opération du strabisme et qui vient porter ainsi légèrement atteinte à l'harmonie qui doit régner entre les organes de la vue; mais jusqu'aujourd'hui ce moyen n'est pas trouvě.

Une suite plus fâcheuse de l'opération du strabisme, heureusement peu fréquente, c'est un degré plus ou moins prononcé de strabisme s'établissant en sens inverse de celui auquel on a remédié; il arrive aussi quelquefois qu'après avoir redressé un œil, surtout quand il louchait en dedans, l'autre il se dévie légèrement dans le même sens, et c'est lorsque plus tard on opère ce dernier œil, qu'il arrive plus ou moins longtemps après, de voir le sujet atteint d'un double strabisme divergent, souvent accompagné de diplopie, résultat fâcheux et fécond en inconvénients aussi bien pour l'opérateur que pour l'opéré; pour ma part je n'ai pas encore éprouvé ce regret, car l'expérience m'ayant appris à redouter les divisions multipliées des muscles oculo-moteurs, je me borne à opérer un seul œil, et si le résultat n'est pas complétement satisfaisant, j'en prends mon parti, et j'évite ainsi les suites fâcheuses que je viens de signaler.

Les strabismes qui m'ont procuré les plus beaux résultats ont été ceux qui manifestement n'occupaient qu'un seul œil, quel que fût le degré de la déviation, et particulièrement lorsqu'ils étaient produits par la rétraction du muscle droit externe.

Couvrir l'œil après l'opération, c'est s'exposer à voir se reproduire la difformité à laquelle on avait momentanément remédié.

L'orthophthalmie dans les premiers jours qui suivent l'opération de la strabotomie, est un moyen puissant de s'opposer à la reproduction ainsi qu'à la déviation de l'œil en sens inverse; elle s'institue au moyen de compresses pendues devant l'œil, de lunettes spéciales, en couvrant l'œil non opéré, etc., selon des indications faciles à saisir.

Huit ou quinze jours après l'opération, il reste souvent un petit bourrelet charnu sur la cicatrice de la conjonctive; il est le résultat d'un travail éliminatoire du segment antérieur du muscle divisé; on est souvent obligé de l'enlever pour mettre fin à la gêne et à l'irritation que l'œil en éprouve.

Il est donc permis de dire aujourd'hui sans craindre d'être démenti, que ceux qui ont publié des séries de centaines d'opérations de strabisme, toutes suivies d'un succès complet, ou n'ont pas dit la vérité, ou bien se sont contentés de proclamer le résultat immédiat de l'opération, sans examiner comment la vue s'est comportée ultérieurement.

Il n'en est pas moins vrai que la strabotomie est une merveilleuse et importante application de la myotomie et il est à regretter que les avantages n'en soient pas encore plus généralement appréciés.

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