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tains cas, mais qu'elle se faisait plus rapidement à l'aide de la chaleur; que des essais d'application avaient été faits, et qu'on a reconnu, par exemple, que l'eau de fleur d'oranger du commerce, qui contient des sels de plomb, par suite de sa conservation dans des estagnons étamés avec de l'étain mêlé de plomb, peut être privée de ces sels par l'emploi du charbon pour cela, on n'a qu'à la mettre en contact avec du charbon animal lavé, a agiter à plusieurs reprises, à laisser déposer et à filtrer.

Cette propriété du charbon de s'emparer des oxydes métalliques a dû, dans divers cas de chimie judiciaires, dit M. Chevallier, être la cause d'erreurs. En effet, dans un grand nombre de cas, les auteurs imposent l'obligation de décolorer, par le charbon, les liqueurs dans lesquelles on doit rechercher des sels métalliques, qui sont susceptibles d'être enlevés par le charbon. Cette indication de l'emploi du corps existe nonseulement dans des ouvrages anciens, mais dans des ouvrages récemment publiés : là on trouve la prescription formelle de décolorer par ce corps des liquides dans lesquels on doit déterminer la présence d'un sel de plomb ou d'autres sels métalliques. La publication faite par M. Chevallier doit faire proscrire cette prescription formelle, puisque l'emploi du charbon donnait lieu à la précipitation des métaux que l'on voulait rechercher dans les liqueurs décolorées.

Il est probable que M. Chevallier continuera les essais qu'il a déjà communiqués à l'Académie des sciences, et qu'il s'occupera de l'action du charbon sur les autres sels métalliques, tels que ceux de fer, de cuivre, de zinc, de mercure, d'arsenic, d'antimoine, etc., puis de l'action de ce corps sur les alcalis organiques. Ces recherches, selon nous, peuvent avoir une grande importance. (Journ. de chimie médicale, février 1845.)

Hygiène publique.

Nous croyons faire chose utile en nous occupant d'une question d'hygiène publique de la plus haute importance, qui fait depuis longtemps l'objet des recherches d'un grand nombre de chimistes. Nous voulons parler du chaulage du blé par l'arsenic. En nous occupant de cette importante question nous avons pour but d'appeler l'attention de nos confrères des campagnes et de les engager à user de leur influence auprès des cultivateurs à l'effet de leur faire abandonner l'usage dangereux de l'arsenic pour le chaulage du blé.

Les chimistes ont d'abord recherché si les

grains provenant de semences chaulées avec l'acide arsénieux contenaient de l'arsenic. Nous comptons plusieurs bons travaux dans ce genre de recherches; il vient encore d'en paraître deux, l'un de M. Louyet dans le bulletin de l'Académie des sciences de Bruxelles; l'autre de M. Peltier pharmacien distingué à Douai, dans le Journal de chimie médicale, etc., février 1845.Les deux auteurs étant arrivés au même résultat nous communiquons à nos lecteurs le travail de notre compatriote M. Louyet.

Note sur l'absorption des poisons métalliques par les plantes; par M. LOUYET.

Dans le mémoire que j'ai publié en 1841 sur l'absorption des poisons métalliques par les plantes, j'ai tiré comme conclusions de nombreuses expériences, que l'acide arsé nieux enfoui dans le sol, ne pénétrait pas dans les différentes parties des céréales, et notamment dans les graines de ces graminées. Ces conclusions ont été confirmées par les travaux simultanés ou postérieurs d'autres observateurs. Cependant une communication faite par M. Audouard à l'Académic de médecine de Paris, est venue jeter quelques légers doutes sur la solution d'une question que je regardais comme définitivement éclaircie. M. Audouard scrait parvenu à retrouver de l'arsenic à l'état d'arséniate de chaux, en quantité excessivement faible, dans les feuilles et les blés provenant de grains chaulés avec l'acide arsénicux. A la vérité, MM. Loiseleur-Delonchamps et Soubeiran, ayant répété les expériences de M. Audouard, n'ont pu découvrir aucune trace appréciable d'un composé arsenical dans des blés chaulés à l'acide arsénieux.

J'avais précisément recueilli l'année dernière une certaine quantité de froment crù dans un sol très-arsenical, fumé avec du fumier de cheval, et arrosé avec de l'urine putréfiée, afin de rendre les conditions les plus favorables pour l'absorption, en augmentant la solubilité du composé arsenical. Dans les circonstances actuelles, j'ai pensé qu'il ne serait pas inutile de confirmer par de nouvelles expériences le résultat de nies premiers travaux.

J'avais à ma disposition environ 200 grammes de froment et 207 grammes de balles calicinales. J'ai commencé par laver le froment à grande cau, pour enlever toute poussière arsenicale qui aurait pu y être portée par le vent ou par d'autres causes. telles que le contact avec le terrain arsenical. Cette eau de lavage, examinée à l'appareil de Marsh, n'a pas donné de traces d'arscnic. J'ai ensuite introduit les grains humides dans une cornue tubulée, bouchée à l'émeri, à laquelle j'ai adapté un ballon

tubulé; ce ballon était surmonté d'un tube très long, qui se rendait dans une cheminée; j'ai introduit une petite quantité d'eau dans le ballon, et je l'ai tenu dans de l'eau froide pendant toute la durée de l'expérience. L'appareil étant ainsi disposé, j'ai versé peu à peu, et avec soin, de l'acide sulfurique pur sur le froment, par la tubulure de la cornue que je fermais après chaque addition d'acide. La réaction fut très-forte, et la matière s'échauffa considérablement. J'ai ajouté assez d'acide sulfurique pour recouvrir tout le froment; j'ai ensuite bien remué le mélange, et j'ai chauffé légèrement la cornue au bain de sable; il s'est dégagé beaucoup d'acide sulfureux, et il s'est condensé une faible quantité de liquide dans le ballon. Le feu a dû être continué pendant six heures environ, pour amener le charbon à l'état sec. L'appareil étant refroidi, j'ai dû casser la cornue pour avoir le charbon en entier; il fut pulvérisé et traité dans une capsule par une petite quantité d'acide azotique pur; quand le dégagement de vapeurs rouges eut cessé, on chauffa légèrement, de manière à amener la masse à un état de siccité à peu près complet. On fit ensuite bouillir le charbon avec de l'eau distillée, à quatre reprises différentes, filtrant chaque fois le liquide. Celui-ci était à peine coloré il fut ajouté au produit condensé dans le ballon, et le tout versé dans un grand appareil de Marsh, monté avec toutes les précautions indiquées par la commission de l'Académie des sciences de Paris. Le tube était chauffé au rouge sur une longueur d'environ 2 décimètres, et au lieu de clinquant (qui s'était fondu dans une première expérience d'essai), je l'avais entouré d'une feuille mince de cuivre rouge. L'appareil a fonctionné pendant une demi-heure environ; je n'ai absolument remarqué aucun anneau métallique dans le tube, et le gaz hydrogène qui se dégageait à l'extrémité effilée, ayant été enflammé, ne donna aucune tache métallique sur la capsule. Sculement, à une petite distance de la partie chauffée du tube, j'ai remarqué un dépôt extrêmement faible d'une substance jaune pâle, laquelle, examinée à la loupe, offrait l'apparence de gouttelettes.

La même expérience fut répétée avec les 207 grammes de balles calicinales, et j'obtins un résultat absolument identique, c'est-àdire, pas d'arsenic, mais un anneau jaune formé par le dépôt d'une substance volatile. J'ai coupé les deux tubes pour pouvoir détacher cette substance jaune, ce qui s'est fait avec facilité. En ayant pris une partie, et l'ayant exposée à la flamme d'une lampe à alcool, elle prit feu et brûla avec une flamme bleue, en développant l'odeur d'acide sulfureux. C'était donc du soufre, provenant

du gaz acide sulfhydrique contenu dans le gaz hydrogène, et décomposé par son passage dans le tube rouge de feu. Il suivait donc de là que, s'il y avait eu de l'arsenic à l'état d'arséniure d'hydrogène dans le gaz dégagé, il aurait dû se combiner avec ce soufre mis en liberté en même temps que lui par l'action de la chaleur. Il fallait done examiner ce soufre, pour voir s'il contenait du sulfure d'arsenic. Mon embarras était grand, par suite de la quantité extrêmement faible que j'avais à ma disposition; il y en avait au plus deux milligrammes. — Je fis d'abord une vingtaine d'essais comparatifs avec de très-faibles quantités d'orpiment, pour voir s'il y avait possibilité d'en isoler l'arsenic. M. Tauflieb avait conseillé dans le temps de faire chauffer le sulfure d'arsenic dans un petit tube, avec une petite feuille d'argent métallique; mais en opérant par ce procédé sur de très-faibles quantités d'orpiment, je n'ai pas obtenu d'anneau métallique sensible. J'eus alors l'idée de recourir à un procédé que j'avais publié il y a quelques années dans un de nos journaux scientifiques, comme permettant de constater la présence de composés arsenicaux, là où l'appareil de Marsh ne pouvait être employé. Ce procédé repose sur ce principe: si l'on expose une quantité presque inappréciable à la balance d'un composé arsenical, seul ou mélangé à certaines matières, à la flamme intérieure du gaz hydrogène, celui-ci dêcompose ce corps, et l'arsenic est mis à nu. Je suis loin, disais-je, de donner ce procédé comme bon à être employé isolément dans les recherches des composés arsenicaux, mais il peut servir à caractériser la plupart de ces composés, pris sculs ou avec addition d'autres substances destinées à favoriser la décomposition.— J'ai donc divisé en quatre parties le sublimé jaune recueilli dans les tubes de l'appareil de Marsh, lors de la recherche de l'arsenic, tant dans les graines que dans les balles calicinales; et ayant mouillé le fond de quatre petites capsules de porcelaine, j'y fis adhérer les quatre fragments de sublimé. J'exposai ensuite successivement le fond de ces capsules à la partie intérieure d'une flamme très-faible produite par un courant de gaz hydrogène, en ayant soin d'incliner la capsule du côté de la flamme. Le sublimé jaune s'est volatilisé chaque fois sans laisser de tache arsenicale sur la capsule. En faisant des expériences comparatives avec des quantités d'orpiment excessivement faibles, j'ai cu chaque fois des taches métalliques bien déterminées au fond des capsules.

Il suit donc des expériences qui précèdent, que 200 grammes de froment et 207 grammes de balles calicinales, en tout

407 grammes de matière végétale, crue dans un sol contenant une proportion assez forte d'acide arsénieux placé dans les conditions les plus favorables pour être absorbé, ne contenaient pas de composé arsenical, ou du moins que s'ils en contenaient, la proportion en était trop faible pour être décelée par les procédés ordinaires, qui sont cependant d'une extrême sensibilité.

Comme expériences comparatives, j'ai opéré en suivant toutes les précautions indiquées ci-dessus, la carbonisation de 200 grammes de froment ordinaire mélangé de 5 milligrammes d'acide arsénieux, et de 200 autres grammes du même froment contenant 5 milligrammes d'arséniate neutre de chaux.

Dans les deux cas, j'ai obtenu un trèsfort anneau d'arsenic métallique, dans le tube de l'appareil de Marsh.

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l'emploi de ce moyen qui, sans être nouveau, n'en est pas moins précieux, ce serait rendre service à l'agriculture et à l'humanité. Moins que tout autre, il justifierait un abandon irréfléchi. Il ne m'a jamais failli, non plus qu'à bon nombre de propriétaires à qui je l'ai conseillé. Le sulfate de cuivre, presque ignoré, il y a dix ans, dans nos contrées, y devient d'un usage à peu près général. La chaux, dont on usait beaucoup, malgré les plus faibles succès, est bientôt délaissée. La routine pàlit devant le flambeau de l'expérience qui éclaire un légitime progrès.

J'employais d'abord 250 grammes de sel cuivrique par hectolitre de semence, mais le débours, si minime qu'il fût, rebutait encore quelques insouciants. Je diminuai cette quantité jusqu'à 125 grammnes; la réussite fut la même cette dernière dose a prévalu, et suffit, en effet, puisque je pourrais citer plus de cent personnes (la propriété territoriale est ici extrêmement morcelée), qui n'en mettent pas davantage, et obtiennent de belles moissons sans nulle tache de carie. J'observerai, néanmoins, que dans certains terrains où le charbon est, pour ainsi dire, endémique, il faudrait élever la dose jusqu'à 200 grammes. On fait dissoudre le sulfate dans suffisante quantité d'eau chaude pour que le blé soit bien mouillé. On le dispose en tas en laissant un creux dans le milieu, on y verse le solutum froid à deux ou trois reprises, en ayant soin de bien remuer, avec une pelle de bois, de la circonférence au centre, jusqu'à ce que tout le blé soit parfaitement imprégné; on abandonne le tout pour le semer le lendemain. Je partage volontiers l'avis judicieux de M. C. Regnard, qui préfère un cuvier approprié à ce scul usage, mais, entre petits propriétaires, les moyens les plus simples sont préférés, lorsqu'ils réussissent également avec un peu plus de soin.

De ce que le sulfate de cuivre est un composé toxique, doit-on le bannir d'un emploi si utile, alors qu'aucune substance connue ne peut rivaliser ses propriétés? Je ne le pense pas : l'aspect de ce sel fortement coloré, sa saveur styptico-caustique préte difficilement à l'erreur, et ne saurait se déguiser assez pour devenir un puissant auxiliaire du crime.

Note sur le chaulage du blé; par M. AuZOL. Après huit années de recherches et d'essais comparatifs, seoondé par l'officieux concours de plusieurs propriétaires de la contrée, en vue de connaitre la meilleure méthode à suivre pour le chaulage du blé, j'ai successivement employé la chaux, l'hydrochlorate de soude et celui d'ammoniaque, le sulfate de soude et le sulfate de cuivre J'abrége les détails et les inutiles répétitions que nécessiterait une série d'expériences suivies, qui m'ont amené à reconnaître que de ces divers agents, un seul, le sulfate de cuivre, possède éminemment la propriété de détruire complétement le charbon, ou carie du blé, si préjudiciable à l'agriculture et à la santé publique. J'avais jeté quelques notes sur le papier et me disposais à vous les faire parvenir, vu que l'époque de l'en- Il est un inconvénient, je dois le dire, semencement des terres approche, lorsque que je n'ai pu encore totalement extirper, de Journal de chimie médicale de ce mois, ou plutôt un coupable abus entretenu par (septembre) m'est parvenu. J'ai vu, avec l'avarice de quelques individus. Voici à une vraie satisfaction, que M. C. Regnard quelle occasion. Il reste presque toujours un m'avait précédé, et traité ce sujet beaucoup petit excédant de blé sulfaté qui se trouve mieux que je ne l'eusse fait. Grâces lui soient sans emploi, mais que le cultivateur ne veut rendues! pas perdre. Certains l'échangent contre une Je pense, Monsieur, qu'en préconisant quantité égale d'autre blé à ceux qui n'ont

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pas encore semé; d'autres le conservent pour une autre année. Il en est qui le donnent à la volaille (j'ai acquis la certitude que ce grain chaulé ne leur fait aucun mal), mais il est aussi des imprudents qui mélangent ce blé à d'autre et l'envoient au moulin. Je tiens d'un propriétaire aisé que, par suite de pluies incessantes et de la saison avancée, il lui resta sans emploi environ 4 hectolitre de ce blé tout préparé; il le mêla à 3 hectolitres de blé ordinaire, et fit manger à sa manœuvre tout le pain en provenant, sans qu'un seul individu en fût incommodé. Je le blâmai comme je le devais, et lui fis comprendre les conséquences déplorables où pouvait aboutir cette coupable imprudence. Mais je suis fortement persuadé, qu'à l'aide des recommandations que ne manqueront pas de faire ceux qui livrent ce toxique, cet abus ne se reproduira plus.

En résumé, je suis fondé à croire que le sulfate de cuivre est le meilleur produit dont on peut se servir pour chauler efficacement le blé; il le garantit du charbon dans les minimes proportions de 125 grammes par hectolitre pour le terrain ordinaire, et dans les terrains prédisposés à le produire, en éle vant la quantité jusqu'à 200 grammes. ⠀⠀

Note sur le même sujet; par M. RouCAUD, pharmacien. On peut très-bien se dispenser d'employer l'arsenic pour le chaulage du blé et des autres céréales. Ce toxique peut être remplacé par divers sulfates, tels que ceux de cuivre, de fer et de zinc, qui remplissent on ne peut mieux le même bot. Dans les contrées que j'habite depuis vingt-deux ans, il se fait une consommation de plus de 4,000 kilogrammes d'arsenie pour le chaulage des grains chaque année, et j'ai constaté que, sur cent propriétaires, soixante se servent d'arsenic, vingt, de sulfate de cuivre, dix, de chaux éteinte à la quelle on ajoute deux kilogrammes d'urine, et les dix autres, de sulfates de fer, de zine bu des cendres de foyer. Voici les divers procédés qui sont usités ici.

1er procédé. Pr. Arsenic pulv. 30 gr. On le fait bouillir dans environ 80 parties d'eau, ou 2,400 grammes; puis, à P'aide d'une petite branche de buis, on 'asperge un hectolitre de blé ou d'avoine, etc., étendu sur le sol et qu'on remue avec célé rité, pour le bien imprégner de l'eau arsenicale; immédiatement on va le semer. 2o procédé. P. Sulfate de cuiv. (vitriol bleu). 100 gr.

Eau chaude. 2000 >> On procède de la même manière que pour l'arsenic.

3e procédé. P. Sulfate de cuivre, de fer ou de zinc.

On prend l'un ou l'autre de ces trois sels.. .. 250 gr.

On le fait dissoudre dans environ 50 litres d'eau chaude; puis à l'aide de tamis ou de paniers, on immerge les semences dans la solution, puis l'on sème. Ordinairemeut, cette quantité suffit pour chauler les grains d'un petit manoir.

4e procédé. Consiste, pour certaines personnes, à n'employer que la même quantité de ces sulfates que d'arsenic, c'est-à-dire, 30 grammes ou une partie sur 80, et 80 parties d'eau chaude.

Se procédé. Pr. Chaux éteinte, environ.

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500 gr. 2000 gr.

On méle le tout à un hectolitre de grain et on sème.

6 procédé. Consiste à mêler environ deux kilogrammes de cendres du foyer à un hectolitre de blé, et puis semer.

Tous ces procédés, usités dans ce pays, donnent de très-bons résultats. J'ai essayé les uns et les autres dans mon petit manoir, et je me suis convaincu que l'on pouvait abandonner l'usage de l'arsenic. Aussi, toute mon activité et tous mes soins sont toujours employés à persuader aux propriétaires de ne plus se servir d'arsenic. Ceux qui m'ont honoré de leur confiance, m'ont remercié des bons résultats qu'ils avaient obtenus avec les sulfates, et de les avoir exemptés des dangers qui résultent de l'emploi de l'arsenic.

Malheureusement, le plus grand nombre des personnes de la campagne ont toujours de la défiance, ils n'aiment pas les innovations, rien au monde ne peut les porter à changer leur chaulage à l'arsenic; aussi le commerce de ce toxique se fait-il ici d'ane manière effrayante.

Jamais, jusqu'à présent, on n'a remarqué que le blé chaulé avec l'arsenic ait nui au laboureur qui l'a semé. Relativement aux sacs ou toile qui ont servi au transport du blé chaulé à l'arsenic, il est arrivé très-souvent des accidents, suites de l'ignorance ou de la négligence qu'on a mise à ne point laver et bien battre ces sacs, avant de les faire servir aux transports ou dépôts de farines ou autres substances nutritives, parce que beaucoup d'arsenic resté insoluble dans le tissu des toiles, se mêle à ces substances, qui servent à la nourriture des personnes : aussi ai-je vu plusieurs fois des familles atteintes de coliques et de vomissements graves, sans pouvoir dire d'où venait ce dérangement; ce qui met le médecin dans l'embarras, sur le choix à faire d'un remède propre à combattre ces accidents.

Je pourrais citer une infinité de cas où des empoisonnements se sont commis volon

tairement et involontairement dans ces contrées, et ici même : j'ai été appelé pour constater, après l'autopsie des cadavres, le genre de poison qu'on avait donné à ces per sonnes; et dans d'autres, à donner de prompts secours à des personnes empoisonnées.

Enfin, chargé des fonctions municipales, j'ai vu et constaté certains faits d'empoisonnement de volailles et d'autres animaux domestiques; j'ai su aussi que des accidents graves sont dus à l'imprudence: souvent le médecin ayant ordonné des sels purgatifs ou rafraîchissants, pour être fondus dans des tisanes, eh bien! les gens de la maison confondent un paquet d'arsenic avec un des sels prescrits, et les individus succombaient; et tout cela arrive par le peu d'importance que l'on met à livrer si facilement l'arsenic, et à le tenir sous clef.

Généralement, les officiers de santé établis où il n'y a pas d'officine ouverte, les marchands et épiciers du pays, usent largement de l'art. 27 de la loi du 21 germinal an XI, sur la pharmacie : ils ont chez eux, dans leurs magasins, des quantités énormes d'arsenic, qu'ils vendent sans se mettre en peine du danger et de l'amende qu'ils encourent, d'après les art. 34 et 55 de la loi précitée. Tous ces débitants se font une concurrence indigne; ils livrent l'arsenic à tout venant, au prix de 5 et de 7 centimes 1/2, le petit paquet de 30 grammes. Au moment des semences, an marché du chef-lieu de ce canton, on voit jusqu'à trente personnes à la fois chez les débitants, attendre leur tour, pour avoir une quantité considérable d'arsenic; on voit même quelquefois sur leur magasin, des écriteaux annonçant la vente des drogues pour le chaulage des grains.

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Enfin, en dernière analyse, je citerai un fait dont les tribunaux ont retenti. «lly a quelques années, un pharmacien se présenta au sortir de la messe, dans des communes voisines ; là, il fit publier que ceux qui vou draient lui acheter de l'arsenic divisé en pas quet de 50 grammes, à 10 centimes, qu'il était là pour leur en distribuer à volonté, et que dans la semaine ils en trouveraient chez l'officier de santé du lieu, chez lequel il en laissait un dépôt. Il en vendit considérablement, sans être même muni d'un registre, sans distinction de personnes. Grossir le débit, voilà tout. L'autorité locale, soit par ignorance, soit par faiblesse, ne prit point la moindre mesure de précaution; aussi observa-t-on beaucoup de petites vengeances, beaucoup de volailles furent empoisonnées. Alors, la connaissance du fait parvint aux oreilles du procureur du roi, qui se hâta de Poursuivre le pharmacien et l'officier de santé, distributeur dépositaire. Il n'en rẻ

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En 1853, dans une réunion de pharmaciens de ce département, je fus nommé com missaire avec deux de mes collègues, à l'effet de rédiger une pétition et un mémoire, dans le but de demander aux législateurs une révision de la loi, afin d'améliorer l'exercice de la pharmacie, et de détruire les abus qui la compromettent. Cette pétition et ce mémoire furent imprimés et adressés aux membres de la Chambre des députés. Il était fortement question de ces ventes de poisons; les choses en sont restées là, et nous attendons toujours. Aussi les vrais philanthropes gémissent-ils de voir un pareil relâchement.

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Je vous observerai encore que tous les chaulages seraient sans nécessité, si l'agriculteur choisissait bien son grain, bien pur et bien formé, et s'il avait le soin de le semer sur un terrain de bonne nature, bien préparé et bien fumé. Dans ce cas, il n'y aurait jamais de charbon; mais, sur les terrains maigres, fatigués, mal préparés, avec peu ou sans de bon fumier, et sur lequel on sème du grain de mauvaise nature, le charbon arrive constamment; puis les intempéries des saisons, les rayons d'un solcil ardent après un brouillard, au moment de la floraison, sont d'ordinaire les causes qui produisent le charbon.

De toutes ces conséquences, que j'ai bien étudiées, je déclare que le chaulage par l'arscnic doit être banni et interdit partout, et je fais des vœux pour que l'arsenic soit retiré des mains des marchands dont l'esprit mercantile est souvent la cause des malheurs affreux qui désolent la sociétés Que l'on permette seulement aux pharmaciens d'en avoir une très-petite quantité pour certaines préparations toxiques, alors il y aura moins d'empoisonnements.

(Journ. de chim. médio.; février 1845.)

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