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côté de plusieurs autres plus ou moins analogues? Le rhumatisme ne saurait se soustraire à cette règle générale, il porte en effet un cachet particulier; il semble ne pas pénétrer aussi avant dans l'intimité des tissus que les autres inflammations; de là son peu d'adhérence, si on peut s'exprimer ainsi, avec les parties qu'il atteint; de là sa mobilité, ses rapides mutations de caractère, d'intensité et de siége de là le peu de changement qu'il introduit dans les tissus malades et le peu de lu❤ mière fournie par l'anatomie pathologique; de là la rareté de la suppuration et de la gangrène comme suites propres de cette affection.

Ainsi le rhumatisme, par sa manière d'atteindre les parties où son siége s'établit, diffère de la plupart des autres inflammations qui, par leur intensité ou leur persistance, entraînent des suppurations, des perversions, des dégénérations de texture profondes et permanentes.

Un autre caractère de l'inflammation rhumatismale est d'être toujours accompagné de douleur ; il n'y a pas de rhumatisme indolent, quand la douleur cesse, il n'est plus question de rhumatisme, lors même que le gonflement persisterait celui-ci n'est plus considéré que comme une suite de la maladie. Il est, au contraire, bien peu de phlegmasies qui ne puissent exister sans douleur. Que de pleurésies, de pneumonies, surtout de gastro-entérites, etc., qui atteignent un haut degré d'intensité sans que les malades témoignent une douleur proportionnée au danger qu'ils courent!

La douleur forme, pour ainsi dire, la base de l'affection rhumatismale. Elle la constitue seule dans le rhumatisme chronique apyrétique sans gonflement des parties affectées. C'est cette variété qui se rapproche surtout des névroses, qui même devrait y rentrer pleinement, si l'on ne savait qu'elle succède souvent au rhumatisme aigu, qu'elle peut en revêtir les apparences et que l'examen des tissus lésés, montre parfois des traces d'une phlegmasie préexistante.

Dans le rhumatisme, les deux éléments constitutifs de l'organisme sont affectés l'élément vasculaire et l'élément nerveux : mais ils le sont dans des proportions diverses. Les deux degrés extrêmes de l'échelle sont représentés, l'un par le rhu“ matisme aigu intense, dans lequel l'élément vasculaire est partout mis en jeu, et l'autre par le rhumatisme chronique sans gonflement, qui semble résider principa lement dans l'élément nerveux.

Les modifications de l'état phlegmasique, propre au rhumatisme, que j'ai précédemment signalées et qui jettent de l'obscurité sur sa nature, ne dérivent-elles pas du genre d'organe dans lequel cette maladie a son siége? C'est probable : mais quel est donc le siége essentiel ou primitif, quel est le tissu fondamental lésé dans le rhumatisme?

La distinction si longtemps et même encore répandue du rhumatisme en fibreux et musculaire, pourrait servir à résoudre cette question et faire admettre que deux ordres de tissus sont les réceptacles naturels de cette affection. On voit, en effet, le rhumatisme, tantôt s'emparer des articulations où se trouvent des ligaments, des capsules fibreuses, où passent des tendons, etc., etc., tantôt occuper la continuité des membres ou quelque partie du tronc principalement occupée par des masses charnues. Ainsi, au premier abord, on pourrait regarder le siége du rhumatisme comme étant réellement double. Mais, une première réflexion vient ici jeter quelque incertitude. Les tissus albuginés et musculaire, malgré leurs étroites et nécessaire connexions, n'ont ni la même texture ni les mêmes propriétés. Peuvent-ils être malades et souffrir de la même manière? cela semble peu probable à quiconque a suivi les applications nombreuses et fécondes de l'anatomie générale à la pathologie.

Je ne m'arrêterai pas à discuter l'opinion de Carmichaël Smith, qui place le siége du rhumatisme principalement dans les fibres musculaires, parce que, dit-il,

elles ont une vive sensibilité, une grande irritabilité, qu'elles ont beaucoup de vaisseaux et de nerfs et que, par conséquent, elles possèdent à un haut degré tous les éléments de l'inflammation.

Certes, cette induction est spécieuse, mais elle est contraire à l'observation; le rhumatisme se montre surtout là où il n'y a pas de fibres musculaires et quand il paraît affecter les muscles, il y a non-seulement des fibres charnues, mais encore des fibres albuginées. Ainsi, dans le lumbago, il est très-douteux si l'inflammation occupe le corps charnu, ou si elle appartient à l'aponévrose qui le revêt. Lorsque le rhumatisme affecte la continuité d'un membre ne se trouve-t-il pas dans des parties entremêlées et de fibres musculaires et de fibres aponévrotiques? Ces parties ne sont-elles pas recouvertes d'aponévroses plus ou moins épaisses, et ne recouvrent-elles pas les tissus fibreux immédiatement accolés sur les surfaces osseuses? Comment s'assurer, pendant la vie, du siége précis de la maladie? La sensation exprimée par le souffrant ne localise point d'une manière rigoureuse la douleur et l'affection. Les nécropsies ne donnent pas non plus une réponse satisfaisante; elles ne font pas connaître le point de départ de la maladie; elles placent sur une même ligne les altérations primitives et les altérations secondaires. Or, dans le rhumatisme, ce ne sont pas seulement les muscles et les aponévroses qui sont affectés, mais encore le tissu cellulaire et les membranes synoviales. C'est principalement au tissu cellulaire qu'est due la tuméfaction qui accompagne la plupart des arthrites intenses. C'est en lui que se forment les foyers purulents. Les membranes synoviales s'irritent, et leur sécrétion augmente, comme le prouvent les hydarthroses. La même chose arrive aux membranes. séreuses. Peut-on dire que les membranes synoviales soient les sièges essentiels du rhumatisme? mais alors, cette affection ne se rencontrerait que là où ces tissus. existent.

Résumant ces réflexions sommaires sur la nature et le siége du rhumatisme, je regarde comme très-voisines de la vérité, les propositions suivantes :

1o Le rhumatisme est une maladie de l'ordre des inflammations.

2o 11 porte quelquefois un çaractère principalement nerveux.

3° Il a un mode spécial qui le distingue des autres affections, soit inflammatoires, soit nerveuses.

4° Il a son siége essentiel et primitif dans les tissus fibreux ou albuginés.

5. Il peut se propager dans l'épaisseur des muscles, au tissu cellulaire, aux meinbranes synoviales et séreuses.

(La suite au prochain cahier.)

ÉTUDES SUR LA MALADIE DE LA HANCHE; par le docteur A. V. PIGEOLET, membre titulaire de la Société.

(Suite. Voir le cahier de décembre, p. 552. )

A valdè diuturno tempore factæ luxationes,
reduci non possunt, scilicet ubi articuli
cavum a concretis humoribus vel luxu-
riantibus partibus, a pressione elapsi
ossis jam liberis, repletum est.
BRIBOSIA (1).

IV. La question de la réduction des luxations occupe de nos jours une placeimportante dans les annales de l'art chirurgical. Nous n'avons point à nous entre

(1) Bribosia; De morbis ossium. Collect, dissert. in univ. Lovan. p. d. Lov. 1795, t. IV, . 275.

tenir de celles produites au moment de l'action de la violence à laquelle elles doivent leur origine, ou qui existent à l'époque de la naissance; celles-là seules, qui feront l'objet de notre examen ont été précédées et suivies de changements pathologiques dans les tissus qui composent les articulations et les os privés, peu à peu et d'une manière plus ou moins complète, de leurs moyens d'union et de connexion, de leurs soutiens, de leurs points d'appui. Cette partie de la science ne paraît pas avoir beaucoup fixé l'attention des anciens; au moins nous n'avons guère rencontré, dans les ouvrages que nous avons consultés, de trace qui pût nous en donner la présomption. Les paroles d'Hippocrate, que nous avons rapportées, semblent indiquer, d'après l'interprétation de Degoorter (1), qu'il admettait la réduction spontanée, lorsque la maladie tenait à la présence de mucosités qui pouvaient disparaître ; peut-être, néanmoins, le médecin de Cos ne voulait-il parler, dans son axiome, que de l'allongement du membre; car, comme nous le verrons bientôt, il serait difficile qu'une luxation complète dans la fosse obturatrice pût se réduire d'elle-même.

Le passage suivant, de Morgagni, prouve que les anciens, postérieurs à Hippocrate, ont suivi ses errements sur ce sujet : Veteres ut cæterorum ossium, ⚫ ita etiam ossis femoris caput e sua sede excidere non dubitabant, eoque minus » quod etsi difficilem prolapsi repositionem, difficiliorem autem repositi conser» vationem esse, sciebant, tamen utramque egregie aliquando præstitam esse, ex >> Hippocratis, et Dioclis, et Philotimi, et Nilei, et Tarentini Heraclidis testimonio › non ignorabant. Hi enim clari ad modum autores ex toto se restituisse, ut ⚫ Celsus ait, memoriæ prodiderunt, et ille quidem Heraclides non semel quod ejus » locus ostendit, nobis a Galeno conservatus, qui se quoque femoris luxationem ⚫ bis jam ita curavisse, ut in reliquum tempus non amplius exciderit, idemque post ■ Heraclidem, alios multos recentiores præstitisse, confirmavit. Sed quod Heraclides, et Galenus adnotaverant, id tum succedere cum relaxatum, non cum dis» ruptum est, teres, ut vocant, per quod femur cum acetabulo conjungitur, vincu » lum, propterea quia per medicamenta fieri potest, ut absumpto laxante humore, » laxatum vinculum rursus contrahatur..... » Du reste, rien n'annonce, pas plus que dans les auteurs plus modernes, qu'il ait jamais été posé de préceptes pour les tentatives à exercer dans le but d'obtenir la réduction d'une luxation produite par une maladie de la hanche.

Les premiers chirurgiens qui opérèrent la réduction de luxations semblables n'établirent point de règles sur ce sujet; aussi les auteurs classiques eux-mêmes négligèrent-ils d'en faire mention dans leurs ouvrages; et il nous suffira de rapporter les paroles de M. Roux (2) pour prouver de quelle manière absolue on avait exclu cette opération dans les temps modernes : « A peine est-il besoin de dire ⚫ (ainsi s'exprime le grand chirurgien de l'Hôtel-Dieu de Paris) qu'on doit éviter, avec le plus grand soin, tout effort mécanique pour s'opposer au déplacement ou » pour le faire cesser quand une fois il est produit. »

D

Les mémoires de l'Académie de chirurgie (3) donnent l'histoire d'une maladie de fa hanche avec luxation en arrière, qui fut réduite par Cabanis, à l'aide de l'appareil de J. L. Petit, 26 mois après l'accident qui l'avait produite.

Sue (4) publia l'histoire d'un enfant de 12 ans, qui, à la suite de la variole, con

(1) Degoorter; Ouvrage cité.

(2) Roux; Tumeur blanche de l'articulation coxo-femorale; Dictionnaire de médecine en 21 vol., t. XX.

(3) Mémoires de l'Académie de chirurgie.

(4) Sue; ouv. cité, t. II, p. 344.

tracta un état de débilité qui favorisa plus tard l'invasion de la maladie de la harr che et durant laquelle la luxation en bas se manifesta et se réduisit spontanément à trois reprises différentes.

On trouve, dans l'ouvrage de M. Salmade (1), l'histoire d'un enfant de huit ans chez lequel se déclara la maladie et plus tard la luxation dans la fosse iliaque; on obtint la réduction par des tractions répétées.

Nous pensons avec M. Humbert que, malgré que ces trois exemples de réduction du fémur soient passés en quelque sorte inaperçus, ils n'en sont pas moins propres à établir la possibilité de la réduction à différentes époques de la maladie et dans des circonstances variées que nous tâcherons de préciser. Il est une remarque à faire concernant l'histoire publiée par Sue, c'est qu'il est possible que la luxation en bas ne fût pas réelle; nous avons vu jusqu'où l'allongement du membre pouvait être porté par l'abaissement de la hanche et comme il serait assez difficile de concevoir que l'os du fémur placé dans le trou obturateur et devant y rencontrer des obstacles à sa réascension pût se remettre de lui-même dans le cotyle, nous devons croire, comme nous l'avons dit à propos de l'opinion d'Hippocrate, qu'il ne s'agissait alors que d'un fort allongement.

M. Jacquier d'Ervy (2) a communiqué l'exemple d'un garçon de 22 ans chez lequel la luxation survenue pendant le cours d'une maladie de la hanche fut réduite deux fois par un empirique, tandis qu'après une seconde récidive les tentatives de réduction ne furent point suivies de succès.

M. Humbert s'est livré à des essais nombreux pour parvenir à élucider la question de réduction des luxations anciennes du fémur et surtout de celles qui devaient leur origine à une affection de la hanche. Le premier, parmi les nombreux chirurgiens de notre époque qui ont fait de ce sujet l'objet de leurs méditations, il avait entrevu les bienfaits qui résulteraient pour ces malades de la possibilité de rétablir le fémur dans la position normale et de lui rendre l'intégrité de ses fonctions; connaissant les exemples de réduction que nous avons rappelés et quelques faits de nécroscopie qui établissaient que le fémur ne contracte pas toujours des adhérences avec les parties voisines de son nouveau domicile (3), il fit ses premières tentatives en juin 1828 sur un garçon de 18 ans, atteint de luxation spontanée de la cuisse gauche depuis 6 mois. Les premiers essais d'extension furent pratiqués par les mains d'aides, l'allongement que l'on obtint prouva l'absence d'adhérences, mais on ne parvint pas à la réduction. L'appareil qu'il imagina pour arriver à l'extension permanente et graduée lui procura le 18e jour un succès complet et une réduction parfaite (4). Plus tard d'autres accidents, dus sans doute à la prédisposition qui avait donné lieu à l'affection de la hanche se déclarèrent à l'articulation du pied droit.

La seconde observation de M. Humbert donne l'histoire d'une réduction chez une jeune fille de onze ans, opérée en 5 jours, six mois après la luxation, et qui semble s'être parfaitement maintenue.

Dans la troisième observation il est question d'une luxation datant de huit ans, chez un jeune homme de quinze ans, et dont la réduction ne fut obtenue que le trente-sixième jour.

Le quatrième fait signale une réduction obtenue seulement au bout de treize

(1) Salmade; Journal méd. cont. fruct., an XI.

(2) Jacquier; Humbert. Ouv. cité, p. 212.

(3) Voir les faits rapportés par Martin de Bordeaux; Journal de médecine, t. XXIX, année 1768, et Simonin de Nancy; Humbert, ouvrage cité, p.231.

(4) Une lettre insérée dans les Débats du 25 février 1829, par le père du sujet de cette observation, constate la guérison parfaite.

mois de séjour dans l'appareil, quatre ans après la luxation. Le membre se luxa de nouveau et fut réduit cette fois en quarante heures.

Une jeune fille de 8 ans fait le sujet de la cinquième observation; chez elle la luxation existait depuis 8 mois quand elle fut réduite en vingt-deux jours de temps.

La sixième observation contient le récit d'une autre réduction, obtenue chez une jeune fille de douze ans, après huit jours d'extension; la maladie datait d'un an. Enfin la septième observation constate la réduction d'une luxation ancienne chez une jeune fille de onze ans, après quatorze jours d'extension.

Les succès obtenus par M. Humbert, surtout dans les cas de luxation congénitale, ont éveillé l'attention des praticiens, beaucoup se sont mis à l'œuvre et M. Pravaz, entre autres, présenta en 1835 à l'Académie de médecine de Paris un travail remarquable sur ce sujet (1).

Nous n'avons point l'intention de suivre M. Humbert dans la description de ses nombreux et très-ingénieux appareils, nous renvoyons à son ouvrage ceux qui voudront en prendre connaissance. Il en est de ces instruments comme de tous ceux qui concourent au traitement orthopédique de certaines affections, ils ne peuvent se trouver que dans des établissements spéciaux, tant à cause de leurs prix que de l'étude toute particulière qu'il faut en faire pour les appliquer convenablement. Nous croyons d'ailleurs que le bandage amidonné suffit à toutes les indications et qu'il est par sa grande simplicité infiniment plus propre à les remplir que tout autre appareil mécanique compliqué et qui ne se préterait pas comme lui aux mouvements généraux indispensables au traitement nécessité par la cause première de tous les désordres qui surviennent dans l'articulation de la hanche.

Le chirurgien de Morley a cherché à généraliser sa méthode et il la déclare applicable à tous les cas de luxation hormis ceux d'ankylose, avec plus ou moins de chances de succès, néanmoins, selon le degré d'intégrité des parties solides qui forment l'articulation.

La science ne possède pas assez de faits encore, pour pouvoir établir pratiquement les cas dans lesquels les tentatives de réduction devront avoir lieu avec un espoir fondé de réussite et ceux où il faudra s'en abstenir dans la crainte de rappeler la manifestation locale d'une cause qui n'est pas éteinte dans l'économie.

Il est permis de croire cependant que l'usage d'un appareil qui exigerait un repos absolu plus ou moins prolongé ne manquerait pas de nuire très-souvent; or, comme nous le verrons dans sa description, l'appareil amidonné, favorisant l'exercice en tout temps, quand il est d'ailleurs possible et permettant de procéder peu à peu à la réduction quand elle n'est pas obtenue dans une première tentative, aucun autre appareil sous ce rapport ne pourra jamais entrer en lutte avec lui.

Parmi les observations que nous avons recueillies, les 7e et le constatent des faits de réduction de luxation dans la fosse iliaque qui furent faciles à obtenir et se maintinrent parfaitement par le bandage du docteur Seutin; nous croyons que dans tous les cas analogues, quand la maladie est venue lentement, qu'il ne s'est point produit d'abcès, qu'il n'existe pas de phénomènes fébriles et qu'aucune cause traumatique n'a pris part à la maladie, on pourra toujours exercer les mêmes tentatives et espérer un succès aussi beau. Il ne peut guère se présenter dans des circonstances analogues qu'un gonflement des glandes synoviales; or il est à supposer, et c'est le but qu'entrevoyait M. Seutin, que la compression agit avec efficacité contre l'intumescence de cette partie. Valsalva était guidé par la même idée dans le conseil qu'il donna à un jeune homme atteint d'un commencement de

(1) Archives générales de médecine, Paris, 1835,

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