2 ÉTAT DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE. pourtant elle se plaint de la situation des affaires. L'oisiveté que j'ai remarquée dans les ports, n'est pas moindre dans l'intérieur des terres. Négocians et commis, industriels et ouvriers n'ont rien ou presque rien à faire. De tous les pays où des expéditions avaient été adressées, elles reviennent invendues; et les magasins sont presque insuffisans pour pour les contenir. Les banques ont surtout contribué à accroître l'engorgement général, par la prodigalité de leurs émissions de papier et de leurs escomptes. Prêteurs et emprunteurs se sont laissé égarer par l'appât du gain; et tous en subissent la peine. La banque de Stirling expie en ce moment sa facilité ou son imprudence, par la suspension de ses paiemens; et elle vient d'augmenter la gêne qui déjà paraissait extrême. On assure que les porteurs de ses billets ne perdront rien; mais les actionnaires éprouveront des dommages considérables. La carrière restera libre aux possesseurs de capitaux réels. Tous ceux qui exploitaient des circulations succomberont, comme on voit dans les batailles, les plus faibles ou les plus malheureux tomber et abandonner leur dépouille aux vainqueurs. L'aristocratie écossaise est appelée aujour ÉLECTION DES PAIRS ÉCOSSAIS. d'hui, à exercer la fraction de souveraineté 3 que l'union ne lui a pas ravie. Elle va nommer les seize pairs qu'elle envoie au Parlement. L'assemblée se tient dans la galerie du palais d'Holyrood. Déjà les curieux y courent, et les avenues en sont obstruées. On ne l'a point décorée pour cette solennité électorale. Un grand nombre de femmes assistent à la séance. Les électeurs siégent autour d'une table couverte d'un drap vert. Aucun costume ne les distingue. Parmi les candidats, quatorze ont d'avance la certitude d'être choisis: ce sont les partisans connus du ministère, et la majorité ne leur manquera pas. L'opposition a la chance d'obtenir deux défenseurs. Il paraît que les suffrages sont encore incertains à leur égard, ou qu'ils se partagent à peu près également entre les concurrens. La séance s'ouvre. Chacun garde le silence et demeure immobile. Après la prière, on fait l'appel nominal. En s'entendant nommer lord R*** se lève; il a des prétentions à être élu, et demande à les justifier. Si elles sont accueillies, il s'engage à solliciter l'intérêt du gouvernement en faveur du commerce et des manufactures. Entrant dans quelques détails peu saillans, il indique sommairement les remèdes qu'il croit propres à réparer les pertes déjà faites, et à en éviter de nouvelles. Son élocution est haute et claire, mais monotone. La pâleur de son visage, sa physionomie et son regard empreints d'une expression mélancolique, ses bras pendans à ses côtés, tout en lui refroidit singulièrement le discours qu'il prononce. On s'aperçoit qu'il s'énonce avec facilité; cependant, soit que le sujet prêtât peu aux mouvemens oratoires, soit que son esprit eût peu de disposition à les amener, il s'est tû après avoir reproduit trois ou quatre fois le thême étroit de généralités qu'il s'était prescrit. Malgré cela, on l'écoutait avec attention; et quelques signes d'approbation graves et modérés, lui ont été donnés quand il a cessé de parler. Pour nous, à qui le résultat de cette élection importe peu, allons plutôt visiter le village de Rosslyn. Il est à sept milles, au midi d'Édimbourg. L'Esk septentrional y descend des hauteurs sauvages de Portland, et va se jeter à Musselbourg dans le golfe du Forth. En 1066, Malcolm Canmore, roi d'Écosse, cherchait à attirer dans ses états, par des concessions territoriales, les barons anglo-normands qui avaient accompagné Guillaume-le-Conquérant. L'un d'eux, William Saint-Clair, obtint le domaine de Rosslyn. Tels furent dans la suite l'éclat et la richesse de cette famille, qu'un autre William Saint-Clair, héritier de son nom et de ses biens, titulaire d'un nombre considérable de dignités féodales et possesseur d'une fortune immense, résolut d'élever au centre de ses propriétés des monumens qui pussent transmettre à la postérité, le souvenir de sa magnificence. Il vivait vers le milieu du quinzième siècle. Les artistes les plus renommés de cette époque lui donnèrent les dessins d'un château, d'une abbaye et d'une église. Des ouvriers habiles furent convoqués de toutes parts, pour en exécuter les travaux. Ils se logèrent dans des cabanes voisines de leurs ateliers. Retenus ensuite par la beauté du site et par la protection d'un seigneur généreux, plusieurs d'entre eux se fixèrent en ce lieu, et y créèrent le village dans lequel nous venons d'entrer. Jacques II l'érigea en baronnie, y établit un marché hebdomadaire et une foire annuelle. Le titre actuel de comte de Rosslyn est moderne. Conféré d'abord au chancelier Wedderburn, lord Loughborough, il est échu à son neveu, avec l'héritage des biens qui en dépendent. L'abbaye n'existe plus. L'église ou la chapelle est bâtie sur un coteau escarpé. Échappée aux ravages de la réforme et des révolutions, le tems seul ne l'a point épargnée. Maintenant on veille soigneusement à la conservation de ce qui en reste. De loin, on aperçoit à travers les arbres qui l'environnent, les dalles grises de son dôme oblong et arrondi. En approchant, sa forme, devenue plus sensible, se montre légère et élégante. Des contreforts soutiennent les murs à l'extérieur. Leur base est indiquée par quelques filets; des consoles en gaîne ou tronquées, des dais carrés ou en pointe et dont le dessin varie à l'infini, en décorent la façade; chacun d'eux est surmonté d'une flèche à jour. Entre deux de ces appuis, s'ouvrent les portes d'entrée, dont l'une regarde le nord, l'autre le sud. La première est à angles droits : son chambranle couvert de moulures fait retraite sous un porche à plein cintre, couronné d'un fronton et d'une rosace. La seconde, également enfoncée sous un porche, se compose de plusieurs arceaux en ogive, soutenus par de petites colonnes engagées. Au-dessus de chacune de ces portes, est une fenêtre encadrée d'une double guirlande de feuillage. D'autres croisées éclairent la cha |