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erits qu'on voit aujourd'hui en Europe, et d'après lesquels on a donné au public, depuis l'invention de l'imprimerie, tant d'excellens ouvrages en tout genre de littérature. Des le 6° siècle, on commença, dans quelques monastères, à substituer au travail pénible de l'agriculture, l'occupation de copier les anciens livres, et d'en composer de nouveaux. C'était l'emploi le plus ordinaire et même l'unique des premiers cénobites de Marmoutier. On regardait alors un monastère qui n'aurait pas eu de bibliothèque, comme un fort ou un camp dépourvu de ce qui lui était le plus nécessaire pour sa défense: claustrum sine armario, quasi castrum sine armentario. Il nous restait encore de précieux monumens de cette sage et utile occupation, dans les abbayes de Citeaux et de Clairvaux, ainsi que dans la plus grande partie des abbayes de l'ordre de Saint Benoit, lorsqu'elles subsistaient. Nous ne parlerons point ici des bibliothèques particulières qui ont honoré la France. On trouvera au mot CATALOGUE la liste des catalogues des principales bibliothè➡ ques particulières. Les bibliothèques publiques les plus célè bres étaient, avant la révolution, celle du roi, dont on va donner l'histoire ; celles de Saint-Victor, du Collége Mazarin, de la Doctrine Chrétienne, des Avocats et de Saint-Germain-des-Prés ; celle-ci était une des plus considérables par le nombre et par le mérite des anciens manuscrits (1). Elle avait été augmentée, en 1718, des livres de M. L. d'Estrées, et, en 1720, de ceux de M Renaudot. En 1744, M. de Gesvres légua sa bibliothèque à cette abbaye, à condition que le public en jouirait une fois la semaine. L'évéqué de Metz, duc de Coislin, lui avait aussi légué un

(1) Dans la nuit du 2 au 3 fructidor an 2, le feu a pris à la maison de l'Unité, ci-devant abbaye de Saint-Germain-des-Prés, où l'on faisait du salpètre, et une grande partie de la bibliothèque a été la proie des flammes. Cette perte est irréparable à cause des manuscrits.

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pombre considérable de manuscrits qui avaient appartenu ci-devant au chancelier Seguier. Les bibliothèques parti, culières qui jouissaient de quelque réputation avant la révolution, soit pour le nombre, soit pour la qualité des livres, étaient celle de Sainte-Genevieve, à laquelle avait été réuni le riche cabinet de médailles, que feu M. le régent avait formé; celle de Sorbonne, du Collége de Navarre, des Prêtres de l'Oratoire et des Jacobins (1). Celle de Fal connet, très-précieuse par le nombre et le choix des volumes, pouvait étre mise au rang des bibliothèques publiques, puisque les gens de lettres avaient la liberté d'y aller faire les recherches dont ils avaient besoin. Celle de De Boze était peut-être la plus riche collection qui ait été faite de livres rares et précieux dans les différentes langues; elle était encore recommandable par la beauté et la bonté des éditions, ainsi que par la proprété des reliures. Si cette attention est un luxe de l'esprit, au moins c'en est un qui fait autant d'honneur au goût du propriétaire que de plaisir aux yeux des spectateurs. Nous ne devons pas passer sous silence la bibliothèque de M. Gaignat, dont le catalogue est en deux volumes, faisant suite à la Bibliographie instructive de Debure. Cette bibliothèque, célèbre par la rareté et la beauté des éditions qu'on y trouvait, était composée, à la vente, de trois mille cinq cent quarante-deux articles, et a rapporté une somme de deux cent vingt-trois mille deux cent cinquante livres trois sous ; la vente s'en est faite en 1769. La bibliothèque de M. le duc de la Vallière était bien plus

(1) Les bibliothèques des maisons religieuses, des communautés ecclésiastiques et de quelques autres corporations supprimées, dans le département de la Seine seulement, se montent à So0,000 volumes à peu près. Que l'on juge, d'après cela, de l'immense quantité de livres que la révolution a mis à la disposition du gouvernement dans toute l'étendue de la république.

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nombreuse : le catalogue a deux parties; la première, qui renferme les livres rares, a été faite par Debure aîné, en trois forts volumes in-8: elle contient 5668 articles, qui ont rapporté 454,677 liv. 8 sous. Cette vente a eu lieu depuis le 12 janvier 1784, jusqu'au 5 mai suivant ; la seconde partie, faite par Nyon l'aîné, en 6 gros volumes in-8, renferme 26,537 articles : elle a été vendue entièrement au marquis de Paulmy, qui l'avait réunie à sa superbe bibliothèque, qui a été achetée par le comte d'Artois. Passons maintenant à la bibliothèque nationale que l'on regarde comme la plus riche et la plus magnifiqne qui ait existé. Son origine est assez obscure; formée d'abord d'un nombre peu considérable de volumes : il n'est pas aisé de déterminer à quel roi de France elle doit sa fondation. Ce n'est qu'après une longue suite d'années et diverses révolutions, qu'elle est enfin parvenue à ce degré de magnificence, et à cette immensité, qui la placent au premier rang. Quand on supposerait qu'avant le 14° siècle les livres des rois de France ont été en assez grand nombre pour mériter le nom de bibliothèques, il n'en serait pas moins vrai que ces bibliothèques ne subsistaient que pendant la vie de ces princes : ils en disposaient à leur gré, et, presque toujours dissipées à leur mort, il n'en passait guère à leurs successeurs que ce qui avait été à l'usage de leur chapelle. Saint Louis, qui en avait rassemblé une assez nombreuse, ne la laissa point à ses enfans; il en fit quatre portions égales, non compris les livres de sa chapelle, et la légua aux jacobins et aux cordeliers de Paris, à l'abbaye de Royaumont et aux jacobins de Compiègne. Philippe-le-Bel et ses trois fils en firent de même. Ce n'est donc qu'aux règnes suivans que l'on peut rapporter l'établissement d'une bibliothèque royale, fixe, permanente, destinée à l'usage du public, en un mot, comme inalienable, et comme une des plus précieuses portions des meubles de la couronne. Charles V, dont les

trésors littéraires consistaient en un fort petit nombre de livres qu'avait eu le roi Jean, son prédécesseur, est celui à qui l'on croit devoir les premiers fondemens de la bibliothèque nationale d'aujourd'hui. Il était savant, et son goût pour la lecture lui fit chercher tous les moyens d'acquérir des livres; aussi sa bibliothèque fut-elle considérablement augmentée en peu de temps. Il la logea dans une des tours du Louvre, qui, pour cette raison, fut appelée la Tour de la librairie. Afin que l'on pût y travailler à toute heure, il ordonna qu'on pendît à la voûte trente petits chandeliers et une lampe d'argent. Cette bibliothèque (1) était composée d'environ 910 volumes, nombre remarquable dans un temps où les lettres n'avaient fait encore que de médiocres progres en France, et où, par conséquent, les livres devaient être assez rares. Ce prince tirait quelquefois des livres de sa bibliothèque du Louvre, et les faisait porter dans ses différentes maisons royales. Charles VI, son fils et son successeur, tira aussi de sa bibliothèque plusieurs livres qui n'y rentrèrent plus; mais ces pertes furent réparées par les

(1) On prétend qu'on y voyait des traductions d'Aristote, de TiteLive et de Valère-Maxime. La plupart des livres étaient couverts de riches étoffes et enluminés avec soin: on les divisait en trois parties; la première était composée des bibles latines et françaises, des missels, des psautiers et des livres de dévotion; la seconde, des traités d'astrologie, de géomancie et de chiromancie; des livres de médecine, la plupart traduits de l'arabe; des historiens et de quantité de romans en prose et en rimes; enfin, la troisième classe comprenait des chroniques, des histoires générales et particulières, surtout la vie de saint Louis et quelques relations des guerres d'outre-mer. On traduisait beaucoup dans le siècle de Charles V; quantité d'ouvrages grecs, latins, espagnols et italiens furent traduits en français. Parmi les traducteurs de ces temps, on distingue Nicolas Oresme à qui l'on doit la traduction de la politique et de la morale d'Aristote, Evrart de Conty, Jean Goulain, Gilles l'Augustin, Jean de Vignay, Jean du Bagnay, Jean Dandin, Denys Foulechat, Jac ques Bauchat, etc.

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acquisitions qu'il faisait de temps en temps. Cette bibliothèque resta à peu près dans le même état jusqu'au règne de Charles VII, pendant lequel, par une suite des malheurs dont le royaume fut accablé, elle fut totalement dissipée, du moins n'en parut-il aucun vestige. Louis XI, dont le règne fut plus tranquille, donna beaucoup d'attention au bien des lettres : il eut soin de rassembler, autant qu'il le put, les débris de la librairie du Louvre ; il s'en forma une bibliothèque (1), qu'il augmenta depuis des livres de Charles de France, son frère, et, selon toute apparence, de ceux des ducs de Bourgogne, dont il réunit le duché à la couronne. Charles VIII, sans être très-instruit, eut du goût pour les livres: il en ajouta beaucoup à ceux que son père avait rassemblés, et surtout une grande partie de la bibliothèque de Naples qu'il fit apporter en France après sa conquête. On distingue encore aujourd'hui, parmi les livres de la bibliothèque nationale, ceux des rois de Naples et des seigneurs napolitains par les armoiries, les souscriptions, les signatures, ou quelques autres marques. Tandis que Louis XI et Charles VIII rassemblaient ainsi le plus de livres qu'il leur était possible, les deux princes de la maison d'Orléans, Charles et Jean, comte d'Angoulême, son frère, revenus d'Angleterre, après plus de 25 ans de prison, jetèrent, le premier à Blois, et le second à Angoulême, les fondemens de deux bibliothèques, qui devinrent bientôt royales, et qui firent oublier la perte que l'on avait faite par la dispersion des livres de la tour du Louvre, dont on croit que la plus

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(1) En 1471 ce roi, voulant mettre dans cette bibliothèque une copie du livre du médecin arabe Rases, emprunta l'original de la Faculté de médecine de Paris, et donna pour sûreté de ce manuscrit, douze marcs d'argent vingt livres sterlings et l'obligation d'un bourgeois pour la somme de cent écus d'or. Les temps ne sont plus les mêmes, ni pour les rois, ni pour les livres.

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