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Cependant il paraît que les accidents de terrain y sont rares; de là son nom. La configuration extérieure du sol présente les mêmes caractères dans la partie de la France où sont bâties les villes de Troyes, de Châlons et de Reims : voilà pourquoi cette région de notre territoire a reçu le nom de l'une des plus admirables provinces de l'Europe méridionale. Nous ne savons pas de quelle époque au juste date cette usurpation, mais elle était consommée au vio siècle; et elle s'est si bien enracinée, qu'aujourd'hui la province italienne a quitté son nom primitif pour en prendre un nouveau, et qu'au contraire la province française garde son nom d'emprunt, et en dépit de la géographie officielle le maintient victorieusement dans la géographie populaire de la France (1).

Après le continuateur anonyme de la chronique du comte Marcellin, 566 (2), Grégoire de Tours est le premier auteur qui appelle Champagne les environs de Reims et de Troyes; il parle du pays appelé Champagne rémoise, Campania remensis (3), et il nous dit que Troyes était situé en Champagne, Trecas Campaniæ urbem (4). On sait qu'il mourut en 595.

(1) On donne encore le nom de Champagne à certains petits pays de France, en Normandie, dans le Maine, en Berry; mais ce sont là des faits locaux et qui ont peu de notoriété. (Voir l'Annuaire de la Société de l'Histoire de France pour 1837, p. 82-83.

(2) Duchesne, I, 218 A; D. Bouquet, II, 20 E.

(3) Greg. Tur., IV, 17, V. 19; ap. Duchesne, I, 314A, 338 A ; D. Bouquet, II, 212 A, 246 B. Cf. Ducange, vo Campania, éd. Henschel, II, 62.

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(4) Greg. Tur., VIII, 13; ap. Duchesne, I, 398 B; D. Bouquet, II, 318 A. Cf. Jacobs, Géographie de Grégoire de Tours, p. 136.

Dans le siècle suivant, Frédegaire complète ces indications. Il place en Champagne le territoire de Châlons-sur-Marne, et fait couler dans ce territoire la rivière d'Aisne qui arrose, on le sait, une grande partie de la Champagne moderne: in Campaniæ territorio catalaunense super fluvium Axonam (4). Frédegaire nous parle aussi de la Champagne arcisienne, Campania arciacensis (2). On sait qu'Arcis, aujourd'hui cheflieu d'arrondissement dans le département de l'Aube, est situé en Champagne entre Troyes et Châlons, et dépendait autrefois de la cité de Troyes.

Le nom de la Champagne et des champenois, appelés Campanenses par Grégoire de Tours (3) et Frédegaire (4), joue un rôle d'une certaine importance dans l'histoire mérovingienne. Rappelons à ce sujet quelques évènements de cette période reculée.

Le premier eut lieu en 533.

Des quatre fils de Clovis qui se sont partagés son royaume (5), un a déjà disparu de la scène; Clodomir a péri dans la bataille de Véséronce (6). Ses deux frères germains Childebert I, roi de Paris, Clotaire Ier, roi de Soissons, ont divisé entre eux ses

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(1) Cap. 42; ap. Duchesne, I, 753 A; D. Bouquet, II, 429 C. — La leçon reproduite dans le texte est celle de Duchesne; celle de D. Bouquet est un peu différente, in Campaniam territorii Catalaunensis. Le sens est le même.

(2) Cap. 19; ap. Duchesne, I, 746 B; D. Bouquet, II, 420 C. (3) Hist. Franc., V, 14; X, 27; ap. Duchesne, I, 334 B, 453 A. D. Bouquet, II, 241 B.

(4) Cap. 37; ap. Duchesne, I, 751 B; D. Bouquet, II, 427 B. (5) En 511.

(6) En 524.

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états, et pour empêcher que la possession ne pût leur en être contestée, Clotaire, du consentement et en présence de Childebert, a tué de sa propre main deux fils de Clodomir. On peut lire dans Grégoire de Tours, ou dans la huitième Lettre de M. Augustin Thierry sur l'Histoire de France, les détails déchirants de cet assassinat. On trouve raconté, dans la même Lettre de M. Augustin Thierry, un fait qui fut la conséquence de celui-là, et dont le récit, rempli d'épisodes curieux que nous supprimerons, est aussi emprunté à Grégoire de Tours par l'éloquent historien. Quelques années après le meurtre de leurs neveux, Childebert et Clotaire firent un traité avec Thierry Ier, roi d'Austrasie, leur frère aîné, et lui abandonnèrent une petite portion des états de Clodomir (1); des ôtages furent donnés en conséquence, et parmi eux se trouvait Attale, neveu d'un prélat du royaume des Burgondes, de Grégoire, évêque de Langres. Attale fut conduit dans les environs de Trèves, et placé chez un riche Franc qui le réduisit en esclavage. Attale s'enfuit, passa la Moselle et prit, nous dit Grégoire de Tours, la route de Cham- · pagne qui le conduisit à Reims. De Reims, il gagna Langres (2).

De l'année 533 nous passons à l'année 556. Thierry I, roi d'Austrasie, n'existait plus (3). II

(1) En 533.

(2) Grey. Tur. Hist. Franc., III, 14, ap. Duchesne, I, 300; D. Bouquet, II, 194-195.

(3) Il était mort en 534, et avait eu pour successeur son fils Théodebert, mort en 547.

avait déjà eu deux successeurs, dont le dernier Théodebald, petit-neveu de Childebert et de Clotaire, venait de mourir (1). Clotaire s'était immédiatement saisi de la succession, et malgré le silence des chroniqueurs, des travaux modernes ont établi que cette succession comprenait la Champagne (2). Childebert fut mécontent de n'avoir aucune part à cette riche dépouille; il trouva contre son frère un allié, ce fut un des propres fils de Clotaire, nommé Cramne. Alors, nous dit Grégoire de Tours, «< tandis >> que Clotaire faisait la guerre aux Saxons, le roi Chil>> debert entra dans la Champagne rémoise et s'avança » jusqu'à la cité de Reims, dévastant tout le pays » par le pillage et l'incendie (3). »

Vingt ans plus tard, les fils de Clovis sont tous descendus dans la tombe, et une autre génération a pris leur place. Les fils de Clotaire Ier se sont partagés le royaume des Francs (4). Déjà même de ces quatre princes deux ont disparu : Caribert, mort sans postérité mâle (5); Sigebert, qui, poignardé par les intrigues de Frédégonde, sa belle-sœur, a pourtant laissé sa couronne à un successeur né de lui (6).

(1) Cette mort eut lieu en 555.

(2) D. Bouquet, II, 187 n.

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(3) Hist. Franc., IV, 17, ap. Duchesne, I, 314 A; D. Bouquet, II, 212 A. Cf. Appendix ad Chronicon Marcellini comitis, ap. Duchesne, I, 218 A, et D. Bouquet, II, 20 E; Greg. Tur. Hist. Franc. Epitomata, LII, ap. Duchesne, I, 733 A, et D. Bouquet, II,

404 B.

(4) En 561.

(5) En 567.

(6) Sigebert mourut en 575.

Son fils, Childebert II, âgé de cinq ans, est roi d'Austrasie; Chilpéric, l'époux de Frédégonde, règne à Soissons; Gontran, frère de Chilpéric, en Bourgogne. Chilpéric, voulant profiter de la minorité de son neveu, essaie de conquérir les domaines que ce dernier possède au sud de la Loire. Mais, pendant ce temps, un certain nombre de Champenois se réunissent en armes et se portent sur Soissons où se trouvait Frédégonde avec Clovis, son beau-fils. Frédégonde et Clovis s'enfuirent, mais les Champenois n'eurent pas le temps de prendre la ville, Chilpéric arriva avec une armée. Avant d'engager le combat, il envoya aux Champenois des parlementaires pour leur représenter qu'il avait le bon droit pour lui, et leur proposer de traiter; mais les Champenois refusèrent d'écouter les parlementaires et s'obstinèrent à en venir aux mains. Ils furent battus: beaucoup de leurs guerriers les plus courageux restèrent sur le champ de bataille, et le reste prit la fuite (1).

Quelques mois après, les préoccupations de Childéric ont changé d'objet, il est brouillé avec son fils Mérovée. Mérovée est né d'un premier lit, Frédégonde veut exclure de la succession paternelle tous les enfants de son mari qui ne sont pas nés d'elle, et elle ne reculera devant aucun moyen pour assurer la couronne à ses propres enfants. D'ailleurs, Mérovée a épousé Brunehaut, belle-sœur et ennemie mortelle de Frédégonde et de Chilpéric. Mérovée se voit couper les longs cheveux qui sont le signe de sa race;

(1) Greg. Tur. Hist. Franc., V, 3, ap. Duchesne, I, 327 C, 328 A; D. Bouquet, II, 233 C.

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