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LIVRE III.

LES COMTES DE CHAMPAGNE DE LA MAISON DE VERMANDOIS.

923-1019.

CHAPITRE I.

Herbert, premier du nom comme comte de Champagne, deuxième du nom comme comte de Vermandois.

923-943 (1).

Herbert (2), fils d'Herbert Ier, comte de Vermandois, était arrière petit-fils, par les mâles, de Bernard, roi d'Italie. On sait que Pépin, père de Bernard, était fils de Charlemagne, Herbert appar

(1) Colliette, dans ses Mémoires pour l'histoire du Vermandois, I, 417-462, a donné une vie de notre Herbert. Elle contient plusieurs erreurs assez graves, l'une consiste à dire qu'il fit la guerre à Raoul, comte de Cambrai. Or, ce dernier périt dans une guerre non contre notre Herbert, mais contre Herbert Ier, comte de Vermandois, son père. (Ann. Vedastini, ap. D. Bouquet, VIII, 92, et Chronicon Sithiense, ap. D. Bouquet, IX, 73 C.

(2) En latin Heribertus, ou Heirbertus.

tenait donc à la postérité masculine du grand empereur. Son père était mort en 902, assasiné par Baudoin II, dit le Chauve, comte de Flandres (1). Quant à lui, il devint comte de Troyes par son mariage avec Hildebrante (2), fille de Robert, duc, puis roi de France. Cette alliance est regardée comme contestable par le P. Anselme (3), elle est niée par l'Art de vérifier les dates (4). En effet, il est constant que Robert de France épousa Béatrix, fille d'Herbert Jer, comte de Vermandois, et par conséquent sœur de celui dont nous allons raconter l'histoire, on en conclut 1° que la fille de Robert de France, qui aurait épousé Herbert, aurait été sa nièce; on ajoute 2o qu'un pareil mariage aurait été trop contraire au droit canonique de ce temps pour que l'existence en soit admissible. L'exactitude de ces deux assertions ne nous semble point parfaitement démontrée.

D'abord Robert de France peut avoir eu une fille d'une autre femme que Béatrix, par conséquent cette fille n'aurait pas été la nièce d'Herbert. On sait que Robert a eu deux femmes.

Mais quand même il serait établi que de ces deux femmes Béatrix seule aurait eu des enfants, que par conséquent dans notre système Herbert aurait

(1) Baudouin II fut comte de Flandre de 879 à 918.

(2) Tel est le nom que lui donnent les auteurs de l'Art de vérifier les Dates, II, 246, 610 et 702, d'après Du Bouchet, mais nous ignorons sur quels fondements.

(3) Anselme, Histoire généalogique, 1, 49.

(4) Art de vérifier les Dates, II, 246 et 702. Nous observerons, toutefois, qu'elle est admise par le même ouvrage, II, 610.

épousé sa nièce, ce mariage incestueux n'aurait rien qui devrait grandement nous étonner. Qui pouvait alors contraindre les grands vassaux de la couronne à observer les lois de l'église? Ne voit-on pas dans les même siècle Foulques Nerra, comte d'Anjou, épouser sa cousine germaine? Les auteurs de l'Art de vérifier les dates eux-mêmes, par une de ces contradictions dont fourmille un livre, d'ailleurs si utile, ont rapporté sans commentaires et sans la moindre indignation ce mariage incestueux (1). Et cependant les unions entre cousins germains étaient alors tout aussi prohibées que les unions entre oncles et nièces. Mais cette prohibition était souvent tenue pour non avenue, car alors, comme l'histoire le prouve à chaque pas, les lois de l'Église étaient respectées à l'égal de ses biens, que le désordre de la société livrait sans défense en proie à tout usurpateur puissant. L'excommunication du roi Robert à la fin du x' siècle marque le commencement d'une ère nouvelle, d'une sorte de renaissance religieuse dont les premiers symptômes ne se manifestèrent que bien des années après la mort d'Herbert.

Ainsi, les arguments sur lesquels on se fonde pour nier le mariage d'Herbert avec une fille de Robert de France nous semblent dénués de toute espèce de fondement. Nous ajouterons que des textes for

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(1) Art de vérifier les Dates, II, 810, 838. Nous pourrions ajouter que, suivant les auteurs de l'Art de vérifier les Dates, II, 611, Agnès, fille d'Herbert II, comte de Champagne, et de la veuve de Charles-le-Simple Ogive, aurait épousé Charles, duc de la basse Lorraine, son neveu. Mais nous croyons qu'Agnès n'était pas fille d'Ogive.

mels établissent l'existence de ce mariage. Flodoard, dans son histoire de l'église de Reims, raconte qu'en 941, il se tint à Soissons un concile où assistaient Herbert, Hugues, archevêque de Reims, son fils, et Hugues le Grand, fils de Robert de France. Dans ce concile, Flodoard, qui avait été dépouillé de sa cure sous prétexte d'hostilité à l'archevêque Hugues, fit sa soumission à ce dernier. « Alors, » nous dit-il, le prince Hugues, » c'est-à-dire Hugues le Grand, «me prenant par la main, me mena » à Hugues, son neveu, » c'est-à-dire à l'archevêque, << en le priant de me donner un bénéfice (1). » Neveu signifie fils de frère ou de sœur. Hugues, archevêque de Reims, ayant pour père Herbert de Vermandois, n'était pas fils d'un frère de Hugues le Grand, duc de France, donc il était fils d'une sœur de Hugues le Grand, ou en d'autres termes, une sœur de Hugues le Grand avait épousé Herbert, donc Herbert était gendre du père de Hugues le Grand, c'est-à-dire de Robert de France. Enfin le même auteur, dans un passage de sa chronique, dit que Hugues le Grand était oncle maternel des fils d'Herbert, c'est-à-dire frère de leur mère, avunculus, ce qui revient au même, et dans un autre passage du même livre, il répète qu'ils étaient neveux de Hugues le Grand (2).

(1) Historia ecclesiæ Remensis, IV, 28, édit. de Douai, 1617, p. 670.

-

(2) Chron. Frodoardi, an. 946, ap. Duchesne, II, 610B; an. 962, ibid., 617 C. - Ces textes de Flodoard nous semblent ceux qui ont le plus d'autorité, mais ce ne sont pas les seuls que nous puissions citer. Albéric dit formellement qu'Herbert était gendre de Robert de France (an. 920, éd. Leibnitz, I, 257). Orderic Vital

Herbert est un de ces hommes exceptionnels dont la vie frappe vivement l'esprit des peuples. Mêlé aux grands événements qui, pendant la première moitié du x° siècle, firent descendre si rapidement la dynastie carlovingienne sur le penchant au delà duquel se trouvait l'abîme, il y a occupé un des rôles les plus importants et en même temps les moins honorables. Les mœurs barbares et pour ainsi dire féroces des premiers Francs s'étaient adoucies sous l'influence civilisatrice du Christianisme, et du gouvernement d'un grand homme. On ne devait plus revoir ces scènes multipliées de violence sauvage qui font presque toute l'histoire des rois mérovingiens. Mais le pouvoir n'était pas plus respecté que sous cette dynastie primitive. Les armes dirigées contre lui avaient seules changé. On préférait la ruse à la force, on remplaçait volontiers le poignard par la prison.

Herbert, fourbe vivant au milieu d'une société de fourbes, est un de ceux qui ont laissé le plus grand renom. A mesure qu'on s'éloigne de lui, sa figure

n'est pas moins affirmatif. Suivant lui (éd. Le Prevost, II, 360), Herbert était beau-frère, sororius, de Hugues-le-Grand, fils de Robert de France. Enfin, la Chronique de Tours (D. Bouquet, IX, 51 A) dit qu'Herbert avait épousé la sœur de Robert de France,`lisez de Hugues de France, fils de Robert; et la Chronique saxonne (D. Bouquet, VIII, 227 B) fait Herbert gendre de Hugues, lisez de Robert, père de Hugues. On peut dire que ces deux erreurs se compensent. La chronique de Vézelay, en faisant épouser à Herbert la fille de Robert, comte d'Anjou (an 936, ap. D. Bouquet, IV, 90 C), ne commet d'erreur que sur la qualité de Robert, dont le père, à la vérité, avait été comte d'Anjou, mais qui lui-même était seulement suzerain du comte d'Anjou.

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