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il est tonsuré, on le revêt de l'habit ecclésiastique, il est ordonné prêtre, et son père l'envoie sous escorte au monastère de Saint-Calais, près du Mans; mais en route le jeune homme s'enfuit. Après un long et dangereux voyage, il vient se réfugier dans le royaume d'Austrasie, et comme les grands du pays qui gouvernaient sous le nom de Childebert II, craignant sans doute de mécontenter Chilpéric, refusent de l'accueillir: il se cache dans la Champagne rémoise. Son père le sut, et entra en Champagne avec une armée pour le prendre; ses recherches furent inutiles, il se retira sans avoir obtenu de résultat. Mais au bout de quelque temps des habitants de Térouanne, ville du royaume de Chilpéric, gagnés, dit-on, par Frédégonde, se rendirent aussi en Champagne, et, plus habiles que le roi de Soissons, parvinrent à découvrir le jeune prince. « Si vous voulez >> venir chez nous, » dirent ces émissaires à Mérovée, «< nous nous révolterons contre votre père et nous » vous prendrons pour roi. » L'imprudent les crut et quitta sa retraite : c'était une trahison, et pour ne pas tomber vivant entre les mains de son père, il fallut qu'il se fit tuer par un ami (1).

Huit ans se sont écoulés, l'état des affaires est bien changé ; le roi d'Austrasie, Childebert II, est majeur, et commence à vouloir gouverner. Gontran, son oncle, qui n'aimait pas l'évêque de Marseille, Théodore, avait fait arrêter ce prélat par le duc Rataire.

(1) Greg. Tur. Hist. Franc., V, 14, 19, ap. Duchesne, I, 334 B, 338 A; D. Bouquet, II, 241 B, 246 B. Cf. Greg. Tur. Hist. Franc. Epitomata, 78, ap. Duchesne, I, 737 A; D. Bouquet, II, 408 D E. La mort de Mérovée eut lieu en 577.

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Marseille appartenait à Childebert, et c'était au nom de Childebert que Ralaire y exerçait l'autorité; mais Gontran, qui considérait toujours son neveu comme un enfant, donnait des ordres à Rataire de même que si Marseille eût fait partie du royaume de Bourgogne. Théodore fut donc mené prisonnier à Gontran, qui voulait le faire condamner par un concile, mais qui, l'ayant vu et s'étant entretenu avec lui, reconnut l'injustice de cette prétention et y renonça. Alors on conduisit Théodore à Childebert. Ce dernier, fort peu satisfait de cette usurpation de pouvoir, voulut, d'accord avec les évêques de son royaume, faire sentir son mécontentement à son oncle; les deux rois devaient avoir une entrevue à Troyes, ville de Champagne, nous dit Grégoire de Tours. Childebert ne s'y rendit pas (1).

La maturité vient vite à cette époque; Childebert, à l'âge de dix-sept ans, a deux fils et une volonté énergique qui, soutenue des conseils de Brunehaut, cause des inquiétudes aux grands d'Austrasie. Un complot se forme; trois ducs, Rauching, Ursion et Bertefroy sont à la tête. On compte tuer Childebert et partager son royaume entre ses fils. Théodebert II, l'aîné, sera roi de Champagne sous la tutelle de Rauching; Ursion et Berthefroy, seront tuteurs du second, Thierry II, qui règnera sur le reste de l'Austrasie; mais ces projets furent découverts, et les conspirateurs massacrés (2).

(1) Greg. Tur. Hist. Franc., XII, 13, ap. Duchesne, 1, 397-398; D. Bouquet, II, 317-318.

(2) Greg. Tur. Hist. Franc., IX, 9 et suiv.; Duchesne, I, 415; D. Bouquet, II, 337. - Ces évènements se passaient en 587.

La reine de Neustrie, Frédégonde, n'était pas étrangère à ce complot. Bientôt il se présenta à Childebert et à Brunehaut une excellente occasionde vengeance.

Un Franc de Tournay avait quitté sa femme pour une concubine. Le frère de sa femme, furieux de cette conduite, lui en faisait de fréquents reproches; l'époux infidèle n'en tint aucun compte. Son beaufrère vint l'attaquer, les armes à la main, accompagné de parents et d'amis; l'autre appela les siens à son secours. Il s'ensuivit une bataille acharnée à laquelle survécut un seul des combattants. Suivant l'usage, les parents de ceux qui avaient succombé dans cette lutte meurtrière prirent les armes pour les venger. Frédégonde, n'ayant pu les accorder, parce que trois d'entre eux ne voulaient pas accepter la transaction qu'elle proposait, invita ces trois hommes à diner et fit enivrer les domestiques qui les avaient accompagnés. Le repas se prolongea fort tard, la nuit vint, la salle n'était pas éclairée, les domestiques dormaient ivres dans un coin, les trois parents, assis sur le même banc, causaient entre eux sans faire attention à ce qui se passait autour d'eux. Trois hommes, armés de haches, vinrent se placer derrière eux, et au même instant, brandissant ces haches, firent voler les trois têtes sur le sol; c'était Frédegonde qui les avait envoyés. Les parents des morts s'assemblèrent indignés, et gardèrent prisonnière dans son palais cette reine sanguinaire. Ils firent dirent à Childebert que, s'il voulait venir, ils la lui livreraient pour qu'il la fît mettre à mort. Le peuple champenois, dit Grégoire de Tours, se leva en armes pour envahir la Neustrie; mais il ne se pressa

pas assez, des amis vinrent délivrer Frédégonde, qui s'enfuit (1).

Childebert survécut huit ans au complot formé contre lui par Rauching, Ursion et Bertefroy; mais il ne devait pas mourir de mort naturelle, il périt empoisonné en 596. Ses deux fils lui succédèrent : Théodebert II eut l'Austrasie, Thierry II la Bourgogne (2). Brunehaut fixa sa résidence en Austrasie, et gouverna sous le nom de Théodebert pendant environ quatre ans; puis les leudes d'Austrasie, auxquels sa domination était devenue insupportable, la chassèrent du royaume. Un pauvre la trouva un jour toute seule dans la Champagne arcisienne; elle lui demanda d'être conduite au roi de Bourgogne, son petit-fils on l'y mena. Brunehaut prit, en Bourgogne, l'influence qu'elle avait perdue en Austrasie (3).

La paix ne pouvait exister longtemps entre les deux royaumes. L'Alsace faisait partie de celui de Bourgogne. Quelques années après l'expulsion de Brunehaut, les Austrasiens envahirent cette province. Les Bourguignons réclamèrent, il fut convenu que les deux rois auraient une entrevue à Seltz (4). Thierry s'y rendit accompagné de dix mille guerriers; Théodebert amena avec lui une grande armée, enveloppa les Bourguignons, et contraignit son frère à lui abandonner par un traité, non seulement

(1) Greg. Tur. Hist. Franc., X, 27, ap. Duchesne, I, 452–453 ; D. Bouquet, II, 381 ABC.

(2) Gontran, mort en 593, avait laissé son royaume à Childebert. (3) Frédegaire, cap. 19, ap. Duchesne, 1, 746 B, et D. Bouquet, II, 420 C. Ces évènements eurent lieu en 599.

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(4) Bas-Rhin, arrondissement de Vissembourg.

l'Alsace, mais encore le Saintois, la Turgovie et la Champagne (1). Cette spoliation eut lieu en 640. Deux ans après, il fut vengé par la conquête de l'Austrasie et la mort de Théodebert. Brunehaut et Thierry régnèrent à la fois sur les deux royaumes, mais Thierry mourut lui-même l'année suivante. Sigebert son fils, proclamé roi aussitôt, n'avait que dix ans. Les lois barbares qui soumettaient les femmes à une tutelle perpétuelle, ne pouvaient pas les admettre à la tutelle des rois. Brunehaut prétendit cependant garder le pouvoir, elle ne songeait pas aux haines redoutables dont elle était l'objet. Les mécontents traitèrent secrètement avec Clotaire II, fils de Chilpéric et de Frédégonde, l'ennemi né de Brunehaut et de sa race. Clotaire envahit l'Austrasie; le petit Sigebert et la vieille Brunehaut, son arrière grand'mère, vinrent avec une armée à la rencontre des Neustriens et campèrent en Champagne, sur l'Aisne, dans le territoire de Châlons; mais au moment où l'on allait en venir aux mains, l'armée austrasienne, sur un signal convenu d'avance, battit en retraite et abandonna Sigebert et deux de ses frères au roi de Neustrie. Clotaire fit égorger deux de ces enfants, on sait quel supplice termina la vie de Brunehaut, et Clotaire II, comme son grand-père Clotaire Ier, réunit sous un sceptre unique toute la nation des Francs (2).

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(1) Campanenses. Frédegaire, cap. 37, ap. Duchesne, I, 751 B; D. Bouquet, II, 427 B. On suppose qu'il s'agit dans ce texte de la Champagne méridionale seulement, et que la Champagne septentrionale faisait déjà partie de l'Austrasie.

(2) En 613. Frédegaire, cap. 42, ap. Duchesne, I, 753 A; D. Bouquet, II, 429 C.

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