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au delà du fort, coula un des bateaux du pont. Dans la nuit suivante, une attaque fut dirigée contre l'ile d'Erlenrhin; tous les petits ouvrages avancés furent emportés, et les assiégeants pénétrèrent dans l'ouvrage à corne. A la vue des succès des Impériaux, le général Lecourbe se mit à la tête d'un bataillon, renvoya son pont volant pour lui ôter tout espoir de retraite, et se précipita sur l'ennemi qu'il chassa de l'ouvrage. Ce trait de dévouement fut au reste inutile: les Autrichiens, maîtres de la redoute des Trous-de-Loup et des lignes du camp, ayant poussé la tranchée jusqu'auprès du Rhin et de l'ouvrage à corne, l'ile d'Erlenrhin se trouva isolée, et Saint-Cyr en ordonna l'évacuation, le 3 janvier, pour ne pas sacrifier inutilement les braves chargés de sa défense les assiégeants occupèrent de suite ce poste impor

tant.

Dans la nuit du 5 au 6, les Autrichiens attaquè rent enfin la seconde ligne de retranchements du camp; c'est-à-dire, ceux qui se trouvaient entre l'ouvrage à corne supérieur et la redoute des Trousde-Loup. Le combat fut vif et meurtrier; tous les ouvrages furent emportés, et les assaillants pénétrèrent dans le chemin couvert de l'ouvrage à corne où des travailleurs se logèrent aussitôt. Cette opération, exécutée malgré la résistance de six bataillons français et du feu du fort, fit honneur à ceux qui la conduisirent : elle n'eût pas été plus sanglante, si on l'avait entreprise au mois de novembre.

Cette journée fut décisive. Les Autrichiens pouvaient désormais réunir tous leurs moyens contre le fort, livré dès ce moment à ses propres forces: toute résistance ultérieure n'en cût pas retardé la prise au delà de deux jours. Depuis six semaines, 43 batteries et 25,000 toises de tranchée avaient été construites; près de 100,000 coups de canon et 25,000 bombes avaient sillonné les ouvrages: les Impériaux, maîtres du camp retranché, enveloppaient le fort par trois attaques; les batteries de celle de gauche enfilaient déjà les ponts de communication. Moreau, ne voulant pas exposer la garnison à un assaut, crut devoir alors abandonner un poste qui n'avait plus rien de sa première importance: Kehl fut évacué, en vertu d'une convention signée le 9 janvier. L'armée impériale n'y

trouva plus que des remparts renversés, des palissades brisées, et un poste à peu près inutile pour elle.

Ce siége, considéré, soit en lui-même, soit seulement dans ses résultats, fut un événement mémorable de la campagne; il fit le plus grand honneur aux généraux Desaix, Saint-Cyr et Lecourbe.

Lorsqu'après les combats de l'Eltz et de Schliengen, l'armée impériale se trouva réunie devant Kehl, sa tâche paraissait remplie. Cependant, sa marche victorieuse fut arrêté tout à coup devant des retranchements informes ; et c'est là que commencèrent pour elles de véritables travaux; il ne lui restait plus qu'un coin de terre à gagner, pour délivrer l'Allemagne de la présence des républicains; mais que de peines et de combats ne lui coûta-t-il pas ? Chaque ouvrage exigeait un assaut; et tel mauvais retranchement en exigea plus de deux. Enfin, après 50 jours de tranchée ouverte; après avoir perdu plus de 5,000 hommes, et consommé autant d'artillerie et de munitions, qu'en eût exigé le siége d'une place de premier rang, cette armée entra dans Kehl : triste conquête, qui la dédommagea bien peu de la perte d'un temps précieux, des sacrifices immenses qu'elle avait faits, et des revers accablants essuyés au même instant en Italic!

Si l'on ne peut refuser des éloges à la défense d'un fort construit à la hâte, dont quelques parties seulement étaient revêtues; dénué de magasins ou de bâtiments à l'épreuve de la bombe; lié à un camp retranché dont les principales défenses consistant en flaques et en marais, étaient précaires et subordonnées aux gelées; il faut pourtant observer qu'on eût pu faire des retours offensifs plus fréquents. Un camp retranché qui communique avee une armée, et dont on peut déboucher à volonté avec 40,000 hommes, offre bien des avantages pour une guerre de chicane: on a vu quel parti des garnisons entièrement investies en ont tiré; et Masséna en a fourni un grand exemple à Gênes.

Les détails dans lesquels nous sommes entré, sont suffisants pour donner lieu aux remarques suivantes : 1° Moreau, pouvant déboucher avec toutes ses forces sur des parties de la ligne ennemie, devait le faire aussi souvent que possible, dès les premiers jours de novembre; 2o l'archiduc, mieux

convaincu de la facilité qu'avait son adversaire de | établir quatre batteries de gros calibre. Le 28, le déboucher à volonté avec 40,000 hommes sur une feu de ces batteries rompit le pont; et 21 bateaux, des extrémités de sa ligne ou sur son centre, n'au-entraînés par le courant sur la rive droite, furent rait pas dû s'exposer à faire un siége régulier de pris par les troupes impériales: cette circonstance Kehl, en sa présence; 3° le meilleur moyen de ré- engagea les assiégeants à faire une seconde somtablir l'équilibre des deux armées, était d'enlever mation, à laquelle Abatucci répondit avec fermeté. de vive force la première enceinte du camp, qui Le 30 novembre, le prince de Furstemberg rén'avait que des retranchements d'un faible relief; solut enfin de tenter l'attaque qu'il aurait dû fairé puis de diriger de la redoute des Trous-de-Loup un mois plus tôt, quand les ouvrages étaient imune attaque contre l'ouvrage à corne et les retran- parfaits. Il fut sans doute déterminé par la rupture chements qui couvraient le pont, afin de réduire du pont qui livrait en quelque sorte la garnison à de bonne heure la garnison du fort à ses propres elle-même. C'était, il est vrai, un grand avantage; forces. mais si, dès le principe, on avait formé une pareille tentative avant le point du jour, il est probable que ces ouvrages eussent été enlevés avant l'arrivée des renforts; car, à cette époque, ils n'étaient guère défendus que par le canon d'Huningue, lequel ne battait que dans la plaine située entre les retranchements français et la position autrichienne, et qu'on eût évité, en se portant avec vivacité au pied des retranchements.

Au surplus, ces observations, faites dans l'intérêt de l'art, ne diminuent en rien la gloire que les deux partis se sont acquise. Elles tendent seulement à démontrer qu'on atteint rarement la perfection à la guerre; et qu'il n'est général si habile, sur la conduite duquel la critique ne trouve à

s'exercer.

Les Autrichiens, n'ayant pas les moyens d'entreprendre deux siéges en même temps, restèrent en observation devant la tête de pont d'Huningue. Cet ouvrage, construit par Vauban et détruit en exécution du traité de Baden, avait été relevé sur les fondements qui existaient encore, et l'on y avait ajouté quelques ouvrages avancés. Ces travaux n'étaient pas terminés, lorsque l'armée exécuta sa retraite. Le prince de Furstemberg les laissa achever complaisamment, et crut sans doute bien faire, de se couvrir lui-même d'une ligne de contrevallation sur les hauteurs d'Altingen, qui se prolongent parallèlement au Rhin, à un quart de lieue de ce fleuve position excellente, qui domine la plaine, et où Villars gagna, en 1702, la bataille de Friedlingen.

Quoi qu'il en soit, le 30 novembre, à onze heures du soir, le prince de Furstemberg se mit en mouvement, avec 5,000 hommes divisés en trois colonnes. Il est rare qu'une attaque de nuit, combinée sur plusieurs points, réussisse, à moins que l'ennemi ne perde toute contenance. La colonne de gauche s'égara et se dispersa; celle de droite aborda la grande lunette par la gorge, tandis que celle du centre en attaquait le saillant, et escaladait ses faces. Cette lunette fut emportée, et les troupes qui la gardaient, forcées à se retirer dans l'ouvrage à corne; lequel, n'ayant pu tirer tant que la lunette était disputée par les troupes des deux partis, commença alors un feu violent sur les Autrichiens. Malgré cela, ils se maintenaient Nous avons dit que Moreau, en dirigeant le gros dans la lunette, et paraissaient occupés à s'y loger, de ses forces sur Kehl, après avoir repassé le Rhin, lorsqu'Abatucci sortit de l'ouvrage, se jeta sur eux, laissa la division Férino vers Huningue, pour pro- et les en expulsa. Les colonnes impériales se retéger la défense du pont. Ce soin fut confié alter-tirèrent sur le plateau après avoir perdu plus de nativement aux 3 légère, 56° et 89 de ligne, sous les ordres du général Abatucci.

Le corps du prince de Furstemberg, qui était en présence depuis le 28 octobre, d'abord uniquement occupé du soin de se retrancher, n'ouvrit qu'au milieu de novembre un boyau de tranchée pour descendre des hauteurs dans la plaine et y

TOME III.

mille hommes. Les Français qui n'en eurent pas moins de 800 hors de combat, regrettèrent surtout le brave Abatucci, officier général de la plus haute espérance, qui mourut des suites d'un coup de feu.

Dès lors, l'ennemi se borna à canonner la tête de pont jusqu'au 16 décembre; enfin il cessa de tirer, faute de munitions. Depuis la rupture du

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pont, la communication se faisait encore en bateanx, pour relever les troupes et leur porter des vivres ou des munitions. Le feu des assiégeants rendant ce trajet dangereux, on éleva une grande batterie sur la rive gauche du Rhin, en avant de la digue qui va d'Huningue à Neudorf; et les convois naviguèrent sous sa protection.

Les assiégeants, ayant reçu, au milieu du mois de janvier une partie de l'artillerie qui avait servi au siége de Kehl, commencèrent alors à presser plus vigoureusement celui de la tête de pont.

Le 25 janvier, ils se portèrent en avant de leur première parallèle. Deux sorties furent exécutées par les assiégés, dans les nuits du 29 et du 31: elles eurent un premier succès, comme cela arrive toujours; mais l'arrivée des réserves ennemies les obligea de rentrer, après avoir encloué quelques pièces. Enfin la résistance de ce fort n'étant plus qu'une opération partielle, qui n'avait point une importance proportionnée aux sacrifices qu'elle exigeait, on proposa aux Autrichiens de leur en faire la remise. Une convention fut conclue le 1er février, et on obtint jusqu'au 5, pour en achever l'évacuation : la garnison se retira cou-verte de gloire, ne laissant aux assiégeants que des monceaux de terre.

Cet événement termina la campagne sur le Rhin, qui fut honorable pour les armées des deux nations. Cependant, si l'on en excepte le mouvement de l'archiduc contre Jourdan, et la bataille de Biberach gagnée par Moreau, elle ne fut signalée par aucune grande manoeuvre. De part et d'autre on s'étendit beaucoup et on forma une double ligne d'opérations; mais, dans le choix des positions et l'ordonnance de combat, l'armée de Rhin-et-Moselle se fit remarquer par un aplomb inconnu des troupes françaises, depuis le commencement de la révolution.

Desaix se couvrit de gloire à toutes les affaires, surtout à Geisenfeld, à Biberach, et à Heydenheim. Saint-Cyr en acquit aussi dans plusieurs occasions: les officiers généraux y rivalisèrent de zèle et de courage. Dans l'armée impériale, Nauendorf déploya une activité et une intelligence qui lui firent une juste réputation. Kray se distingua par une vigueur peu commune et une présence d'esprit, qui le placent au rang des meilleurs généraux d'exécution.

L'armée française avait été ramenée, il est vrai, au point d'où elle était partie; cependant, elle avait fait beaucoup de mal à l'ennemi, et rapportait des trophées; les cadres de ses corps étaient intacts, aguerris, et mieux organisés qu'auparavant; elle avait détaché la Souabe et la Bavière de la coalition. Enfin, la belle défense de Kehl et d'Huningue, prouvant au Directoire toute la solidité de la ligne du Rhin, lui permit de songer à de plus vigoureux efforts du côté de l'Italie. En conséquence, il ordonna aux divisions Bernadotte et Delmas de franchir les Alpes, malgré l'approche de la mauvaise saison. Ce mouvement, exécuté dans le plus grand secret, fut dérobé assez longtemps aux Autrichiens, pour les mettre hors d'état de lui en opposer un semblable. On assura sa réussite, en rassemblant d'abord la division Bernadotte à Metz, sous prétexte de former un camp de réserve, et en la faisant filer avec précaution sur Lyon, où Delmas se portait en même temps. de Besançon. Les deux divisions étaient près d'atteindre Chambéry, avant que le bruit de leur marche ne transpirât en Allemagne. Nous ne tarderons à les retrouver dans le chemin de la victoire, sur les rives du Tagliamento; mais avant de retracer les glorieux travaux de l'armée d'Italie, qui leur ouvrait la carrière par un des faits d'armes les plus extraordinaires, il convient de rendre compte des événements maritimes.

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cendiaire de Toulon, Sidney Smith venait d'être » Les législateurs se convaincront sans doute, fait prisonnier, en reconnaissant sur une chaloupe » que le principe d'unité doit être conservé dans les moyens de détruire le Havre. Les rades de » l'autorité des ports : qu'en conséquence, un orToulon, Rochefort, Brest, Cherbourg et le Texel,» donnateur général peut être choisi dans tous les étaient surveillées ou bloquées par autant d'esca-» grades administratifs ou militaires, mais doit >> essentiellement avoir de longues années de na

dres; tandis que d'autres portaient la terreur du nom britannique depuis le détroit du Sund jusqu'au fond du golfe de Naples.

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Le Directoire, au milieu des fautes qu'on lui reproche en politique et en finances, ne se montra pas aussi étranger à la direction de la marine qu'on pourrait le supposer. Guidé, dès les premiers jours de son installation, par le ministre Truguet, il avait proposé au corps législatif un système propre à imprimer plus d'unité et de force aux administrations des ports, en réunissant dans une seule main l'autorité militaire qui s'étend sur le personnel de l'armée navale, et la direction du matériel, des approvisionnements, des constructions et des dépenses. « L'état déplorable dans lequel se trouve » la marine, disait-il, est connu de nos ennemis qui » nous bravent jusque sur nos côtes.... Nos flottes » humiliées, battues, bloquées dans nos ports,» » dénuées de ressources en vivres et en matières » navales, déchirées par l'insubordination, avilies >> par l'ignorance, ruinées par les désertions: tel » est l'état dans lequel les hommes à qui vous avez » confié le gouvernement, ont trouvé la marine >> française.

vigation, dont dix au moins sur les vaisseaux de » l'État.

» Cet ordonnateur correspondrait avec le mi»nistre de la marine, et il aurait l'autorité sur » tous les fonctionnaires. Le service serait simple, » actif, uniforme; et cet ordonnateur n'étant point » étranger au métier de la mer, présenterait sur » l'administration des ports, l'équipement des >> vaisseaux et les travaux immenses qui en dépen» dent, une responsabilité qui ne serait point » illusoire.

» Pour éviter la confusion des pouvoirs et lais» ser à chacun le détail qui lui est propre, il fau» drait diviser ensuite l'administration soumise à » l'ordonnateur général, en deux grandes direc>>tions: l'une sous un directeur militaire, et l'autre sous un directeur civil.

>> La direction militaire comprendrait les offi»ciers, les troupes, la police et la garde du port, >> la construction, l'entretien et le radoub des vais>> seaux, leur armement et leur équipement, la » fabrication des câbles, manoeuvres et autres ou» vrages, et généralement tous les mouvements

» La tâche qui leur est imposée, ne les effraye» du port. L'artillerie et tout ce qui en dépend

>> lui seraient également soumis.

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» pas. Déjà des ordres sont donnés pour réunir, >> dans nos ports, tous les éléments d'une puissante >> La direction civile comprendrait les approvi» marine; pour rattacher au travail des individus »sionnements, la comptabilité de l'arsenal en » qu'une longue licence avait rendus sourds à la journées et matières, le bureau des armements >> voix du devoir; pour purger la marine des roya-» et répartition des prises, les revues des employés » listes, des ignorants et des lâches qui la désho- » civils et militaires, l'administration et la police. >> norent. Le Directoire n'a pas borné ses efforts à» des bagnes et hôpitaux, la comptabilité, le con » de simples mesures de gouvernement; il a cher- » trôle des fonds et l'inspection des vivres.

» ché de nouvelles ressources dans l'organisation » maritime, décrétée récemment par la convention »> nationale; mais il a reconnu avec regret que » cette organisation, l'ouvrage de ses derniers mo» ments, décrétée au milieu des orages, des évé»nements et des travaux de tous genres qui l'ont >> assaillie au terme de sa session, ne présentait au >> gouvernement que des entraves, et l'enchaînait >> dans tous ses moyens d'exécution....

» En vous adressant, dès le principe de ses tra>> vaux, des observations sur l'état de la marine, >> et sur les moyens de rectifier ce qui lui paraît dé» fectueux dans son organisation, le Directoire >> exécutif a cru toucher au point capital, dont dé»pendent le bonheur et la gloire de la France... »

Malgré les puissants motifs dont le gouvernement étaya ce message, le rapport du comité de la marine ne lui fut point favorable on lui op

nir. A la vérité, l'ouverture du port d'Anvers, formellement reconnu praticable dès le mois d'avril, par l'entrée d'un brick et de deux bâtiments d'un fort tonnage, avait mécontenté le commerce d'Amsterdam: cependant, le gouvernement batave n'en marchait pas moins d'un pas assez ferme dans la route qu'il s'était tracée. En attendant les secours qu'il promettait, on imprima aux armements toute l'activité que l'extrême pénurie du trésor permettait d'y apporter. Richery reçut l'ordre de sortir enfin de l'engourdissement où il demeurait plongé à Cadix, et de porter l'épouvante dans les parages de Terre-Neuve. Il y détruisit les pêcheries, fit d'excellentes captures, et sema l'alarme jusqu'aux bouches du fleuve Saint-Laurent, où les Français conservaient encore certain nombre de partisans.

posa l'exemple de l'Angleterre, où, de temps im- | celles que le Directoire venait de renouer avec mémorial, les deux branches avaient été séparées. l'Espagne, lui laissaient entrevoir un meilleur aveBergevin, passant en revue les différents systèmes suivis depuis Colbert, et forcé d'avouer que l'unité d'administration avait créé, pour ainsi dire, les belles escadres sorties des ports français dans la guerre d'Amérique, ne réussit pas moins à faire prononcer le rejet de la proposition, sous prétexte que le mode d'administration proposé avait produit la pénurie et le désordre dont on s'était plaint à la suite de ces glorieuses campagnes. Au conseil des Anciens, on alla plus loin. Des orateurs présentèrent le projet du Directoire comme une preuve de sa soif de pouvoir; ils affectèrent de n'y voir que l'occasion de créer de nouveaux emplois pour y placer ses créatures; raisonnement assez mal fondé, puisque les différentes branches de ce service, réunies ou séparées, n'en restaient pas moins subordonnées au pouvoir exécutif. Ces faibles arguments, indices de l'inquiétude et de l'ombrage des conseils, furent puissamment secondés par les motifs spécieux déduits par Barbé-Marbois. Cet ancien administrateur de Saint-Domingue, cita l'opinion même du comte d'Estaing, qui, investi d'une dictature absolue durant la guerre d'Améri-mée que les agents du gouvernement professaient que, blâmait la concentration de tant d'autorité dans une seule main, comme source de mille abus aussi contraires au bien du service sous le rapport de l'économie, que de la direction des opérations maritimes. Privé à cette époque de commissaires pour défendre ses projets à la tribune, le gouverpement eut la douleur de voir celui-ci rejeté, bien qu'il eût été facile de détruire les objections de ses adversaires. Il ne s'agissait point, en effet, de conférer à un même amiral le commandement des flottes et celui des ports. L'administration proposée différait peu des préfectures maritimes, dont on reconnut l'efficacité quelques années après, et l'on peut dire qu'en y ajoutant un conseil d'amirauté sous la présidence du ministre et s'attachant à faire de bons choix, le Directoire, eût fait tout ce qui dépendait de lui pour améliorer les institutions de ce département.

Quoique contrarié du rejet de son système administratif, Truguet ne désespéra pas de relever la marine française de son état de nullité. Les nou velles relations de la république avec la Hollande,

Une escadre légère, sous les ordres de Sercey, fut envoyée à l'ile de France avec les agents du Directoire. Ce contre-amiral y soutint avec avantage un combat, dont on lui reprocha ensuite de n'avoir pas mieux profité. Mais la colonie, infor

les maximes de Santhonax, et songeaient à l'émancipation des noirs, les fit rembarquer pour la France, tout en donnant, d'ailleurs, les marques les moins équivoques de son dévouement à la métropole.

Les Antilles ne furent pas si heureuses. Les mesures proposées par le ministère pour les régir, quoique motivées sur la nécessité de concilier tous les intérêts, ne répondaient point à l'attente générale. L'urgence de secourir Saint-Domingue était manifeste; mais comment y parvenir sans ramener l'ordre, et quelle réunion de talents, de fermeté et de sagesse n'aurait-il pas fallu dans les chefs, pour atteindre ce but? Le ministre, en renvoyant Santhonax, crut s'attacher les noirs: on lui adjoignit Raymond, pour satisfaire les mulâtres; et en prenant dans les différents partis des blancs, trois hommes assez sages pour inspirer la confiance au commerce français et neutre, on imagina avoir rempli toutes les conditions requises par la prudence. Soins superflus, et dont le peu de succès atteste à la fois combien les passions

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