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les armées navales des puissances belligérantes n'a- | l'a prévu le cabinet de Saint-James, croit devoir vaient eu l'occasion de faire une campagne plus brillante. Quoique la soumission de l'Irlande laissât moins de chances de succès aux Français pour une descente, la tyrannie exercée sur les habitants de cette île, les entretenait dans un esprit de résistance qui n'attendait que l'apparition d'une escadre républicaine pour éclater de nouveau. D'un autre côté, l'armée d'Égypte réclamait toute la sollicitude du Directoire, et les efforts de sa marine portent à croire qu'il jugea indispensable de la soutenir ou de la retirer.

Longtemps avant les revers qu'essuyèrent ses armées, en Italie et dans les Alpes, le Directoire avait reconnu tous les inconvénients de cette funeste expédition. A peine l'échec de Jourdan, à Stockach, eut-il dévoilé le danger de Masséna en Helvétie, que le ministre de la marine Bruix se rendit à Brest, pour accélérer par sa présence un armement considérable. On espérait que le bruit de ces préparatifs, en parvenant à Londres, retiendrait au moins les escadres britanniques dans l'Océan, quand même l'expédition n'atteindrait pas son but direct. On n'eut pas de peine à déterminer l'Espagne à mettre sa flotte en état de prendre part aux chances de la campagne : la prise de Minorqne, l'insolente domination de Keith et de Nelson sur la Méditerranée, faisaient à cette puissance un devoir de tenter encore un effort, aufant pour venger l'honneur de son pavillon indignement sali depuis la bataille navale du cap SaintVincent, que pour faciliter le commerce interrompu par les croisières anglaises.

réunir la marine de l'Espagne à la sienne, avant de rien tenter en faveur de l'armée d'Égypte. Bruix ayant saisi un instant favorable, appareille de Brest à la fin d'avril, avec 25 vaisseaux de ligne; aussitôt Bridport, le croyant destiné pour l'Irlande, se hâte d'aller croiser sur les côtes méridionales de cette île. Favorisé par cette erreur, l'amiral républicain fait voile sans obstacle jusqu'à Cadix, où Keith, ne pouvant recevoir bataille à l'ancre avec 15 vaisseaux contre des forces doubles, est obligé de lever la croisière pour manœuvrer.

Cependant Bruix, sans chercher à l'attaquer ni à se joindre aux Espagnols, louvoya sur les côtes d'Espagne, jusqu'à ce qu'une tempête violente le forçât de gagner la haute mer. Passant ensuite le détroit, il cingla Vers Toulon, où il mouilla, le 13 mai. Keith gagna Gibraltar pour attendre des renforts qu'il ne tarda pas à recevoir; car, dès qu'on fut instruit dans la Manche de la route tenue par les Français, lord Bridport détacha le contreamiral Wisthed avec 5 vaisseaux, suivi immédiatement par l'amiral Gardner à la tête de 16 autres. Dans les entrefaites, Keith ayant rallié l'escadre de Duckworth qui venait de Minorque, se présenta devant Toulon. Massaredo se hâta de profiter de son absence pour sortir de Cadix, et passer le détroit le 15; mais une nouvelle tempête le décida à entrer à Carthagène : cette circonstance, loin d'être funeste, lui évita peut-être un engagement partiel avec des forces supérieures, et favorisa la jonction tant désirée.

Près de cent vaisseaux de ligne naviguaient ainsi Le cabinet de Londres, bien persuadé que les dans une mer étroite, et tout annonçait des événeprojets maritimes de ses ennemis n'auraient en vue ments décisifs; cependant il n'en fut rien. Bruix que l'un ou l'autre de ces objets, n'ajouta rien aux sortit de Toulon et longea la côte de Gênes, où il préparatifs de défense intérieure qu'il avait faits s'aboucha avec le général Moreau. On crut un inl'année précédente. Il se contenta d'ordonner à stant qu'il allait entreprendre quelque diversion l'amiral Bridport, qui commandait toujours la croi- favorable à l'armée d'Italie, alors adossée à l'Asière établie devant Brest, de venir couvrir les côtes pennin, et réduite à une défensive très-pénible d'Irlande, et à lord Keith, stationné à l'embouchure jusqu'à l'arrivée de l'armée de Naples; cet espoir, du Tage, de suivre les escadres espagnoles qui ha- qui ranima un instant les courages, ne tarda pas sarderaient de sortir de Carthagène, Cadix ou le être déçu. L'escadre, qui n'avait pas de troupes Ferrol, et de leur livrer bataille avant qu'elles pus à bord, ne s'occupa que de son objet, et alla bientôt sent se réunir entre elles ou joindre l'escadre rallier à Carthagène, les 24 vaisseaux espagnols, française. avec lesquels Bruix cingla de nouveau vers Cadix. La campagne s'ouvre. Le Directoire, ainsi que L'amiral français y séjourna le temps nécessaire

pour radouber ses vaisseaux, et repartit, avec l'escadre combinée, pour Brest, où il rentra le 13 août, après trois mois d'une course peut-être sans exemple dans les fastes maritimes.

Après la punition de la révolte du Caire, Bonaparte s'occupa du système de défense de l'Égypte, et des institutions nécessaires à l'affermissement et à la prospérité de sa conquête. Alexandrie, Rosette, Damiette, Belbeis, Salahieh, Suez et le Caire, furent garnis de batteries, ainsi que les points de la côte, favorables au débarquement; on fortifia les bouches du Nil, et l'on poussa avec activité les travaux du Caire et d'Alexandrie. Le système financier de Poussielgue, motif ou prétexte de l'in

Keith ayant vainement cherché à le combattre, le suivit dans l'Océan, et vint relâcher à Torbay. Les instructions données à Bruix ne nous sont pas connues; la lettre du Directoire à Bonaparte dit positivement qu'il était chargé de ramener l'armée d'Égypte; mais la sortie de sa flotte est de la fin d'avril, et la lettre du Directoire du 26 mai.surrection de la capitale, fut maintenu comme le Cependant, comme il mouilla à Toulon vers cette époque, et qu'il demeura jusqu'au commencement de juillet dans la Méditerranée, on est fondé à croire que s'il ne partit pas avec ce projet, le Directoire eut tout le loisir de le lui transmettre. Le temps apprendra ce qui s'opposa à son exécution. Quelques personnes ont pensé que la mission de Bruix était de battre Keith avant qu'il ne fût renforcé, de ravitailler ensuite Malte, d'imposer aux Turcs, et de retirer l'armée d'Égypte s'il n'y avait aucun autre moyen de satisfaire la Porte. D'autres soutiennent que le but essentiel était de - ramener la flotte espagnole dans l'Océan, afin de mettre à exécution un projet offensif contre l'Angleterre, dont Bonaparte avait conseillé l'adoption avant de partir pour l'Orient (1).

seul capable de subvenir aux besoins pressants de l'armée; bien plus, on y ajouta quelques mesures pour assurer la solde et les autres services. Des ateliers d'armes et des fonderies de canons furent établis. Les savants et les artistes formèrent des établissements d'utilité publique, ou exploitaient cette terre si féconde en monuments de l'antiquité. Bonaparte, lui-même, reconnaissait les vestiges de l'ancien canal de Suez tout enfin, prenait en Égypte l'aspect d'une colonie florissante. Mais les soins de l'administration n'empêchaient pas le gé néral en chef de porter un œil vigilant sur l'armée. Déjà elle avait été augmentée de la légion nautique, formée par 3,000 marins échappés au désastre d'Aboukir, ainsi que de tous les matelots étrangers du convoi, âgés de moins de 30 ans, qu'on incorpora dans les régiments: elle le fut encore, d'un corps de cavalerie d'une nouvelle espèce. La nécessité de mettre un terme au brigandage des Arabes, donna naissance au corps des dromadaires; arme toute nouvelle qui participait de la nature de la cavalerie et de l'infanterie, sans avoir aucun de leurs inconvénients. Les dromadaires portaient deux hommes adossés l'un à l'autre, avec leurs armes et des vivres pour plusieurs jours; et comme ils peuvent facilement faire une course de 25 à 30 lieues sans manger, toutes les fois que les Arabes se hasardaient à quitter le désert pour piller, ils étaient bientôt atteints et en

Le cadre de cet ouvrage ne nous permettant pas d'entrer dans le détail des opérations étrangères au plan que nous nous sommes proposé, nous ne chercherons pas à approfondir ce mystère peu importe, au fond, que Bruix ait rempli sa tâche ou que de puissants obstacles s'y soient opposés; le fait est que sa sortie de la Méditerranée laissa l'armée d'Égypte abandonnée à elle-même, et que 50 vaisseaux entassés dans le port de Brest n'empêchèrent pas même l'Angleterre de poursuivre les apprêts de l'expédition qu'elle méditait contre la Hollande; entreprise dont nous rendrons compte dans un des chapitres suivants, car il est temps de porter nos regards sur les côtes de Sy-veloppés par un détachement de dromadaires. Ce rie, où des événements importants venaient de décider du sort de l'armée d'Orient.

corps rendit par la suite les plus grands services. Bonaparte venait d'apprendre, par le manifeste

(1) Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs de leur suffise pour soumettre une nation pleine de patriotisme donner le texte de ce projet de Bonaparte. Nous sommes et de courage; mais le document ne nous en paraît pas loin de penser comme lui qu'une armée de 40,000 hom- moins digne de fixer l'attention. (Voyez pièces justificames jetée sur quelque point que ce soit de l'Angleterre, | tives, du livre XIV, no 1.)

de la Porte, qu'il avait été complétement joué. | périeur fut confié au général Dugua, et l'adminis

tration à Poussielgue. Menou eut le commandement de Rosette, et Marmont celui d'Alexandrie. Le général Desaix conserva le commandement de la haute Égypte où il n'y avait guère que 4 à 5,000 hommes pour en achever la conquête.

Bonaparte sentant la nécessité d'une marine pour tenir tête à la croisière de Sidney Smith et l'éloigner des côtes de Syrie, expédia à Malte, par un aviso, l'ordre à l'amiral Villeneuve de revenir en Égypte avec les débris d'Aboukir, si la mer était libre en attendant, il prescrivit au contreamiral Perrée de mettre à la voile d'Alexandrie avec trois frégates chargées de l'artillerie de siége, et d'aller croiser à hauteur de Jaffa.

Croyant le ministre Talleyrand à Constantinople, il lui avait expédié, dans les premiers jours de décembre, le consul de Mascate, Beauchamp, chargé de remettre en même temps des dépêches au visir. Mais ce manifeste dissipa son erreur : répandu avec profusion dans toutes les provinces par les émissaires de Mourad-Bey, il ranima le courage des ennemis des Français, et occasionna dans quelques parties du Delta, des révoltes qu'il fallut comprimer par la force. L'avenir était fort inquiétant; l'orage grossissait, et l'on devait s'attendre à voir bientôt fondre sur l'Égypte, l'élite des troupes ottomanes soutenue par la mariue des Anglais. Bonaparte apprit dès l'origine, les préparatifs que faisaient les pachas de Tripoli, de Damas et de Saint-Jean-d'Acre; et, dans le dessein d'intimider le dernier, il l'avait sommé d'éloigner le bey Ibra-sur Katieh; celle du général Kléber, qui s'était emhim de son pachalik, en lui offrant de continuer les relations commerciales des deux pays, le menaçant, en cas de refus, de porter la guerre en Syrie, et de le chasser d'Acre. Le pacha, loin de répondre à cette coumunication, n'en pressa les apprêts qu'avec plus d'activité. Toutes les provinces de l'Égypte furent inondées de ses firmans El-Arisch le 17, en même temps que Bonaparte, menaçants; il envahit les provinces de Jaffa, de qui croyait trouver le fort rendu. Mais sa garnison, Ramhleh et de Gaza, fit arrêter tous les Français composée de mameluks, de milices de Bagdad et qui se trouvaient à Acre et à Jaffa; enfin, occupa de Maugrabins, au nombre de 1,300 hommes, par un détachement de ses troupes le fort d'El-avait jusqu'alors tenu en échec les premières diviArisch, situé sur la frontière d'Égypte à l'issue du sions. Deux jours auparavant, le général Reynier

désert.

Bonaparte vit bien qu'il n'y avait point de repos à espérer de son côté; et, comme il importait de prévenir l'ennemi et de l'épouvanter par de nouvelles victoires, l'expédition de Syrie fut résolue.

La division Reynier, cantonnée dans les environs de Belbeis, se mit la première en mouvement

barquée sur le lac Menzaleh, l'y joignit le 6 février, et toutes deux se portèrent sur-le-champ contre El-Arisch, dont elles formèrent l'investissement le 9. Les autres divisions se mirent successivement en route; Bonaparte ne quitta le Caire que le 10.

Les divisions Bon et Lannes arrivèrent devant

avait cependant surpris un corps assez considérable d'infanterie et de cavalerie, commandé par Ibrahim-Bey, qui venait au secours de la place: le camp turc fut tourné au milieu de la nuit, tout ce qu'il renfermait fut pris ou tué, et des bagages immenses restèrent au pouvoir des Français. Cette journée, et la réunion immédiate de l'armée d'expédition, enlevèrent tout espoir aux assiégés; ils

le 20 février, ils évacuèrent le fort. Partie de la garnison prit du service dans les rangs des vainqueurs, le reste fut conduit à la suite de l'armée.

L'armée fut formée de 24 bataillons, 900 chevaux et 49 bouches à feu. L'infanterie était partagée en 4 divisions, aux ordres des généraux Klé-proposèrent une capitulation qui fut acceptée, et, ber, Reynier, Lannes et Bon, Murat commandait la cavalerie; Dommartin dirigeait l'artillerie; et Caffarelli, l'arme du génie. Toutes les troupes réunies s'élevaient à 13,000 hommes. Il ne resta dans la basse Égypte que 10 ou 12 bataillons de ligne, la légion nautique, la légion maltaise et les dépôts de cavalerie. Ces forces furent réparties dans toutes les provinces, dont le commandement su

Bonaparte, pressé de sortir du désert où l'on commençait à éprouver les privations les plus cruelles, laissa devant El-Arisch la division Reynier pour en réparer les fortifications, et mit les trois autres en mouvement sur Kan-Jounes. Mais les

troupes, conduites par des guides infidèles, s'éga- | places prises d'assaut; presque toute la garnison rèrent, et ne parvinrent à ce village qu'après et une partie des habitants tombèrent sous les 48 heures de fatigues et de souffrances. Cet acci-baïonnettes, et la fureur du soldat ne fut assouvie dent faillit être funeste au général en chef, qui, en qu'après 30 heures de pillage et de massacre. arrivant à Kan-Jounes, y trouva l'ennemi au lieu des siens. Son heureuse étoile, et la bonne contenance de l'escorte, le sauvèrent les mameluks crurent que toute l'armée arrivait et se replièrent sur Gazah.

Quoique le pacha de Damas eût assis son camp devant cette ville, il ne crut pas néanmoins être assez fort pour résister; et, à l'aspect des Français qui s'avançaient en carrés contre lui, il l'abandonna précipitamment, ainsi que la place. Les républicains y trouvèrent quelques pièces de canon, beaucoup de munitions de guerre, et d'abondants magasins de vivres, dont on avait le plus pressant besoin.

Cette conquête valut aux vainqueurs 40 pièces de canon de place ou de campagne, outre un bon port et une place de dépôt ; mais les troupes y prirent en même temps les germes de la peste. Bonaparte en donnale commandement au général Robin, et le chargea de mettre sa rade à l'abri des insultes des Anglais.

On joignit aux prisonniers d'El-Arisch quelques centaines d'hommes qui avaient échappé à la mort en se réfugiant dans les mosquées ; mais bientôt, calculant qu'on ne pourrait les envoyer en Égypte sans trop s'affaiblir, ni les renvoyer sur parole, sans s'exposer à les voir grossir les rangs ennemis, Bonaparte prit la résolution de s'en défaire. On les conduisit sur le bord de la mer où ils furent passés par les armes; cet acte d'une froide barbarie porta atteinte à la plus belle réputation militaire des

massacre de l'impérieuse loi de la nécessité; les personnes des prisonniers sont sacrées, elles sont sous la sauvegarde de l'honneur; dès qu'on avait consenti à recevoir les armes de ces ennemis, aucune considération de prudence ne pouvait les priver des droits qu'ils s'étaient acquis par leur capitulation.

Après avoir donné à son armée deux jours de repos, qu'il employa à l'organisation administrative de la province, Bonaparte continua sa marche. Le 30 mars, la division Kléber qui faisait l'avant-temps modernes. En vain on a voulu couvrir ce garde, arriva devant Jaffa, ville entourée d'une forte muraille flanquée de tours, et dans laquelle le pacha avait laissé une garnison de 4,000 hommes. Le 4 mars, l'investissement en fut formé par les généraux Bon et Lannes, et l'on ouvrit la tranchée dans la nuit; Kléber reçut ordre d'aller prendre position à deux lieues plus loin pour tenir tête aux Naplouzains, qui faisaient quelques démonstrations hostiles. Les deux jours suivants furent employés à établir des batteries de brèche; et le 7, au matin, tout étant préparé pour l'assaut, Bonaparte somma le gouverneur turc. Celui-ci, pour toute réponse, ayant fait couper la tête au parlementaire, la division Lannes se dirigea sur la brèche pratiquée dans la partie occidentale de l'enceinte, pendant que le général Bon conduisait une fausse attaque du côté opposé. La garnison se défendit avec vigueur, et le succès était encore incertain, lorsque les grenadiers de Bon découvrirent le long de la mer, une ouverture par laquelle toute la division se précipita, et parvint sans peine sur la place du port. Cet incident favorisant la principale attaque, les Turcs furent bientôt repoussés dans l'intérieur de la ville; et, comme ils refusèrent de poser les armes, Jaffa subit le sort des

Saint-Jean-d'Acre était désormais la seule ville qui pût arrêter les Français. Aussi Bonaparte, ne voulant pas laisser au pacha Djezzar le temps d'y augmenter ses moyens de défense, expédia l'ordre au général Reynier de se håter de le rejoindre; et, le 14 mars, il quitta Jaffa avec les divisions Lannes et Bon, pour se réunir à Kléber. Le lendemain, l'armée se dirigeant sur Zeta, aperçut à sa droite la cavalerie d'Abdallah-Pacha, en position sur les hauteurs de Karsoum. Un corps nombreux d'infanterie occupait les montagnes de Naplouze. Bonaparte forma sur-le-champ les divisions Bon et Kléber en carrés, et les lança à la rencontre de la cavalerie ennemie, pendant que le général Lannes manoeuvrait pour se placer entre elles et les Naplouzains. Ces démonstrations suffirent pour engager le pacha à la retraite; mais Lannes, s'étant imprudemment abandonné à sa poursuite, fut ramené

dans la plaine, après avoir eu une demi-brigade fort maltraitée.

L'avant-garde française entra le 16 mars dans Caïffa, que les Turcs venaient d'abandonner, sans en avoir évacué les magasins; le lendemain, l'armée arriva sur la Kerduneh, petite rivière qui a son embouchure à peu de distance de Saint-Jeand'Acre. Le général Andréossy la traversa de suite avec quelques troupes, et fit construire pendant la nuit un pont, sur lequel les divisions défilèrent à la pointe du jour. Les éclaireurs de Djezzar furent rejetés dans Acre, et Bonaparte assit son camp à Essour, à 120 toises des murailles, sur un plateau élevé et parallèle à la mer.

L'ancienne Ptolémaïs, si célèbre par les siéges qu'elle soutint dans l'antiquité et à l'époque des croisades, ne semblait pas devoir faire une résistance plus longue que Jaffa, car elle n'avait qu'un fossé de plus. Cependant, sa situation dans une presqu'île, permettait à l'assiégé de réunir tous ses moyens de défense sur le seul front d'attaque. La garnison était brave, et il suffisait de se rappeler la manière dont les Ottomans défendent un rempart, pour s'attendre que le pacha de Syrie se déciderait à courir les chances d'un assaut : l'arrivée du commodore Sidney Smith, qui abandonna sa station d'Alexandrie aussitôt qu'il apprit la marche de l'armée française, le confirma dans cette résolution. Cet officier redoubla le courage de Djezzar, lui promit l'appui de ses vaisseaux, et lui donna pour diriger sa défense deux émigrés français, Phélippeaux, ancien officier du génie dont on a déjà parlé au chapitre LV, et Trommelin, compagnon d'armes de Sidney lorsqu'il fut fait prisonnier devant le Havre, et qui avait partagé sa captivité au Temple. Tout prit dès lors un aspect différent dans Acre. On travailla avec activité à réparer les anciennes fortifications; on en éleva de nouvelles, et deux bâtiments anglais, le Thésée et le Tigre, vinrent s'embosser dans la rade, d'où ils commencèrent un feu terrible contre la gauche du camp français. Un événement fortuit redoubla la confiance des assiégés. La flottille, sortie du port d'Alexandrie, avec le parc de siége, fut capturée par Sidney Smith, qui débarqua sur-le-champ cette grosse artillerie, pour être employée à la défense de la place.

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La perte de la flottille réduisait les moyens de l'artillerie à 4 pièces de 12 et 8 pièces de 8. Malgré la faiblesse de ce calibre, les batteries jouèrent avec tant de succès, qu'elles parvinrent à éteindre le feu de la tour, et à y ouvrir une brèche qui fut jugée praticable. Vainement les assiégés tentèrent, le 26, de détruire les travaux d'approche. La galerie de mine étant parvenue jusqu'au pied de la tour, on chargea le fourneau et l'on fit tous les préparatifs de l'assaut qui fut fixé pour le 29.

A peine avait-on mis le feu à la mine, que les grenadiers de la division Lannes s'élancèrent à la brèche. L'explosion n'avait produit que peu d'effet; et la contrescarpe, dont on ne soupçonnait pas l'existence, n'avait pas été endommagée. Malgré ces obstacles, les grenadiers se précipitèrent dans le fossé, et escaladèrent la tour que l'ennemi avait abandonnée; c'en était fait d'Acre, s'ils eussent été soutenus par une réserve, mais les Turcs voyant le petit nombre des assaillants, se rallièrent, les expulsèrent de la tour et les repoussèrent dans la tranchée avec une perte considérable.

L'insuccès de ce premier assaut, sans abattre le courage des républicains, les rendit plus circonspects: on sentit qu'il fallait plus que de la valeur pour surmonter tant de difficultés, et l'on travailla à perfectionner les tranchées. Enfin, une nouvelle attaque contre la tour ayant encore échoué le 1er avril, on se décida à attendre la grosse artillerie demandée à Damiette; on rouvrit la mine, et les bataillons de service eurent l'ordre de se borner à repousser les sorties journalières de l'assiégé, pour ruiner ou retarder les travaux du siége.

Cependant, Bonaparte avait conclu une espèce d'alliance avec les Druses, peuplade chrétienne du Liban, et promis à leur chef Daher, fils de l'ancien pacha d'Acre, de lui rendre l'autorité de son père. Il en obtenait en retour les approvisionnements nécessaires à l'armée, et des rapports

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