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trop exposé, il fut fait prisonnier, et conduit au quartier général, sur la place delle Pigne.

CHAPITRE LXXXIII.

Cette circonstance, assez indifférente en appa- Plan de campagne des différents partis.-Jourdan passe

rence, décida pourtant de la reddition de Naples. Championnet ayant accueilli ce prisonnier avec bonté, lui ayant promis de respecter saint Janvier, et, accompagné cette promesse d'offres non moins séduisantes pour ce Lazzaroni, il s'établit son intermédiaire auprès du peuple; et, moyennant une garde d'honneur envoyée au saint, et une distribution de quelques écus, l'effervescence de la multitude se calma. Cette population exaspérée qui, peu d'instants auparavant, jurait de s'ensevelir sous les ruines de Naples, jeta ses armes, et fit succéder aux cris de mort, celui de vivent les Français Championnet profita habilement de cette mobilité ; tous les forts furent occupés; des réserves bivouaquèrent sur les principales places; et le reste de l'armée campa sur les hauteurs qui dominent la ville.

Naples était conquis. Soixante pièces de canon, 6 drapeaux et 20,000 prisonniers furent les fruits de cette courte campagne; mais l'armée française avait chèrement payé ces trophées, par la perte de 2,000 de ses braves, tués ou blessés. Championnet la récompensa de ses travaux, en la proclamant armée de Naples. Cette cérémonie, qui eut lieu avec toute la solennité dont elle était susceptible, fut précédée d'une déclaration où le général appelait les Napolitains à la liberté, et les rassurait sur les vues ultérieures du Directoire.

le Rhin et s'avance au-devant des Autrichiens. - Bernadotte s'empare de Manheim et somme Philipsbourg.

Masséna envahit les Grisons. Affaires de Feldkirch, de Tauffers, de Nauders, d'Ostrach, de Luciensteig Bataille de Stokach. Retraite de l'armée du Danube. Massacre des plénipotentiaires français

à Rastadt.

La conquête de Naples dont le Directoire s'enorgueillissait tant, était loin de diminuer les chances de succès de l'Autriche, et le conseil aulique trouvait dans l'histoire moderne plus d'un exemple pour s'en consoler.

Il n'était pas nécessaire de se reporter au temps de François Ier (1), et de se rappeler l'influence qu'une expédition semblable au fond de la Péninsule avait exercée sur la bataille de Pavie. Tout militaire expérimenté savait que le sort du royaume de Naples se déciderait sur le Pô, et que plus il y aurait de Français en Calabre, plus il serait facile de leur reprendre la Lombardie.

Le cabinet de Vienne pouvait sans trop de présomption se flatter de faire cette conquête; car le Directoire, qui soulevait l'Europe par tant d'envahissements, ne se trouvait pas avoir plus de 200,000 hommes disponibles pour conjurer l'orage amoncelé sur la France. Si, dans les siècles précédents, cette force avait paru suffisante pour soutenir de grandes guerres, il n'en était pas de même, après que la révolution eut tendu tous les ressorts des puissances, et au moment où chacune d'elles s'empressait à l'envi de doubler son état

Le général Duhesme, nommé commandant de la place, fut chargé d'opérer le désarmement des Lazzaroni. Cette mesure, commandée par la sû-militaire. reté commune des troupes et des habitants de cette cité populeuse, n'éprouva pas de résistance. Championnet sans attendre que le cabinet du Luxembourg cût envoyé de nouvelles instructions, et sûr d'agir dans ses vues, abolit la royauté et proclama la république parthénopéenne, dont il confia l'administration à un comité de 21 membres, présidé par Charles Laubert.

Nous parlerons, dans le chapitre LXXXVII, des institutions de ce nouveau gouvernement, ainsi que des expéditions partielles, dirigées contre les villes ou communes qui refusèrent de se soumettre.

Le plan de campagne du gouvernement français ne fut pas moins digne de blâme que sa politique; au lieu de réunir ses forces en deux masses, et de sacrifier les accessoires, du moins jusqu'à ce que la victoire et la levée de la conscription lai eussent fourni les moyens de s'étendre au gré de son ambition, il s'appliqua en quelque sorte à cumuler ses fautes. Sur 110,000 hommes qui se trouvaient en Italie, plus de 30,000 demeurèrent engouffrés au fond de la presqu'ile napolitaine, ou à Rome;

(1) François Ier, en détachant 10,000 hommes sur Naples, 6,000 sur Gênes, prépara la défaite de Pavie que ses fautes dans la journée même achevèrent.

15,000 furent employés à soumettre le Piémont et la Toscane; et à peine resta-t-il 50,000 combattants à présenter sur l'Adige aux forces de l'Autriche réunies à celles de Suwarow.

horie, sous-chef d'état-major de Moreau, et que revendique Jourdan (2), fat envoyé aux généraux en chef des diverses armées républicaines. Suivant ses dispositions, l'armée de Mayence, forte En Allemagne, on ne commit pas moins de de 45,000 hommes, devait passer le Rhin à Kehl fautes dans la distribution et la direction des mas- et à Huningue, traverser les montagnes Noires, ses. Au lieu de considérer la Suisse uniquement s'emparer des sources du Danube, et prendre pocomme un point de départ avantageux et de s'ap-sition entre ce fleuve et Brégentz. En cas que les pliquer à réunir 90,000 hommes entre le haut Autrichiens ne fussent pas encore en mesure, il Danube et Constance, on voulut faire entrer dans était enjoint au général Jourdan, auquel le Direcle front d'opérations, un pays sauvage, couvert de toire en confia le commandement, de se porter montagnes arides, hors d'état de nourrir ses pro- rapidement sur le haut Lech, afin de les empêcher pres habitants, à plus forte raison une armée nom de le passer. Le but principal de cette armée était breuse. On affecta ainsi la moitié de l'armée d'Al- de favoriser l'invasion des Grisons et du Tyrol, et lemagne à la conquête des Alpes Rhétiennes, d'occuper les débouchés de cette dernière province. depuis le Splugen jusqu'aux défilés du Vorarlberg; en Bavière, aussitôt qu'elle aurait pénétré dans la exposant ces 30,000 hommes à une course dan- vallée de l'Iser. gereuse, si l'ennemi triomphait sur le Danube ; et laissant, à 38,000 combattants et au général Jourdan, la pénible tâche de lutter contre la masse et l'élite des forces autrichiennes conduites par un grand capitaine.

Masséna, à la tête de 30,000 hommes, fut chargé de passer le Rhin entre Brégentz et Mayenfeld, et de porter sa gauche et son centre sur Brégentz. Maîtresse de Coire et de Brégentz, l'armée d'Helvétie devait s'avancer sur l'Inn, et s'emparer d'Inspruck, pendant que l'aile droite, renforcée d'une brigade tirée de l'armée d'Italie, marcherait de Bormio sur Glurenz, pour se saisir de la vallée du haut Adige, et descendre sur Botzen pour tourner cette ligne. Mouvement inconcevable ; car il reposait sur l'opinion bizarre que deux ou trois brigades portées aux sources d'un fleuve suffiraient pour déloger une armée de 80,000 hommes, victorieuse au point décisif.

Quoi qu'il en soit, la marche que prenaient les affaires, et la réponse évasive faite par les cercles à la note des plénipotentiaires de Rastadt, prouvant que la guerre allait recommencer, on crut important de prendre l'initiative pour frapper un coup décisif en Italie ou en Allemagne, avant que les Russes joignissent les armées impériales. Résolution très-sage, si l'on eût été en mesure; mais qui devait hâter un fâcheux dénoûment, dès qu'on n'avait rien préparé pour assurer un succès. La conscription venant d'être instituée tout récemment, il fallait un travail préparatoire assez long pour en arrêter les rôles, opérer le tirage, assembler et faire partir les hommes. Les troubles de Belgique, la crainte de la Vendée, l'embarras des élec-monstrations sur le Mein, le Necker et l'Enz, les tions, avaient porté le Directoire à retenir dans l'intérieur un certain nombre de troupes (1); et les armées affaiblies manquaient des principales choses nécessaires à la guerre.

Un corps d'observation sous Bernadotte, qu'on pensait porter à 48,000 hommes, était destiné à former les blocus de Manheim et Philipsbourg, à fournir les garnisons des autres places du Rhin, à couvrir les ponts, et enfin à appuyer, par des dé

opérations de l'armée du Danube. Les deux corps précédents furent mis sous les ordres du général Jourdan dont ils devaient recevoir l'impulsion. L'armée d'Italie, forte de 50,000 hommes, non

Cependant, un plan d'opérations attribué à La- compris les auxiliaires Liguriens, Cisalpins et Piċ

(1) Milet-Mureau, qui venait de prendre le portefeuille de la guerre des mains de Schérer, dans sa correspondance avec le général Jourdan, attribue aux élections la nécessité de conserver autant de troupes en France.

TOME III.

(2) Le plan de Jourdan, à peu près semblable, exigeait 320,000 hommes, dont 60,000 pour Naples. Quoique défectueux dans ses détails, il était pourtant possible qu'il réussît avec des forces aussi considérables.

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forces en Italie et sur le Rhin, c'était les faire écraser successivement pour s'occuper d'accessoires insignifiants. Il était facile de voir pourtant que la conquête du royaume de Naples ne serait qu'éphémère, si l'armée principale était battue sur l'Adige; et que la possession d'Ehrenbreitstein, de Philipsbourg et de Manheim servirait bien peu, si celle du Danube éprouvait des revers sur la rive droite du Rhin.

montais, devait porter son aile gauche sur Trente, | la campagne; et que, partager en cinq armées les tandis que le centre et la droite passant l'Adige vers Vérone, pousseraient l'ennemi derrière la Brenta et la Piave. Le commandement de celle-ci, d'abord destiné à Joubert, fut ensuite donné à Schérer qui abandonna le portefeuille de la guerre pour se charger de cette tâche délicate, dont on lui dissimula toutes les difficultés, en l'autorisant, si les circonstances l'exigeaient, à rappeler de Brixen le corps détaché pour soutenir l'armée de Masséna; il lui était recommandé de se tenir prêt à envahir la Toscane au premier ordre.

Une cinquième armée, sous Macdonald, fut chargée d'achever la conquête du royaume de Naples, et de fournir des secours aux garnisons de Malte et de Corfou.

Quinze mille hommes restaient sous Brune en Batavie, pour la protéger contre les attaques des Anglais et les tentatives des stathoudériens, de concert avec l'armée nationale (1).

que

que

Ainsi le Directoire, avec 170,000 homines disséminés des bords de l'Adige à l'embouchure du Mein, espérait s'emparer du saillant que forment le Tyrol et le Vorarlberg sur les États héréditaires de l'Autriche, tourner l'armée impériale d'Italie, et la couper à jamais de celle qui opérerait sur les bords du Danube. Ce plan, aussi gigantesdans son ensemble vicieux dans ses détails, était basé sur la fausse maxime que la possession des montagnes rend maître des grandes vallées. En visant à transporter le théâtre de la guerre en Tyrol, au lieu de le placer dans la vallée du Danube, on oublia que la conquête de ce pays était d'autant moins assurée, qu'on n'était maître ni de Feldkirch ni de la vallée de l'Adige; que, d'un côté, il n'y aurait de communication entre l'armée d'Italie et l'armée d'Helvétie que par le Splugen; que, de l'autre, cette dernière se lierait difficilement à l'armée du Danube, lorsqu'elle aurait dépassé le lac de Constance. Ajoutez qu'en disséminant les troupes en Allemagne, en Suisse, en Italie, on s'enlevait la faculté de frapper un grand coup sur l'un de ces points à l'ouverture de

(1) On n'a pas compris dans ces évaluations l'armée batave, dont la force s'élevait à 20,000 hommes; elle ne comptait guère que pour la défense de ses côtes, et dès

D'ailleurs, quand bien même le plan de campagne eût été mieux conçu, il aurait fallu d'autres moyens que ceux alors à la disposition du Directoire pour le faire réussir; car, au lieu de 170,000 hommes, il ne s'en trouva que 128,000 à mettre en action. Après deux ans de paix, les cadres se trouvaient considérablement réduits : la cavalerie était faible et généralement mal montée; l'artillerie et le train des vivres manquaient de chevaux ; une foule de braves officiers avaient été mis à la réforme par une économie mal entendue; ceux qui restaient sous les drapeaux étaient dégoûtés par l'espèce d'abandon dans lequel on avait laissé la troupe; l'armée d'observatiou n'existait encore que sur le papier; et, quoique sur la fin de 1798 on eût décrété une levée de 200,000 conscrits, et la formation de 18 bataillons suisses, à peine 40,000 hommes avaient-ils renforcé les cadres; le reste s'assemblait encore dans les places frontières pour y être organisé en bataillons de garnison. Pour tout dire, en un mot, on n'avait fait que des préparatifs insuffisants, soit dans l'intérieur, soit à l'extérieur, pour soutenir une guerre de longue haleine : négligence impardonnable dont on a voulu conclure que le Directoire désirait la paix ; si cela était vrai, il faut couvenir que depuis 1797, il s'abusait étrangement sur les moyens de la conserver.

L'Autriche avait mieux employé son temps : ses armées étaient belles, nombreuses, bien disciplinées et pourvues d'un immense matériel. L'Empereur, certain de l'arrivée prochaine d'un corps auxiliaire russe, voulait laisser aux Français tout l'odieux de l'agression, et n'avait point encore

que les hostilités n'en approchaient pas, il fallait la regarder comme une force négative. Il en était de même des milices helvétiques.

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