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La division de Rochefort mit à la voile, le 4 août: elle se composait de trois frégates et deux corvettes,

ordres du général Humbert. Cette faible escadre, commandée par le chef de division Savary, vint mouiller, le 22, dans la baie de Killala; et, sans attendre que toutes ses troupes fussent mises à terre, Humbert dirigea sur la ville une compagnie de grenadiers, qui s'empara de ce poste sans coup férir.

que, de cette formidable insurrection dont on éva-projet, Au lieu de partir dans les premiers jours luait la force à 60,000 hommes armés, il ne resta de juin, les escadres ne furent en mesure que sur plus, à la fin du mois de juillet, que de faibles la fin de juillet; et lorsque les vents permirent bandes dans les comtés de Wiclow, de Carlow et d'appareiller, celle de Brest fut retenue en rade, de Wexford. faute d'argent pour payer les équipages. Tandis que les Irlandais se faisaient ainsi écraser en détail, en attendant de jour en jour des secours du Directoire, celui-ci, absorbé par les prépara-portant 1,100 hommes de débarquement, sous les tifs de l'expédition d'Égypte, ne portait qu'une attention secondaire à ce qui se passait de ce côté. Vainement, plusieurs hommes d'état, d'accord avec les agents de l'union, le pressèrent d'attaquer l'Angleterre au centre et dans les germes reproductifs de sa puissance, et de réparer ainsi la faute que commit Louis XIV, en n'établissant pas solidement le roi Jacques en Irlande. On lui représenta que l'expédition, nuisible et téméraire alors qu'on avait besoin de toutes les forces pour décider la paix sur le continent, promettait un succès plus certain (1); qu'il faudrait moins de temps pour la préparer que celle d'Égypte; que son exécution offrait beaucoup moins de dangers, ne constituait pas en autant de frais, et devait obtenir des résultats bien plus prochains. Enfin, la paix avec l'Autriche donnant tous les moyens d'alimenter l'armée qu'on enverrait sur le Shannon, détruisait une partie des objections qu'on avait opposées à l'expédition de Hoche.

que

fût ce secours,

Le but de l'expédition eût été manqué, en se bornant à garder Killala; il fallait étendre le foyer de l'insurrection, et s'emparer de Ballyna. Humbert se porta donc sur cette ville par une marche forcée, et en chassa l'ennemi, après un léger combat. Ce succès enhardit les Irlandais: un millier vint joindre les vainqueurs, et en reçut aussitôt des armes et des munitions. Le général continua son mouvement, et se rendit maître de Rappa.

Informé, dans ce dernier endroit, que le général Lake était à Castelbar avec un corps de 5,000 hommes composé en grande partie de milices, il vole à sa rencontre ; et, après une marche de quinze heures, il paraît, le 27, sur les hauteurs en arrière de ce bourg, où les Anglais occupaient une forte position, entre un lac et un marais. Quoique Humbert eût laissé son artillerie derrière lui, il ne balança pas à attaquer. Pendant qu'on inquiétait là gauche de l'ennemi par des démonstrations, un détachement culbuta son aile droite, lui prit trois pièces de canon, et la rejeta en désordre sur la

Ce ne fut qu'après le départ de l'armée d'Orient qu'on ordonna l'armement de deux divisions navales à Brest et à Rochefort, destinées à porter en Irlande environ 4,000 hommes, avec des armes et des munitions pour les insurgés. Quelque faible il aurait eu une grande influence sur le cours des affaires, s'il fût parvenu anx Irlandais, avant l'issue de la lutte sanglante qu'ils venaient de soutenir. Appuyés par des troupes ré-ville. Cet échec détermina la retraite des troupes gulières, dirigés par des officiers expérimentés, et pourvus de tout ce qui leur avait manqué jusqu'alors, ils se seraient ralliés en foule autour des Français, et leur succès devenait plus probable. Mais le désordre des finances, la lenteur et les mauvaises dispositions du Directoire, firent échouer ce

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anglaises sur Ballynamore, où elles n'arrivèrent qu'après avoir perdu 4 à 500 hommes, 800 prisonniers, 10 pièces de canon et 5 drapeaux.

Après cette glorieuse affaire, Humbert s'occupa de l'organisation de la province de Connaught; il créa un gouvernement provisoire, sous la prési

à se soutenir devant Mantoue, et que les armées d'Alle. magne revenaient délabrées derrière le Rhin.

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dence de John Moore, et ordonna la formation de huit régiments d'infanterie et de quatre de cavalerie, indépendamment de la levée en masse des ha bitants de 16 à 40 ans.

Aussitôt que le gouvernement britannique fut informé du débarquement des Français, il ordonna au commodore Warren d'aller établir une croisière à l'embouchure du Shannon, avec une escadre de quatre vaisseaux de ligne et deux frégates, et prescrivit au vice-roi de prendre les mesures les plus vigoureuses, pour arrêter les progrès des troupes mises à terre.

:

Lord Cornwallis, conformément à ses instructions, rassembla en toute hâte 8,000 hommes sur la rive droite du Shannon rallia à Ballynamore la division battue du général Lake; et, renforcé par les troupes qui accouraient de toutes parts, se vit dans peu à la tête de 15,000 hommes, avec lesquels il se disposa à marcher à la rencontre des Français. Mais Humbert, averti à temps des forces considérables qui allaient fondre sur lui, ne pouvant leur opposer plus de 2,400 hommes, prit le parti de gagner le nord de l'Irlande, pour se réunir aux insurgés des environs de Dublin, et y rester sur la défensive, en attendant les renforts que portait l'escadre de Brest. Il évacua donc Castelbar, et commença son mouvement rétrograde. Lake le suivit par Ballaghy, pendant que Cornwallis s'avançait vers le comté de Longford; et que le général Nugent, commandant dans le Nord, menaçait de front sa petite division. Sa marche fut si rapide, que Lake ne put l'atteindre; et, après avoir battu la garnison de Sligo qui voulait s'opposer à son passage, il se rabattit sur Hamilton, et arriva devant Balintra, située à la rive droite du Shannon. Ce point était défendu par des forces supérieures; néanmoins Humbert, sentant le danger de sa position, n'hésita point à le forcer : après avoir brûlé le pont de cette ville, il se retrancha sur la rive opposée, et se dirigea le lendemain sur Granard, où il croyait trouver un corps nombreux d'insurgés. Arrivé à Cloone, il apprit qu'il avait été dispersé par la Yeomanry, et voulut d'abord continuer sa route; mais il céda aux instances du chef irlandais, qui lui donna l'espoir de rallier ses bandes le jour suivant, et prit position en avant de Cloone.

Ce retard lui devint fatal; Lake, après avoir promptement rétabli le pont de Balintra, lança à sa poursuite 700 cavaliers, portant chacun un fantassin en croupe. Cette avant-garde atteignit enfin les Français, le 8 septembre, sur les hauteurs de Ballinamuk, et engagea aussitôt le combat pour donner le temps aux colonnes du général Lake de se déployer. Humbert soutint deux heures entières les efforts des Anglais; mais se voyant enveloppé, et ne pouvant espérer de se faire jour avec des hommes qui venaient en quatre jours de faire 44 lieues et de soutenir plusieurs combats, il consentit à capituler, et se rendit avec 800 hommes. Les insurgés qui s'étaient joints à lui, se dispersèrent.

Ainsi, cette expédition ne servit qu'à faire éclater encore quelques révoltes dans les comtés de Mayo et de Longford. Castelbar, qui avait été un instant la capitale de la république irlandaise, ayant été repris par les troupes royales, fut attaqué plusieurs fois par les insurgés, mais toujours sans succès. Ils conservèrent plus longtemps les villes de Ballyna et de Killala, dont enfin le général French les chassa, le 23 septembre, après leur avoir tué beaucoup de monde. Le petit nombre d'insurgés qui lui échappa alla grossir les bandes qui se soutenaient dans le comté de Wiclow.

Bien qu'un second débarquement eût pu causer un nouvel incendie en Irlande, le gouvernement anglais était actuellement en mesure de repousser toute espèce d'agression. Le brick l'Anacréon, monté par le général Rey et le célèbre NapperTandy, parut, le 16 septembre, devant Rutland, sur les côtes du comté de Donégal; il portait des armes et un détachement d'artillerie légère, que la nouvelle de la reddition d'Humbert empêcha de mettre à terre le chef irlandais jeté ensuite sur les côtes de Norwége, gagna Hambourg, où il fut arrêté et livré aux Anglais.

L'expédition de Brest, que le manque de fonds et un concours de circonstances avaient jusqu'alors retenu dans le port, mit enfin à la voile, le 17 septembre. Elle se composait du vaisseau le Hoche, de 74, de huit frégates et d'une corvette, commandés par le chef de division Bompard, et portant 3,200 hommes de troupes, sous les ordres des généraux Hardy et Ménage. A peine l'escadre

Le cabinet de Londres, tout en veillant à la

eut-elle mis en mer, qu'elle fut obligée de manoeuvrer pour dérober sa marche à deux frégates an-garde de ses côtes, ne négligea aucun moyen de se glaises chargées de l'observer. Dans l'espoir de procurer des équivalents aux conquêtes des Franleur faire prendre le change sur sa destination, çais. Sentant la nécessité d'avoir un port sûr dans Bompard descendit jusqu'au cap Finistère; mais, la Méditerranée, soit pour contrarier la navigavoyant qu'il ne pouvait s'en débarrasser, il leur tion entre Toulon et l'Égypte, soit pour mieux s'asdonna la chasse, et se dirigea sur l'Irlande, dont surer l'empire de cette mer que la bataille d'Abouil découvrit les côtes, le 10, au soir. kir venait de lui rendre, il fit attaquer Minorque. Le gouverneur espagnol n'opposa pas dans cette île la même résistance qui avait illustré Blackney contre le maréchal de Richelieu, et qui avait fait du siége de Port-Mahon un événement célèbre. Cette place tomba sans bruit, et à peine sut-on en Europe qu'elle était passée aux mains du général Stewart.

Déjà les deux bâtiments ennemis avajent rejoint l'escadre du commodore Warren, qui croisant aux environs de Point -Achil, fit voile immédiatement du côté des Français. Le 12, à la pointe du jour, les deux escadres furent en présence dans les eaux de l'île de Torry. Il y avait trop de disproportion dans les forces, pour que l'issue du combat fût douteuse : le Hoche amena son pavillon, après quatre heures de la plus brillante résistance. Hardy, Bompard et Théobald Wolfe-Tone, l'un des chefs de l'union, furent faits prisonniers. Les frégates françaises tentèrent vainement de s'échapper. Deux seulement, avec la goëlette la Biche, parvinrent à gagner les ports de la république : les six autres furent capturées par l'escadre de Warren, ou par d'autres croisières. Wolfe-Tone, conduit à Dublin pour y être jugé, déploya un grand caractère dans sa défense: fidèle aux principes stoïques qu'il avait toujours professés, il envisagea la mort en sage, et se la donna lui-même, pour épargner à ses nombreux amis la douleur de le voir périr sur l'échafaud.

Les tentatives du Directoire contre l'Irlande se terminèrent par le fit une infructueux voyage que seconde fois le chef de division Savary, dans la baie de Killala. Il y apprit, en arrivant, les désastres de Humbert et, se voyant menacé par des forces supérieures, il regagna en toute hâte, et sans mésaventure, le port de Rochefort.

Ainsi, l'expédition d'Égypte, en faisant renoncer à celle d'Irlande, au moment le plus favorable pour la tenter, ne causa pas seulement la perte de l'élite du personnel de la marine, mais fit manquer encore l'occasion de porter un coup sensible à la puissance de l'Angleterre : triste effet de la politique étroite du Directoire, et de l'ombrage que lui donnait un homme dont il redoutait plus les talents et la popularité, que la puissance même de l'ennemi le plus dangereux!

Si leurs armes ne furent pas si heureuses en Amérique, les Anglais s'en dédommagèrent amplement en semant les germes de la scission de Saint-Domingue, sur laquelle il n'est pas hors de propos de jeter un coup d'œil.

On a vu au chapitre LXXV, qu'à la fin de 1797, ils ne possédaient plus que Port-au-Prince, le môle Saint-Nicolas et les côtes environnantes. Affaiblis par les maladies encore plus que par les combats, il eût été facile dans le cours de la campagne suivante, de les expulser de la colonie, si elle eût été dirigée par un gouvernement sage et ferme, et si Toussaint, satisfait de l'emploi de général en chef, eût voulu se soumettre franchement à l'autorité de la métropole. Mais l'anarchie entretenue par la division des noirs et des hommes de couleur, autant que l'ambition démesurée de cet homme extraordinaire, et la conduite inconsidérée des agents du Directoire, s'opposaient également à cette heureuse réunion.

Pendant la double lutte entre Rigaud, Toussaint et Santhonax, la tribune des conseils retentit souvent de plaintes contre l'administration de ce dernier. On rappela ses cruautés, ses actes arbitraires; et la violence exercée sur le général Rochambeau, envoyé par le Directoire pour prendre possession de la partie espagnole, et que, de son autorité privée, Santhonax avait fait arrêter et renvoyer en Europe. On reprocha au Directoire d'avoir naturalisé le système de spoliation aux Antilles, et pris des mesures barbares contre de malheureux habitants qui, en émigrant, n'avaient

Toussaint quitta brusquement le Cap pour aller terminer ses négociations avec les Anglais.

cherché qu'à se soustraire à la férocité des noirs. | d'Hédouville, enflamma la jalousie de son rival ; et Enfin, la loi du 4 pluviôse an iv, qui lui donnait le droit d'envoyer des agents dans les colonies, fut rapportée. Toutefois, comme la malheureuse situation de Saint-Domingue ne permettait pas d'y établir encore le régime constitutionnel, les conseils autorisèrent plus tard le Directoire à y envoyer de nouveaux commissaires, dont les pouvoirs ne dureraient jamais plus de 18 mois.

Le choix du gouvernement tomba sur le général Hédouville, que sa modération bien connue semblait rendre propre à calmer les factions qui déchiraient la colonie.

Le général Maitland, malgré les renforts qui venaient d'entrer dans la rade du môle Saint-Nicolas, prévoyant l'impossibilité de se maintenir à Saint-Domingue, tenta un dernier expédient pour enlever cette riche possession à la France; ou au moins, y déposer le germe de dissensions intestines. S'il faut en croire le général Pamphile Lacroix, il offrit à Toussaint Louverture, au nom du roi d'Angleterre, la souveraineté d'Haïti, avec tous les secours nécessaires pour assurer la couronne sur sa tête; n'exigeant en retour que la signature d'un traité exclusif de commerce avec la GrandeBretagne. Tous les genres de séduction furent mis en usage par le général anglais pour gagner Toussaint; et peut-être ne furent-ils pas vains. Mais, soit que ce chef n'ajoutât pas entière confiance à ses promesses, soit qu'il crût indispensable d'ajour

Toussaint Louverture était à la veille de renvoyer Raymond comme Santhonax, lorsqu'il apprit cette nomination. Son ambition en frémit; mais il sut dissimuler son mécontentement, protesta de son attachement à la république, et envoya ses deux fils à Paris pour y être élevés au Prytanée. Afin de conserver la confiance du Directoire, il rassembla même son armée, et marcha sur le Port-ner une rupture ouverte, il enveloppa ses négociaau-Prince, à dessein d'en chasser les Anglais.

Ceux-ci, à qui il ne restait plus que des squelettes de régiments, sentant l'impossibilité de résister à l'armée nombreuse et aguerrie qui s'avançait contre eux, tentèrent la voie des négociations. Le général Maitland, connaissant la vanité de Toussaint, lui témoigna la plus grande considération, et lui envoya force parlementaires qui, par leurs compliments, tournèrent la tête au-général africain. Bien différent de Rigaud, qui avait toujours repoussé les séductions avec mépris, il savoura l'encens que brûlait devant lui son adroit adversaire; et la guerre à outrance qu'il devait faire aux ennemis de la république, se changea en lutte de prévenances et de politesse. Il était aisé de prévoir dès lors que l'astucieux noir qui avait frondé l'autorité de la France, et n'avait plus rien à espérer d'elle, se tournerait du côté de la puissance intéressée à le rendre indépendant.

Ce fut à cette époque que le général Hédouville arriva à Saint-Domingue: les conférences qu'il eut avec ces deux généraux, ne servirent qu'à l'éclairer sur les difficultés de sa mission. Toussaint Louverture ne se rendit auprès de lui qu'à son corps défendant: Rigaud, au contraire, ne se fit pas renouveler l'invitation : l'accueil qu'il reçut

tions d'un voile si mystérieux, qu'on est réduit à former des conjectures.

La capitulation du Port-au-Prince éveilla d'abord quelques soupçons; on donna aux Anglais toutes les facilités pour l'évacuer, et ils ne le rendirent qu'après avoir embarqué ou détruit tout le matériel. Une pareille transaction, signée par le général d'une armée de 15,000 hommes, dont le moindre effort suffisait pour jeter à la mer, ou faire prisonnier le peu de troupes qui défendait une ville presque ouverte, semblait dénoter un système de ménagement qui blessait les intérêts de la république. Aussi, le général Hédouville blâma la conduite de Toussaint Louverture, et voulut négocier lui-même l'évacuation des postes que les Anglais avaient encore dans le sud et l'ouest de l'ile.

Cette détermination lui attira bientôt un affront. La garnison du môle Saint-Nicolas offrit de remettre la place dans l'état où elle l'avait pris, et il y consentit. Mais Toussaint, choqué que cette convention eût été conclue sans sa participation, intrigua auprès de Maitland pour la faire annuler: et le gouverneur anglais, ravi de jeter un brandon de discorde entre les deux généraux, déclara qu'elle ne serait exécutoire qu'après avoir été ratifiée par Toussaint.

Celui-ci prit bientôt possession de cette impor- | 15 à 1,600 personnes qui craignaient la vengeance tante place, où il fit une entrée solennelle; on lui des révoltés. rendit tous les honneurs réservés au commandement suprême; il reçut de riches présents de la part du roi d'Angleterre, et dès ce jour-là, il fut aisé de s'apercevoir, malgré la dissimulation du rusé chef des noirs, que si la colonie n'était pas acquise à l'empire britannique, elle était du moins perdue pour la France.

En effet, la mortification qu'il venait de faire essuyer au général Hédouville, n'était que le prélude de celle qu'il lui réservait. Sûr de son influence sur les noirs, Toussaint ne s'occupa qu'à s'attacher les colons. La discipline exacte qui régnait dans ses troupes, la protection manifeste qu'il accorda aux habitants portés comme émigrés sur les listes du Directoire, et le masque religieux dont il s'était revêtu, lui valurent bientôt l'amitié de tous les blancs. Il ne craignit plus dès lors de se mettre en opposition ouverte avec le commissaire du gouvernement, en différant de cinq ans l'affranchissement des esclaves, et en abolissant la dénomination d'émigrés: il rendit même à ces derniers tous leurs biens séquestrés, et en agit de même à l'égard des propriétaires qui avaient été au service des Anglais. Une mesure aussi hostile jeta le général Hédouville dans le plus grand embarras. Sans force, presque sans crédit, et voyant l'opinion se déclarer en faveur de son redoutable adversaire, il l'invita à se rendre au Cap, pour prendre connaissance des instructions nouvellement reçues du gouvernement.

Ce départ ayant calmé l'effervescence des noirs, Toussaint Louverture se hâta alors d'inviter le commissaire Roume, qui se trouvait dans la partie espagnole, à prendre les rênes de l'administration générale de la colonie; et, redoutant les suites de l'accusation intentée contre lui, il fit porter en France, par un de ses affidés, l'apologie de sa conduite. Le Directoire, flottant entre les rapports d'Hédouville qui accusait Toussaint de connivence. avec les Anglais, et les plaintes de celui-ci, qui reprochait à Hédouville d'avoir abusé de son autorité et compromis le salut de la colonie, crut ne pouvoir mieux faire que de suspendre son jugement et différer l'envoi de nouveaux commissaires, jusqu'à ce qu'il eût recueilli des renseignements plus certains.

Les Anglais se réjouirent d'un événement qui relevait leurs espérances. Plusieurs habitants craignirent aussi que Toussaint Louverture, pour éviter une grande responsabilité, ne se jetât dans les bras des ennemis de la France. Mais rien, dans la conduite de ce chef, ne justifiait ces appréhensions: il paraîtrait même que plus de prudence de la part du général Hédouville, et un peu moins de légèreté dans les officiers qui l'entouraient, eussent détourné cette funeste scission, qui amoncela tant de malheurs sur la colonie. Toussaint Louverture n'était jaloux que de son autorité, et affectait en toute occasion un vif attachement pour la république. Mais l'amour de ses troupes et la confiance des habitants lui avaient révélé le secret de sa force; et le seul tort fut au Directoire qui, au lieu d'investir d'une grande autorité l'homme qui pouvait sauver l'île, persista à méconnaître le génie qui perçait dans toutes ses actions, malgré les empreintes encore récentes de l'esclavage.

La Guadeloupe et les îles qui dépendaient de la même agence, avec plus de tranquillité intérieure, offraient aussi un état beaucoup plus prospère que

Mais Toussaint Louverture jugeant qu'il fallait frapper un coup décisif, suscita les noirs à la révolte, sous prétexte que l'agent du Directoire voulait s'emparer du général en chef, pour les replonger plus facilement dans l'esclavage. Ces perfides insinuations obtinrent tout le succès qu'il en attendait l'insurrection du 8° régiment colonial, en garnison à Fort-Dauphin, fut le signal du rassemblement de toute la population noire dans les plaines du Cap. Ses habitants tremblaient de voir re-Saint-Domingue. nouveler les scènes sanglantes de 1793, lorsque le général Hédouville, désespérant de ramener cette foule égarée et dirigée par un chef dont il connaissait l'audace, prit le parti de s'embarquer sur les frégates ancrées dans le port, emmenant avec lui

Cayenne et la Guyane, devenues les lieux d'exil de la république, ne faisaient pas de grands progrès; car des législateurs, des journalistes, des nobles et des prêtres proscrits, ne sont pas des hommes propres à défricher une terre marécageuse.

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